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Galaxie n°18 – Octobre 1965

Après Univers, après Fiction, il était plus que logique que je me porte acquéreur des premiers numéros de Galaxie sur lesquels je pouvais poser les yeux. Ai-je seulement besoin d’expliquer pourquoi, à ce stade : je ne crois pas. Disons que l’idée est juste de savoir quelle est la différence formelle ou thématique principale entre cette revue et les autres, plus que de savoir si c’est bien ou non. Je ne me fais plus vraiment d’illusions, à ce stade, d’autant moins quand un des numéros en question porte Clifford Simak et Miriam Allen DeFord à son sommaire. C’est ce qu’on appelle des arguments de poids. Autre argument non négligeable et assez amusant : Alain Dorémieux à la rédaction en chef, encore une fois. J’ai appris à respecter ce nom et son travail. Et puis cerise sur le gâteau, j’ai beau dire « les textes et rien que les textes »… Les illustrations intérieures monochromes en pleine page, c’est quand même foutrement la classe. Ça ajoute un sacré cachet et une impression d’appréciation encore plus poussée des récits proposés. À noter par ailleurs et sans rapport direct, une mise en page particulière, sur deux colonnes. Pas que ça me dérange, mais ça m’interroge ; j’aurais tendance à y voir une volonté de se démarquer, sans parvenir à exprimer un jugement personnel sur la question. Alors que par contre, dans cette même optique, j’aime bien les rapides résumés cryptiques en exergue des nouvelles faisant office de petits teasers, à la place des préfaces dont j’ai l’habitude dans Fiction. J’avoue que ça recentre l’attention sur le travail littéraire en priorité, et forcément, ça me parle.
Et donc, revenons à l’essentiel pour moi : les nouvelles.

Alerte aux horlas, Clifford D. Simak
Il n’y a décidemment que Simak pour faire du Simak, et ça ne cessera jamais de me surprendre et de me ravir. Il est effectivement, je crois, le seul auteur que j’ai lu pour l’instant qui fut capable d’écrire à sa manière une sorte de science-fiction pastorale, de côtoyer à la fois les étoiles et la terre ferme, de faire cohabiter la campagne américaine avec des créatures multidimensionnelles et/ou extraplanétaires, avec ce que cela peut suggérer d’une désarmante simplicité et d’une complexité conceptuelle vertigineuse, mais sans mépris, dédain ou prétention. Et même si ce texte n’est pas le meilleur que j’ai lu de lui, pêchant par une sorte d’excès de générosité, mélangeant un peu ses idées par moments, nous offrant une conclusion un peu faiblarde à l’aune du reste du récit, demeure quand même que la singularité du propos est assez époustouflante. Je ne me lasse pas de tomber sur des nouvelles comme celle-là, nous balançant des concepts en béton armé avec une telle désinvolture joyeuse, presque perdus au milieu d’une intrigue à échelle humaine, avec des personnages à peine esquissés mais d’une puissance démentielle. Comme toujours avec Simak, même quand ça manque un peu de constance ou de cohérence, il surnage une sorte de génie tranquille, une bienveillance, une sagesse, quelque chose de juste… balaise. Oui, on sent bien que c’est daté, à certains égards, mais on s’en fout, parce que… bah merde, il se passe toujours quelque chose. On ne peut ni s’ennuyer ni s’estimer floué. Il y a toujours un truc à déterrer, que ce soit au détour d’un dialogue ou d’un paragraphe d’exposition ; il nous offre systématiquement des éléments d’intérêt supérieur. C’est prodigieux.

Le dragon des profondeurs, Judith Merril
Une nouvelle très surprenante, qui joue assez brillamment avec son suspense pour brouiller les pistes ; je n’ai jamais vraiment été sûr de comprendre de quoi il était vraiment question, sans pour autant jamais douter qu’il y aurait une réponse satisfaisante au bout. Et en effet, tout ça mène à une conclusion à la hauteur de la maîtrise déployée jusque là, pas tant une révélation ou un twist qu’une explication assez maline des événements narrés depuis le début. J’ai particulièrement apprécié le ton aventureux et mystérieux mis structurellement en contraste avec un ton beaucoup plus technique dans d’autres secteurs du récit pour créer cette ambiance singulière, le genre à empêcher de lâcher tant que ce n’est pas fini. C’est sans doute pas conceptuellement révolutionnaire, mais c’est extrêmement efficace dans l’exécution, et c’est très intelligent.

Ces féroces Qornts, Keith Laumer
Bon sang que certains textes peuvent être marqués par le temps. Récit d’aventure sévèrement burné™ suant le pulp par tous les pores de sa peau de papier, cette nouvelle est – et je le dis avec un maximum de tendresse – complètement couillonne. C’est franchement globalement compétent et ça n’essaie jamais de prétendre être autre chose que ce que c’est, ce qui est à mettre à son crédit ; mais en dehors de ça, c’est quand même pas dingo, parce que fondamentalement, ça n’a rien à dire. Keith Laumer y prend beaucoup de raccourcis narratifs et use de beaucoup de facilités, avec un protagoniste en mode Gary Sue et une ironie intégré lui servant de faux-fuyant pour justifier l’absence du moindre effort créatif. C’est dommage, parce que planqué au milieu de cet étalage de clichés virilistes d’un autre temps, on a quelques idées – surtout une, en vrai – ne demandant qu’à être exploitées par quelqu’un·e d’un peu plus ambitieux·se. Passable, en somme. Rigolo de constater que je dis de ce texte exactement ce que je disais de mon premier contact abandonné avec l’auteur dans ma deuxième série noire.

