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Les refuges, Jérôme Loubry

Deep Down – Saosin (extrait de l’album In Search of Solid Ground)

Il arrive parfois que les circonstances décident plus volontiers de mes lectures que mes envies. Après l’enchaînement assez malheureux de lectures difficiles et de chroniques pas plus simples (coucou La Main Gauche de la Nuit), je me suis dit que j’allais profiter de mon voyage en train vers les Imaginales pour changer un peu de braquet et une fois de plus sortir de ma zone de confort habituelle pour en explorer une autre plus rare.
Polar, donc, emprunté sur d’excellents conseils de la part de quelqu’un qui s’y connait bien mieux que moi ; parce que ce genre littéraire a l’immense mérite de me reposer le cerveau. Non pas que je n’y puisse pas y trouver une satisfaction intellectuelle, au contraire, mais j’ai le sentiment que les codes y sont nettement plus stables, moins propices à l’hernie mentale. J’ai de fait moins tendance à me torturer en dénouant les fils d’une intrigue, aussi retorse soit-elle, plutôt que de trouver des thématiques ou des symboliques enfouies sous des concepts pas toujours évidents à complètement comprendre. Il faut admettre que parfois, suivre des gentils vraiment gentils qui essaient d’arrêter des méchants vraiment méchants sans que j’ai, en tant que lecteur, d’efforts à fournir pour suivre l’action comme leurs implications ou nuancer tout ce que je lis à l’aune d’infos subtiles, c’est reposant ; je devrais faire ça plus souvent.
Alors, fait amusant, il n’est pas vraiment question de ce type d’affrontement manichéen classique dans Les Refuges, ce qui est assez ironique. Mais ça indique bien, quand même, dans quel état d’esprit j’ai entamé ma lecture : détendu, et résolu à me laisser emporter sans trop en faire dans l’analyse. Quelque chose qui m’a peut-être manqué ces derniers temps, et qui me manquera sans doute à nouveau à l’avenir, parce qu’on ne se refait pas.
Mais bref. Tout ça pour dire que Les Refuges, ce n’était pas une lecture de tout repos, au contraire, mais que j’ai été absolument embarqué et séduit ; et je vais vous expliquer pourquoi.

Installée depuis peu en Normandie pour y poursuivre sa carrière de journaliste dans le calme, Sandrine voit sa routine à peine établie être bouleversée par un message provenant d’un notaire. Sa grand-mère, qu’elle n’a jamais connue et qui a rompu tous contacts avec sa famille il y a longtemps, vient de décéder. Et c’est à Sandrine que revient la tâche de se rendre sur la petite île isolée où elle a fini sa vie pour y récupérer ses affaires. Une fois sur place, elle rencontre les derniers habitants, d’autres occupants de la dernière heure d’un endroit voué à mourir. Très vite, l’ambiance comme les gens apparaissent étranges et effrayants à la jeune femme, qui se rend compte qu’un lourd secret pèse sur l’ensemble, qu’elle va s »efforcer de découvrir, à ses risques et périls.

Alors forcément, avec un résumé pareil, pour des gens habitués aux polars, contrairement à moi, ça pourrait ne pas sonner très original ; point que je pourrais aisément concéder, du moins en ce qui concerne le premier tiers du roman. Personnellement, ça ne m’a absolument pas posé problème, puisque en général déjà, mais dans le polar/thriller en particulier, l’originalité n’est pas ma principale envie ; j’y substituerais volontiers l’efficacité ou la solidité, la cohérence, avec des touches d’audace bien maîtrisée et à-propos. Et c’est exactement ce que j’ai eu dans ce roman, ce qui explique mon présent enthousiasme.
Parce que si le départ était assez convenu dans le fond, formellement, c’était extrêmement solide. Entre la multiplication des points de vue, des détails plus ou moins subtils se recoupant d’un chapitre à l’autre et une atmosphère poisseuse et déroutante , il y avait tous les ingrédients pour une énigme solide que j’anticipais pouvoir résoudre en compagnie de Sandrine. Sauf que Jérôme Loubry est un petit malin, à l’idéale frontière entre l’honnêteté et la sournoiserie, sachant jouer avec malice de son intrigue comme de ce qu’il nous en donne à voir.

