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U-H-L #51 – La marche funèbre des marionnettes, Adam-Troy Castro

Navigating – twenty one pilots (extrait de l’album Clancy)

Nous sommes en mai, et comme tous les ans, sans que je ne puisse plus prétendre être surpris, mais continuellement ravi, j’ai reçu un petit colis avec les dernières sorties de la collection Une-Heure-Lumière, hors-série compris ; il y a des privilèges dont on ne se lasse pas. C’est d’autant plus agréable qu’à force, je manque sévèrement de munitions pour mes intros concernant les UHL : je n’ai plus rien à en dire d’utile ou de nouveau pour justifier mon envie de les lire. C’est rituel, à ce stade. Au moins, l’opération justifie d’avoir des remerciements à exprimer, ça fait un peu de volume.
Ceci étant dit : je ne savais rien d’Adam-Troy Castro avant cette lecture, sinon que la novella qui nous concerne aujourd’hui constitue le point de départ indépendant d’une série littéraire dont je ne sais pas grand chose à part qu’elle est publiée chez Albin Michel Imaginaire. Curieux mais pas particulièrement hypé, pour le dire vite.
Le résultat, c’est pas spécialement plus de hype, mais une curiosité renouvelée. Un bon, voire très bon texte, mais un peu trop éloigné de ce qui me fait positivement tiquer pour sentir un enthousiasme débordant à même d’être partagé. Et je dis pas ça pour être pénible, j’vous jure.
Allez, j’suis sympa, je vous explique.

Commençons par l’évidence : cette Marche funèbre des marionnettes, conceptuellement, ça tabasse. Je ne vois pas d’autre façon de le dire avec suffisamment de clarté ; il se passe indéniablement quelque chose de captivant dans ce texte, à un niveau purement narratif. C’est une bonne histoire avec de bonnes idées, et pour un fan de SF comme moi, c’est du petit lait. J’ai été accroché dès le début, j’avais envie de savoir dans quelle direction ça allait, et Adam-Troy Castro m’a donné tout ce qu’il me fallait au fil de son récit pour que ça reste comme ça tout du long, avec un rythme impeccable. Et une fois arrivé à la fin, j’étais pleinement satisfait du résultat, puisque conformément à ma vision d’un bon travail littéraire, l’auteur a ici parfaitement aligné ses ambitions et les moyens mis à leur disposition.

C’est au niveau de ces ambitions qu’il y a un peu de friture sur la ligne, même si ce que j’ai habituellement tendance à formuler comme des reproches à ce moment de la chronique n’en sont ici pas vraiment. Ce que je veux dire, c’est que s’il y a un souci dans la liaison entre le texte et moi, il vient, exceptionnellement, sans le moindre doute de moi. Et pour une fois, pas question d’un mauvais contexte de lecture ou d’un timing malheureux, pas du tout. C’est juste qu’Adam-Troy Castro, dans ce texte, en plus de ses concepts purement science-fictifs, développe des idées avec lesquelles je suis en fondamental désaccord ; par chance, ce sont des désaccords qui ne sont que purement philosophiques, le genre qui ne m’empêche pas de lire son travail avec plaisir, au contraire.
Alors peut-être que je vais chercher un peu loin, mais il me semble que ce texte s’interroge sur la nature de l’Art, au sens le plus large et noble du terme, mais aussi sur ses fonctions et ce qu’il peut valoir à l’aune de la civilisation. Et mon léger souci, c’est la réponse qu’apporte son auteur. Alors qu’on s’entende bien : en termes purement narratifs, aucun souci. Il n’est pas question ici de pinailler sur une quelconque incohérence ou de dire que les choix dramaturgiques sont mauvais, non, loin de là. C’est juste que je ne suis pas fan de cette idée selon moi développée en filigrane par Adam-Troy Castro que l’Art serait une sorte de force immatérielle universelle, un idéal civilisationnel partagé à l’aune du cosmos, quelque chose d’éthéré planant au dessus de nous, n’attendant que d’être saisi pour accéder à un plan supérieur d’existence ou de compréhension.
C’est peut-être mon côté un brin cynique et désabusé, mais je pense juste – d’une façon bassement matérialiste – que l’Art n’est rien d’autre qu’un symptôme accessoire de notre existence ; tout en saisissant l’ironie d’exprimer une telle opinion sur un blog faisant un tel cas de la littérature, je vous rassure. N’empêche que c’est ce que je pense. L’Art est important, certes, pour ce qu’il nous fournit de divertissement bienfaisant et de moyen transversal d’expression, mais je ne peux pas croire qu’il nous soit aussi ontologiquement essentiel que certain·e·s veulent le croire. Si on avait pas l’Art, on aurait autre chose, c’est juste qu’on est tellement baigné dedans, à ce stade de notre civilisation, qu’on ne peut plus imaginer quoi que ce soit d’autre. Et j’en suis très content, notez bien, je ne pense juste pas que cette jolie scorie de notre humanité éternellement mouvante ait la puissance qu’on voudrait parfois lui prêter pour nous rassurer sur le devenir de notre trajectoire, précisément parce que je ne peux pas la voir autrement que comme la queue de notre comète collective.

