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G@ming – The Cosmic Wheel Sisterhood

Ça fait un petit bout de temps que je guette avidement une nouvelle occasion de parler jeu vidéo sur ce blog. Parce que malgré ma relation toujours aussi compliquée avec ce media, ça reste une forme d’expression artistique à laquelle je suis toujours aussi attaché. Dans cette optique, j’ai même songé assez fortement à me refaire une session exhaustive sur un de mes coups de cœur les plus puissants de ces dernières années : The Red Strings Club. Le problème, avec ce jeu merveilleux, c’est qu’il se situe actuellement dans le pire entre-deux possible pour moi ; je m’en souviens trop bien pour pouvoir vraiment avoir un réel plaisir à le refaire de zéro, mais je ne m’en souviens pas assez précisément pour pouvoir en faire une chronique aussi juste que j’aimerais. On est dans cette familiarité floue que j’aime et que je déteste tout à la fois, qui me laisse sûr et certain de mes sentiments, mais incertain de la bonne verbalisation à apporter.
Alors j’ai décidé autre chose, de plus simple et d’autrement plus réjouissant : acheter un autre jeu de la même équipe de développement et y accorder toute mon attention, avec confiance et enthousiasme.
Et vous vous en doutez bien, si je suis ici en train d’écrire à votre intention, c’est que j’ai eu raison.

Dans The Cosmic Wheel Sisterhood, vous incarnez Fortuna, une sorcière condamnée à l’exil il y a 200 ans par la Supérieure de sa loge, pour avoir prédit la chute à venir de cette prochaine à l’aide de ses pouvoirs de divination. Alors qu’il lui reste encore 800 de solitude à endurer, Fortuna craque et décide d’entonner un chant interdit afin d’invoquer un Béhémoth, surpuissant démon, espérant au travers de lui trouver un moyen de rompre la monotonie de son quotidien en retrouvant des pouvoirs. Ce dernier va accepter de l’aider en échange de quelques questions et d’un pacte évidemment extrêmement risqué ; Fortuna va pouvoir se recréer elle-même un jeu de tarot afin de pratiquer à nouveau son art de la cartomancie, quitte à mettre sa loge et elle-même en danger.

Chez Deconstructeam, ce que j’aime profondément, c’est que le gameplay est un prisme narratif avant tout. Il n’est pas question chez eux de se torturer la coordination main-oeil à coups de défi de skill ou à theorycraft pendant des plombes avant d’arriver à un semblant de résultat satisfaisant. Je ne dis pas que ce n’est pas un plaisir vidéoludique valable en soi, je m’y laisse aussi aller de temps en temps ; je dis juste que l’ambition est ailleurs, et que c’est très plaisant quand c’est bien fait. Dans The Cosmic Wheel Sisterhood, le projet, c’est de diriger à la destinée singulière de Fortuna en faisant des choix. Tout plein de choix, de beaucoup de natures différentes. Si initialement il s’agit surtout de construire et designer son deck de tarot personnalisé avec les éléments fournis par le jeu, et de tirer les cartes afin de prédire les destins des quelques personnes qui viennent nous rendre visite en dépit de notre exil, très vite, le jeu a l’extrême intelligence de nous tirer le tapis de sous les pieds, changeant les questions dès qu’on pense avoir la moindre réponse. Et on va pas se mentir, ça fait partie de mes grands plaisir de joueur : parce qu’avec chaque changements de direction de l’histoire, on a autant de changements de direction dans le gameplay. C’est pas forcément toujours révolutionnaire ou complètement renversant, mais ça nous maintient en éveil, et c’est trop propre pour ne pas être salué, dans l’intention comme dans la réalisation.

Et c’est d’autant plus plaisant qu’on sent assez implacablement que tous ces choix ont tous leur importance ; même – et surtout – quand on se rend compte qu’on a fait un choix de façon un peu trop précipité en n’en considérant pas toutes les implications potentielles que le jeu se fait un malin plaisir de nous rappeller. Dès lors, on se mord les doigts d’avoir fait une boulette, tout en étant obligé de respecter et d’apprécier la richesse et la densité des ramifications implémentées dans l’intrigue par l’équipe de développement, tout comme la fluidité avec laquelle tous ces ajustements se font dans le fil du récit.
Et tout comme dans son prédécesseur, l’idée n’est pas seulement de nous donner l’occasion d’influer sur le cours d’une histoire interactive, mais bien de s’appuyer sur tous les éléments de cette histoire pour nous donner à réfléchir. On se retrouve donc à devoir faire des choix sur trois plans : celui de la pure morale, détachée des enjeux du jeu, celui du gameplay, recherchant peut-être des gains purement ludiques, ignorant les implications éthiques, ou encore celui des dynamiques interpersonnelles, faisant donc fi de la morale ou d’une hypothétique « victoire », ne cherchant qu’une satisfaction égoïste teintée d’une étrange empathie à voir les personnages qu’on aime le plus profiter de nos décisions. Tout ceci n’empêchant évidemment pas le mélange des trois dans des proportions variables, promettant de belles instances de rongeages d’ongles pour les plus anxieux·ses d’entre nous lorsque certains dilemmes se font délicieusement cornéliens.

