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Marche ou crève, Stephen King

One Foot – Walk The Moon (extrait de l’album What If Nothing)

Bon, j’avoue, pour une fois, le choix musical opéré par mes soins pour accompagner cette chronique est plus ironique et espiègle qu’autre chose (si vous savez, vous savez). Mais c’est plus fort que moi, je trouve que c’est trop rigolo pour passer à côté. J’avais une option plus sérieuse, mais curieusement, elle collait moins bien. Et quitte à m’entêter dans cette petite lubie toute personnelle d’appairer les bouquins que je lis avec de la musique que j’aime, autant faire ça à fond : si ça m’amuse, faut le faire. Et si jamais ça peut provoquer des discussions propices à de quelconques partages ensuite, c’est que du bonus.
Mais vous vous fichez probablement de ces considérations relativement égotistes, et c’est bien compréhensible ; si vous avez cliqué sur le lien vous menant ici, c’est parce que vous voulez savoir ce que j’ai pensé du bouquin qui donne son titre à cette chronique. Et je vous en remercie, ça fait plaisir de penser que je suis encore intéressant, après tout ce temps.
Stephen King, je n’en ai pas parlé dans ma chronique à propos de son Talisman, c’est un auteur qui me fascine, mais de loin. J’ai lu de ses bouquins, à hauteur d’une petite huitaine, je dirais, et si un certain nombre d’entre eux m’ont effectivement marqué, je crois n’avoir été jamais saisi par son talent comme par celui d’autres auteurices. Sans lui nier la moindre mesure dudit talent, hein, je ne me leurre pas, et on ne devient pas un titan comme lui sans quelque chose de spécial, a minima ; mais n’empêche que je n’ai jamais eu cet éclair pour me frapper, cette étincelle interne m’incitant à tout découvrir de lui, pour essayer de saisir son génie. Du respect, beaucoup de respect, mais pas vraiment d’enthousiasme débordant.
Et c’est paradoxalement, précisément pour cette raison que je suis curieux de le découvrir plus avant et d’approfondir mes connaissances de son travail, pour essayer de percer ce léger vernis de distance qui me sépare du même degré d’appréciation qui a fait de lui le monstre sacré qu’il est aujourd’hui. Patiemment, mais sûrement, à coup de relectures et de découvertes, je me dis que ce serait dommage de passer à côté. En partant du principe que son image ne soit pas gâchée par… bref, ça aussi, vous savez. Monde de merde.
Et donc, Marche ou crève, que je me suis vu offrir à Noël, ce qui tombe vachement bien. Au moins aussi bien que son thème central, pour une chronique décidemment placée sous le signe de la bonne humeur ; vous comprendrez pourquoi je fais un choix musical ironique.
Une intro bien trop longue pour en venir au fait : c’était pas mal du tout, ce petit roman ! Un brin déprimant, certes, mais juste un brin. Ce qu’il fallait pour ne pas verser dans quelque chose que j’aurais détesté, je crois.
En avant, marche.

Je ne sais pas si résumer ce roman vaut le coup, tant son point de départ est réduit à son très simple concept central, et tient finalement plus de la fable absurde – au sens plus académique du terme – ou du conte dystopique qu’autre chose. Ces 100 adolescents, réunis pour une Longue Marche, ne pouvant s’arrêter sous peine de mort, jusqu’au dernier survivant, pour un Prix hypothétique et nébuleux, malgré une organisation politique qu’on devine totalitaire pour la justifier, ne fait que très peu sens, matériellement parlant ; on rejoint ici un narratif commun à beaucoup d’ouvrages de YA contemporains, où le point de départ fait plus office de joker pour permettre au reste de se dérouler. Et le reste, ici, je crois que c’est une large allégorie de la vie que tente Stephen King, avec, je trouve, un certain succès. Pourquoi ces pauvres jeunes gens marchent, au risque de mourir de façon aussi stupide que vaine, pourquoi les y force-t-on ? Pour les mêmes raisons que l’on suit des injonctions et des traditions vides de sens depuis des décennies, sans plus jamais les questionner : parce que sur le moment, ça nous paraît la moins pire chose à faire. On adule et on déteste alternativement les gens qui nous gouvernent, représentés ici par les soldats et le Commandant, au gré des pressions sociales et de nos propres conditions d’existence, on fait front avec plus ou moins de bravoure, plus ou moins d’attaches avec les gens qui nous entourent ; on se cherche, on fait de son mieux, jusqu’à ce qu’on y arrive, qu’on soit enfin en paix, ou qu’on n’en puisse plus. Jusqu’à notre fin, qui n’est la même pour personne.