Alors voilà, il me semble qu’Adam-Troy Castro, avec ce texte, essaie de faire la démonstration d’une idée absolument contraire à ce que je crois, moi, fondamentalement. Et je pense sincèrement que sa démonstration est une des meilleures qu’il m’ait été donné de lire ; c’est juste que sur des sujets pareils, tout la verbalisation et la rationalisation du monde ne pourront jamais suffire à compenser notre ressenti le plus viscéral. Une idée envers laquelle on ressent un rejet irrationnel aura beau être aussi bien défendue que possible dans un joli emballage rhétorique ou dramatique, elle restera incompatible avec nous dans la majorité des cas, je pense. C’est ce qui arrive ici. Je ne ressens aucune hostilité envers Adam-Troy Castro ou son texte, au contraire, c’est presque de la jalousie qui m’anime ; j’aimerais pouvoir croire en l’Art comme il me semble le faire, avec ce qui ressemble à de la foi. C’est beau, la foi, quand c’est animé de belles et nobles intentions, c’est impressionnant, ça fait du bien à l’âme, et ça peut même faire tâche d’huile. C’est juste que je peux être extrêmement têtu, parfois, y compris à mes corps et esprit défendant.

Alors après, moi, je m’arrête sur un aspect précis du texte parce que je trouve ça super intéressant, et à cause de cette insistance, on pourrait croire que je n’ai pas aimé : non non non, j’ai franchement aimé. J’ai effectivement fait une petite fixette sur ce questionnement philosophique plus que sur le reste parce qu’il me semble que l’auteur lui-même avait envie de le développer au travers de son intrigue. Il s’avère que cette dernière était excellente en soi, ce qui garantit très probablement à cette novella de se tenir aux yeux de n’importe quel·le lecteurice, peu importe le niveau d’exigence ou la nature du regard.
Moi j’ai mes marottes analytiques, forcément, alors je cherche toujours du grain à moudre, dans lequel peut parfois se planquer une petite bête ; j’ai la faiblesse de croire que c’est aussi ce qui rend mes lectures intéressantes pour moi, à l’instar de mes chroniques pour vous, sinon on n’en serait pas là.
Et du coup, eh bah je suis très content d’avoir lu ce texte, forcément. Je ne suis pas foncièrement convaincu d’avoir envie de lire les autres textes d’Adam-Troy Castro dans le même univers, parce qu’un peu craintif de voir ces idées avec lesquelles je suis en désaccord être développées avec plus de volume ou de précision, perdant au passage l’équilibre qui préside la présente novella. Mais je garde les yeux ouverts, on ne sait jamais. On est jamais à l’abri d’une bonne surprise.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “U-H-L #51 – La marche funèbre des marionnettes, Adam-Troy Castro

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