Je dois vraiment insister sur ce qui est à mes yeux le grand point fort de ce jeu, ce qui fait que j’en ai terminé ma première session avec un appétit rare, et c’est bien la qualité de son écriture. Au delà des habiles et agréables articulations de gameplay, c’est bien la richesse de son propos que je veux ici saluer. D’abord, on a évidemment la distribution essentiellement féminine et le superbe travail d’illustration qui vient lui donner vie, avec des sorcières diverses, une claire volonté d’inclusion et de richesse dans l’altérité de la part de leurs créateurices ; avec d’ailleurs une superbe traduction vers l’inclusif en VF, que je voulais honorer au passage. C’est tout con, hein, et ça devrait être la base, mais il n’empêche que je suis toujours séduit par ces démarches d’ouverture et d’approfondissement des archétypes disponibles dans le spectre général de ce qu’on me raconte ; tout ajout est une nouvelle bénédiction et une possibilité de faire les choses différemment, et donc une possibilité d’appréhender les choses différemment.
Et comme son nom l’indique, The Cosmic Wheel Sisterhood explore avant tout l’idée de la sororité. Et bon sang que ça fait du bien. Non seulement parce que cette idée me semble encore trop rare et souvent mal exploitée, mais surtout parce qu’il me semble qu’elle est ici envisagée sous un prisme extrêmement optimiste et lumineux, un peu comme dans Tout pour tout le monde. S’il y a certes du conflit dans le récit qui nous est fait au sein de cette loge de sorcières, il est quelque part extrêmement secondaire, quelque chose de presque étranger, de désincarné, ne se matérialisant réellement que comme une fatalité quasi-exogène à laquelle il devient assez facile de renoncer et de s’éloigner dès lors qu’on accepte de faire la part belle aux meilleurs aspects de nous-mêmes, et donc de Fortuna et ses amies.

Et du coup, le kiff intégral de ce jeu, c’est qu’il est rempli à ras-bord de petits moments de grâce à mes yeux. Entre un bon paquet d’échanges doux, touchants ou simplement riches d’éléments construisant avec brillance des personnages ou des relations et tout autant d’idées de world-building ou de concepts liés à son univers, The Cosmic Wheel Sisterhood fait sans cesse preuve de son excellence tranquille. Sans exagérer, j’ai passé la moitié de mon temps à simplement admirer ce que j’avais sous les yeux, cliquant de manière quasi automatique pour voir ce qui allait me surprendre l’instant d’après, me moquant presque – presque – de savoir ce qui allait suivre, tellement j’étais persuadé que j’allais être convaincu ou séduit – ou les deux – quoiqu’il arrive.
Et de fait, arrivé à la fin de ma première boucle (puisqu’évidemment, il y a fort à parier qu’avec ce que j’ai vu du jeu, sa rejouabilité est dinguo), malgré un bon nombre de mauvais choix ou d’erreurs de ma part, j’étais heureux de voir où j’avais atterri. Presque ému, même. C’est tout bête, mais juste faire interagir des personnages cools dans une bonne histoire riche, aux implications si variables et denses de significations philosophiques, éthiques et narratives, avec en plus la perspective de pouvoir le refaire différemment, à terme, ç’a quelque chose d’un peu magique. Ce qui, il faut bien le dire, est la moindre des choses, pour des sorcières. N’empêche que quand c’est aussi bien fait, il faut en profiter. Ce que j’ai fait.

Et il va sans dire que je vous encourage à faire la même chose. Comme pour The Red Strings Club, il s’est passé quelque chose entre ce jeu et moi. Un truc spécial. Tout simplement parce que comme tous les jeux que j’aime aussi fort, The Cosmic Wheel Sisterhood a une âme. Il a quelque chose à faire et à dire, et il fait les deux avec l’excellence d’une sincérité implacable. De la direction artistique à la musique – depuis Chants of Sennaar je fais des efforts – en passant par le gameplay et la profondeur narrative ou thématique, cette expérience était un total plaisir pour moi.
Quel art formidable que le jeu vidéo.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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