C’est ça que j’ai absolument adoré : l’auteur m’a tout montré (ou presque) au fil de son récit, partageant avec moi les interrogations de ses personnages, les implications possibles de leurs découvertes, me guidant le long du chemin, me mettant en confiance. Puis, quand je croyais avoir les réponses, il a changé les questions. N’ayons pas peur des mots, je me suis complètement fait avoir, et ce à de nombreuses reprises. Et c’était trop bien, voilà. Le meilleur étant qu’il n’est pas question de savoir si les surprises en question étaient liées à un manque d’attention de ma part à cause de mon état d’esprit, simplement de constater que chaque révélation ou retournement faisait sens à l’aune d’éléments clairement établis auparavant mais auxquels il fallait simplement que je prête mieux attention.
Le roman joue ainsi des contextes qu’il présente, autant que de ses points de vue et de ses temporalités avec une impressionnante habileté pour créer une trame extrêmement solide, mais dont les différentes perceptions nous amènent à perpétuellement douter et croire, ne sachant parfois pas trop sur quel pied danser ; mais avec toujours l’envie que la danse aille continue et aille jusqu’au bout. Chaque retournement s’inscrivant logiquement dans une continuité solide, nourrie de la multiplicité maline et cohérente des points de vue, on a systématiquement envie d’en savoir plus, de mieux comprendre de quoi il est exactement question, dans un crescendo narratif qui se conclue avec un certain brio dans l’apothéose de la conclusion.

Alors forcément, ayant très souvent faim de récits axés sur les questions socio-politiques, avec des personnages complexes, nuancés, volontiers torturés de contradictions et d’allégeances paradoxales, je ne peux pas dire que Les Refuges m’aient particulièrement sustenté, à cet égard. Mais je demeure comme tout le monde friand de divertissement bien calibré faisant preuve d’originalité bien dosée et d’audace conceptuelle : à cet égard-ci, j’ai été servi, et j’ai même eu le droit à du rab’. Parce que malgré mon envie de me laisser porter, jouer le jeu de l’hypothèse et de l’anticipation, de l’enquête littéraire, scruter le moindre indice, pour se rendre compte 85% du temps qu’on s’est planté, c’est aussi plaisant que d’imaginer la possibilité d’une altérité biologique ou d’un système politique basé sur un concept qui nous serait complètement étranger ; ce n’est juste pas exactement le même plaisir. L’un des grands mérites de ce roman aura peut-être aussi été de me rappeler les mérites d’une intrigue bien ficelée sachant jouer sur mes attentes et ses zones d’ombre, un aspect que j’ai peut-être un peu trop oublier d’apprécier ces derniers temps. C’est aussi à saluer.

Bref, c’était très cool. Je ne peux toujours pas jurer qu’on me reprendra à lire du polar avec la même régularité que les ouvrages que je côtoie habituellement, mais force est de reconnaître que cette petite sortie de ma zone de confort a été couronnée de succès. C’était malin, efficace et diablement maîtrisé. Des fois, la conclusion est aussi simple que ça.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

4 comments on “Les refuges, Jérôme Loubry

  1. Frey jean pierre dit :

    Que vous dire je suis un peu choqué par une sorte de condescendance que vous distribuez dans votre chronique Loubry est un jeune auteur qu’on dit de « polar » en temps que terme générique, talentueux. Mais il n’est pas le haut du pavé dans ce qui regroupe du procédural, du noir ou du thriller, Je souhaite lire votre plume brillante plus souvent commentant un « polar » comme vous le faites pour l’autre générique « SFF ». De plus les deux genres ont beaucoup à échanger en temps qu’agent d’analyse de notre société, beaucoup d’auteurs « sff » font intervenir un « agent « policier tout comme maintenant certains du »polar » font intervenir l’anticipation en temps que sous genre sff.

    En attendant de vous croiser avec plaisir pour une de vos prochaines chroniques

    Jean pierre Frey

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    1. Laird Fumble dit :

      Ah je suis absolument navré si j’ai pu donner l’impression d’être condescendant, ce n’était absolument pas mon intention ; je voulais juste rendre compte de mon prisme de perception sur un genre que je connais peu et que je n’ai que rarement pris l’occasion d’explorer.
      Mon sentiment est simplement que le polar a forcément, quand il est laissé seul, sans hybridation ou rencontres avec d’autres genres, plus tendance à rendre compte qu’à proposer. Le cadre étant souvent contemporain ou très réaliste, il ne peut pas proposer la même altérité, la même force d’abstraction conceptuelle que l’Imaginaire que je lis habituellement, ce que je recherche activement dans mes lectures.
      Mais je vous accorde qu’il est possible que l’état d’esprit dans lequel j’ai entamé ce roman ait entrainé un manque d’analyse de ma part. C’est avant tout une question d’envie plutôt que de jugement de valeurs.

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  2. Symphonie dit :

    Ca a l’air sympa, je me le note 😀

    Aimé par 1 personne

  3. Yuyine dit :

    Un assez bon polar en effet. J’ai été légèrement moins enthousiaste que toi (peut-être parce que j’ai lu trop de polars) mais on ne peut pas lui retirer son efficacité et son effet de surprise.

    Aimé par 1 personne

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