Faits comme des rats, Miriam Allen DeFord
Je suis partagé entre trouver cette nouvelle absolument brillante ou complètement débile. Dans les deux cas, je dois tout de même m’avouer vaincu et admettre que j’ai été absolument diverti, et que peu importe l’intention première de l’autrice, elle a probablement complètement réussi son coup. Parce qu’il me semble qu’en dépit du côté un peu ringard de l’intrigue, il y a là-dedans une ironie, un côté pince sans rire, qui marche à fond pour moi. Miriam Allen DeFord semble avoir une capacité singulière à dérouter son lectorat sans s’en donner l’air, avec un goût prononcé pour la surprise et l’inattendu ; le genre qui fait plaisir parce qu’il a beau sortir de nulle part ou presque, il n’est pas pour autant dénué de sens, une fois le renversement de situation consommé. Au final, on est, je pense, sur une nouvelle très réussie, sans trop de prétention, mais trop maline pour ne pas être considérée comme une nouvelle preuve que je dois lire toujours plus du travail de son autrice ; il y a quelque chose qui me parle, chez elle, dans son ton et ses choix.

La croisade des ténèbres, Margaret St.Clair
Waaaah, qu’est ce que quoi. Le genre de nouvelle tellement thématiquement et narrativement foutraque que j’en viens à douter de mon intelligence une fois arrivé à la fin, tellement j’ai juste pas compris. Je vous spoile juste pour que vous puissiez partager ma confusion : on a un pasteur qui déteste la lumière (artificielle ?) au point de prêcher contre l’utilisation de lampes voire même de l’énergie privée, au point de provoquer l’ire d’une compagnie d’électricité et de gaz qui missionne une espionne – super bonne, évidemment, c’est important – afin de le corrompre. Sauf qu’elle tombe amoureuse de lui et lui avoue que ses donneurs d’ordre viennent du futur et qu’il leur faut fuir pour survivre à leurs assauts à venir, de plus en plus radicaux. Ça finit avec de la littérale intervention divine et des rites druidiques, c’est n’importe quoi. C’est conceptuellement perché, les personnages ont des motivations complètement confuses ou clichés, ou les deux, ça n’a le mérite d’être singulier que parce que c’est absolument n’importe quoi. L’originalité, c’est bien, mais faut quand même étayer un minimum le propos pour que ça ait du sens, parce que là, franchement, ça m’échappe, et pas qu’un peu.

Les immortels, David Duncan
Meh. Si sur le fonds, j’apprécie partiellement la démonstration logique développée par l’auteur autour de l’idée de l’immortalité – toujours intéressante à creuser à mes yeux – force est de constater que sur la forme, le compte n’y est pas. Cette nouvelle est assez ennuyeuse et boursouflée par des réflexions pas vraiment complètes, dont on sent qu’elles sont plus les illustrations des interrogations non finalisées de David Duncan que de réelles percées philosophiques ou métaphysiques. Sans compter que narrativement parlant, c’est là aussi plutôt foutraque, avec un bon paquet de raccourcis scénaristiques et d’arrangements avec la cohérence et la vraisemblabilité pour que cette histoire puisse aller à son terme d’une manière qui satisfait son auteur. De mon côté, force est de constater que ça ne le fait vraiment pas ; c’est trop ou pas assez. Et puis c’est terrible, mais certaines idées qui pouvaient auparavant paraître avant-gardistes sont maintenant ringardisées par la réalité, notamment ici au sujet de l’intelligence artificielle. Alors certes, ce n’est pas de la responsabilité des auteurices publié·e·s en 1965, mais n’empêche que ça crée une impression négative supplémentaire assez incompressible.

[Complément d’informations : Alors que c’était le seul complément aux textes eux-mêmes inclus dans ce numéro, j’avais zappé un article signé de Willy Ley titré Trois mystères, rangé sous la catégorie « pour votre information ». Et j’aurais mieux fait de le lire dès lors, puisqu’il est absolument passionnant. Notre auteur, semblement réputé pour être un cartésien de premier ordre, nous livre ici, comme le titre l’indique, trois mystères. Trois phénomènes dont nous avons les constituants, des témoignages aux éléments mécaniques, mais auxquels nous ne pouvons réellement pas apporter d’explication complète. Des phénomènes que nous connaissons mais dont nous devons admettre – à l’époque de la rédaction, du moins – que nous ne savons pas comment ils existent tels que nous les connaissons, comment ils fonctionnent exactement, ou pourquoi ils se manifestent de la manière dont ils se manifestent.
Les trois phénomènes en question étant :
– La reproduction d’une espèce de vers d’eau dans les îles Samoa, qui semblent nécessiter de se caler sur un calendrier lunaire extrêmement précis.
– Le phénomène de la foudre en boule.
– Une grande roue lumineuse sous-marine.
Willy Ley est de toute évidence un conteur passionné et de fait passionnant, vulgarisant extrêmement bien son propos, et nous rappelle élégamment que le fantastique se niche parfois aussi dans le réel. C’est chouette. Très sympathique article. Au passage, j’ai appris ce qu’est un foo-fighter, et c’est stylé. ]

Bon, en dehors des deux derniers textes que je n’ai vraiment pas trouvés terribles, il semblerait bien que ce soit encore une bonne acquisition que ces numéros de Galaxie. Et ça me fait de nouveau bien bien plaisir. Les vieux pots font quand même souvent de bonnes voire de très bonnes confitures. Comme les pots neufs, en somme, faut juste avoir le doigt heureux au moment du choix, finalement. Quel philosophe je fais, damn.
Bref, j’ai toujours pas fini de faire de l’archéo-littérature, moi, c’est toujours un petit bonheur. Avec vous ?

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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