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Ars Obscura Livre 1 – Sorcier d’Empire, François Baranger

Your Master – The Blue Stones

François Baranger est un écrivain dont je laisse traîner la découverte depuis bien trop longtemps, pour des raisons un peu nulles et lâches : je suis l’heureux détenteur de la sublime intégrale de son Dominium Mundi depuis un bon bout de temps, et je n’ai jamais osé passer le cap, simplement parce que c’est, tout de même, un très beau bébé. Il aura fallu que je sois l’hôte d’une table ronde aux Utopiales en son auguste compagnie et qu’on m’offre le livre du jour pour que je me décide enfin. C’est un peu minable, mais hey, au moins, c’est fait.
Et maintenant que c’est justement fait, la question qui se pose est autre : stop ou encore ? Parce que bon, c’est vrai que je commence à devenir un peu difficile, avec le temps et l’expérience.
La réponse ne sera pas stop. Elle sera « encore, mais prudemment ».
Expliquons ça.

1815. Napoléon a mis l’Europe à genoux, Angleterre comprise, sans souffrir le moindre revers, se permettant même le luxe de revenir de Russie en vainqueur, malgré une retraite stratégique. L’explication de sa puissance, au delà de son indéniable génie militaire, tient en un nom : Élégast, étrange personnalité dont les uniques dons pour ce qu’il appelle l’Art Obscur ont fait le surpuissant Sorcier d’Empire de Bonaparte. C’est sa puissance et ses sortilèges redoutables qui ont jusqu’ici garanti l’emprise de l’empereur sur son monde. Mais dans l’ombre de ces géants s’agitent des forces nouvelles, dont certaines s’ignorent, qui pourraient bien bouleverser cet équilibre.

Alors, pourquoi cette relative pusillanimité de ma part, quand bien même je n’aurais aucun mal à affirmer que ce premier tome d’Ars Obscura, il est franchement bon ? Ça tient, comme souvent avec moi, à des détails qui n’en sont pas vraiment. Le premier et le plus fragrant d’entre eux est probablement le fait que François Baranger a fait des recherches, et que ça se voit. Uchronie oblige, il a eu la compréhensible et fort louable ambition de faire en sorte que son histoire soit aussi ancrée que possible dans la réalité de son époque d’origine. Et si je comprends et soutiens la démarche, je n’ai pas pu m’empêcher de trouver qu’il en faisait sans doute un petit peu trop, par moments, au détriment de son rythme. Après, c’est sans doute moi, aussi : je n’ai jamais été particulièrement fan des descriptions trop exhaustives ; paradoxalement, ça me coupe un peu l’imagination. De la même manière, quand après une poursuite un peu tendue, un protagoniste prend le temps de faire un feu, je trouve que lire un paragraphe entier consacré à la méthode de l’allumage, ça casse un peu l’ambiance.
C’est à mettre sur le compte, je pense, de la part de François Baranger, d’une vision assez classiciste de sa narration, sans vouloir connoter le terme dans un sens ou dans l’autre. Il a clairement fait le choix d’un style lui aussi découlant directement de l’atmosphère de la période napoléonienne, un peu – voire pas mal – guindé, notamment dans les dialogues, mais comme l’ensemble se tient extrêmement bien en terme de cohérence, même moi je n’y vois absolument aucun inconvénient ou faute de goût. La seule concession qu’il fait à une certaine forme de modernité, oserais je, est son alternance des points de vue et perspectives au fil du roman, mais ça j’adore, et il le fait là aussi très bien, donc ça s’équilibre plutôt très bien.
Au fond, le souci, c’est peut-être juste que c’est un premier tome de tétralogie de dark fantasy uchronique, et que ça suggère beaucoup de mise en place avant qu’on puisse vraiment s’amuser. Et ça, qu’on soit un écrivain tout nul ou exceptionnel, on ne peut pas y couper. Fort heureusement, et pour dissiper tout malentendu malheureux, je pense que François Baranger penche plutôt clairement du bon côté de cette cruelle balance.

