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Pardon, S’il te plaît, Merci, Charles Yu

Feel It Still – Portugal. The Man (extrait de l’album Woodstock)
Best Excuse – Saint Chaos

Dans un intervalle cruel que beaucoup d’entre nous lecteurices connaissent, séparant notre lecture précédente et la réception/achat d’une lecture prochaine, se glisse souvent une indécision terrible (du moins pour cielles comme moi qui n’aiment pas lire plus d’un ouvrage à la fois). Est-ce que j’entame un autre bouquin en attendant, ou est-ce que j’attends juste un peu pour pouvoir me jeter sur le prochain directement ? J’étais dans cette situation, que je n’aime pas du tout. Et puis je me suis dit que zut, au pire, je n’étais pas si pressé que ça (et que de toute façon avec la chance que j’ai en ce moment, les colis seraient en retard).
Alors j’ai décidé de lire du Charles Yu. Parce que j’aime beaucoup son travail, et que j’ai encore du retard à rattraper à cet égard ; et aussi parce que selon ma réception de l’ouvrage en question, j’allais pouvoir décider définitivement si cet auteur singulier allait pouvoir confirmer sa place prévisible dans mon Panthéon personnel.
Et oh la la que oui. Intronisé, avec les honneurs. Quel auteur, décidemment. Comme d’habitude, il me faut adresser un grand merci aux Forges de Vulcain. Merci d’éditer en France une plume si merveilleusement singulière. Mais il me faut aussi admettre une angoisse lancinante quoique légère à propos de ma capacité à rendre justice à un ouvrage d’une telle qualité ou à ne pas trop me répéter.

À l’instar des Super-Héros de Troisième Division, nous sommes donc en présence d’un recueil de nouvelles, aux atmosphères variables, quoique empreintes d’un ton science-fictif souvent prégnant, ne serait-ce que par la façon habile de détourner la réalité de sa trajectoire habituelle. Et si je devais trouver un seul mot pour résumer la démarche d’écrivain de Charles Yu quant à ce recueil, ce serait celui d’audace. L’audace des prémisses comme l’audace de leurs réalisations.
Beaucoup des points de départ des nouvelles de ce recueil sont des idées séduisantes en elles-mêmes, mais dont on devine très vite que la moindre erreur dans leur traitement les ferait s’écrouler sans le moindre espoir de rédemption. Et je ne saurais dire exactement par quel miracle ; mais il me semble que Charles Yu ne se trompe jamais dans le ton à adopter pour rendre au mieux l’idée et ses implications. Tout comme il parvient à faire fonctionner des astuces formelles qui pourraient autrement se révéler terriblement stériles ou pédantes pour simplement les rendre brillantes. Ce recueil est ainsi tout à la fois drôle, touchant et émouvant, mais surtout diablement inventif ; ou même tout ça à la fois, sans jamais se départir, surtout, d’une profonde humanité.

Je crois que si j’aime autant cet auteur, c’est parce qu’une fois arrivé au bout d’un de ses ouvrages, je me dis que personne d’autre que lui n’aurait pu l’écrire, et encore moins de cette façon. Ce que j’aime particulièrement chez lui, c’est sa capacité à intriquer son concept avec sa narration, sa symbolique et sa forme générale, poussant le support livre aussi loin que possible avec du texte et de la pagination seul·e·s. Dans une synergie unique et renversante, l’ensemble devient aussi cohérent que signifiant, surtout dans ses récits les plus intimistes et humains. Il n’y pas toujours réellement de consistance au concept, en soi ; la plupart du temps, il s’agit juste d’un point de départ pour développer une idée plus large qui se sert de ce concept comme d’une illustration, un calque supplémentaire sur l’interprétation à faire des éléments du récit, sachant puiser à des sources éminemment variées.
Ressort alors de ces récits une certaine poésie, encore et toujours cette étrange magnificence de la médiocrité que j’ai déjà eu l’occasion de célébrer et qui me parait désormais indissociable du travail de Charles Yu. Je m’attache d’autant plus à ses personnages que je ne m’y attacherais sans doute pas en temps normal ; les losers résignés m’ennuient, d’ordinaire. Mais cet auteur-là arrive, je ne sais comment, à leur rendre leur noblesse, une sorte d’universalité brillante, en faisant des losers magnifiques ; peut-être parce qu’il sait aussi être très drôle, ça doit aider. Il sait faire allumer une torche au milieu des ténèbres à ses personnages, leur confier des idées allant bien au delà d’iels-mêmes.

J’ai effectivement craint de me répéter encore une fois, mais je m’y suis finalement résigné sans regrets, parce que la qualité de ce travail le mérite plus que largement, ne serait-ce que pour son audace créatrice et l’excellence qui en découle. Que ce soit pour son travail présent, lorgnant plus volontiers du côté de la science-fiction mais le rattachant à une réalité pragmatique lorsqu’il s’agit de lui donner un sens bien plus général et – oserais-je dire – transcendant ; ou pour le travail plus « classique » d’un Chinatown, Intérieur, Charles Yu mérite toute votre attention. Les ouvrages d’un auteur d’une telle qualité, d’une telle singularité, balaient aisément la question du genre littéraire pour aller chercher leurs questionnements dans une toute autre sphère ; c’est sans doute pour ça que j’aime autant le lire. Je ne lis pas des ouvrages de SF ou de générale, je lis du Charles Yu ; peu importe le bouquin tant qu’on a l’ivresse. Et alors, je m’éclate à tous les niveaux possibles pour un lecteur tel que moi ; je ne connais rien de meilleur, comme sensation, que celle d’être débordé, submergé par l’envie fiévreuse du partage. Je veux que vous lisiez du Charles Yu parce que je vous souhaite de ressentir le même frisson du génie généreux d’un auteur ayant su vous atteindre au plus profond de vous même au hasard d’une fulgurance parmi tant d’autres ; capable de vous faire vous rendre compte, encore une fois, de quoi la Littérature est capable, bien au-delà des modèles les plus classiques.
Vraiment, merci Charles Yu, et merci les forges de Vulcain. Merci.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

3 comments on “Pardon, S’il te plaît, Merci, Charles Yu

  1. Yuyine dit :

    Je n’ai encore jamais lu Charles Yu mais après une telle chronique j’en ai honte xD

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Ménon, faut pas avoir honte ! Rien ne garantit que tu aimeras autant que moi, en plus.
      (Mais je t’encourage quand même très fort à tenter. 😉 )

      J’aime

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