Parce que si je peux confesser sans trop de mal que j’ai trouvé ce premier tome par moments un peu trop bavard dans ses implications les plus techniques, notamment celles qui je pense auraient mérité ou nécessité d’attendre un peu plus longtemps avant d’être complètement explicitées, ça se lit quand même très bien, et mes 486 pages sont passé sans le moindre déplaisir. Pas avec un plaisir débordant non plus, vous l’aurez compris, mais c’est un menu sacrifice auquel je m’étais psychologiquement préparé en amont : on ne se lance pas dans un si gros et ambitieux projet littéraire sans devoir s’attendre à qu’on nous explique des trucs tout du long pour comprendre exactement de quoi il est question.
Et de fait, on a un casting et un univers à l’avenant de cette ambition. C’est sans doute là la plus grande réussite de François Baranger à mes yeux, en dépit de sa tendance à vouloir parfois trop tout nous expliquer dans le détail : c’est quand même remarquablement dense et resserré. Les enjeux sont clairs, là où il aurait je pense très aisé de se perdre dans le dédale des rancunes, ambitions, regrets, obsessions, recherches et craintes des différents personnages. Au contraire, c’est même assez fascinant de lire tous ces personnages se débattre avec toutes leurs émotions contradictoires, formidablement grises et complexes, là où pareillement, des conditions de départ relativement archétypales auraient pu mener à un cadrage autrement plus simpliste et regrettable.

C’est aussi ça qui fait que je suis quand même globalement content de cette lecture : elle promet beaucoup. Je me doute bien que certains des noms choisis par l’auteur ne sont pas anodins, tout en sachant pertinemment que mes lacunes en matière historique me font rater la majorité de leurs implications. De la même manière que j’ai quand même bien remarqué qu’au moins un nom me paraissant extrêmement important dans le contexte historique brillait par son absence. Et de fait, tous les choix de François Baranger dans ce premier volume, d’autant plus dans l’optique considérant qu’il prépare le terrain pour ses suites, me semblent être bons. Pour ce que j’ai pu sourciller intensément en lisant certaines révélations me paraissant assez majeures être balancées un peu nonchalamment au fil de l’intrigue, j’en suis très vite revenu en me disant que ce n’était sans doute rien à l’aune de ce qui allait suivre. Et puis j’avoue que c’est un peu rigolo d’être aussi surpris par la teneur de ces révélations que par leur avènements dans le récit : ça change. C’est rafraichissant, d’une certaine manière.
Et du coup, si je peux avec une certaine circonspection croire être en mesure d’anticiper quelques uns des retournements à venir dans les tomes suivants – parce qu’il me paraît acquis maintenant que je vais au moins en lire un – François Baranger a réussi à instiller un énorme doute dans le fond de mon esprit. Après tout, c’est une tétralogie uchronique ; je n’ai aucun moyen d’être sûr de la finalité vers laquelle il a décidé de se diriger. J’ai ma petite idée, certes, mais étant donnée la profondeur potentielle de son univers et certaines de ses caractéristiques… Rien n’est vraiment à exclure avec certitude. Et j’avoue que c’est un petit frisson pas désagréable.

Donc voilà. C’était chouette. C’est là le signe indéniable d’une qualité certifiée et maîtrisée dans un ouvrage littéraire : en dépit de quelques ponctuelles incompatibilités d’humeur, les ambitions et les moyens mis à leur disposition sont alignés. Et de fait, même si je ne suis pas forcément fan du style utilisé par François Baranger ici, je ne peux que reconnaître et apprécier la pertinence de ses choix. Alors j’avance et je profite en faisant fi de certains de mes pinaillages. Et le résultat est là : j’ai franchement envie de lire la suite, notamment parce que j’ai vraiment envie de savoir ce qui va se passer, notamment pour certains personnages ayant bénéficié d’un soin tout particulier les rendant réellement intrigants.
Et si je n’en dis pas plus, c’est uniquement pour ne pas gaspiller d’un coup toutes mes cartouches. C’est qu’il y a trois bouquins à lire et chroniquer derrière, si tout va bien, quand même.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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