Et de fait, oui, c’est extrêmement triste, comme lecture. « Tout le monde souffre, et à la fin on meurt », en substance. Mais pour autant, je ne trouve pas que Marche ou crève soit totalement nihiliste, et c’est sans aucun doute ce qui le sauve à mes yeux d’un traitement plus dur de ma part ; ça et les indubitables qualités d’écrivain de King, mais j’y reviendrai plus tard. Ce qui m’a permis d’échapper au même sentiment de lassitude ressenti à la lecture d’autres ouvrages dystopiques lus récemment tient en deux éléments.
Le premier, c’est évidemment cet aspect purement allégorique ; ayant compris très tôt que les conditions matérielles d’existence de cette Longue Marche, de même que la Longue Marche elle-même, n’avaient que peu de sens, j’ai pu accepter très tôt de me concentrer sur d’autres détails autrement plus importants pour King. Ce qui comptait, ici, ce n’était pas le point de départ ni l’arrivée, mais bien le trajet, et les trajectoires de ses différents personnages ; le jeu, à mes yeux, c’était de rapporter leurs existences à la mienne, de voir tous ces reflets qui m’étaient proposés.
Le second, c’est le fait qu’en dépit de la chape de plomb des conditions de la Longue Marche, Stephen King ne nous montre pas ses personnages se laisser aller. Il ne laisse pas la fatalité être un acteur à part entière de son histoire. Alors oui, évidemment, on est dans la tragédie, on est dans l’inéluctabilité de la mort ; mais il n’y pas de prophétie, il n’y a pas de prédestination. Quand bien même de par certains de ses choix narratifs, l’auteur nous trace une voie évidente pour l’ensemble de son récit, il nous prend par surprise à plus d’une occasion. Dès le début et jusqu’au bout, quand bien même je savais de quoi il allait être question, quand bien même j’avais le sentiment d’avoir, d’une certaine manière, craqué le code, Stephen King m’a permis de douter. Jusqu’à la fin, je n’étais pas absolument certain d’avoir tout anticipé. Et à la manière de ses personnages, j’ai espéré. J’ai un peu souri, j’ai laissé la lumière traverser les nuages, j’ai ri face au peloton d’exécution. J’ai appréhendé la camaraderie et les sentiments déployés par ces pauvres garçons, condamnés mais résilients. Alors même que je savais très bien qu’à l’image de la vie, il n’y avait rien au bout, j’ai suivi le chemin et j’ai fait au mieux pour profiter de l’aventure. Y a un truc là-dedans qui touche au nihilisme positif qui me parle. Ce que nous dit Ray Garraty, notre héros un peu minable, c’est que c’est pas parce que c’est la merde qu’on est en droit de se comporter comme un connard. Ce ne sera jamais un mauvais sentiment ni un mauvais message à faire passer.

Et tout ça, j’y reviens enfin, ça tient quand même beaucoup au talent d’écrivain de King. Si on passe les vieilles scories de traduction qui viennent un peu trop régulièrement gâcher certains dialogues et certains instances narratives et qu’on se concentre sur l’essence du texte ; force est de reconnaître qu’il est pas manchot, le bougre. C’est fort, mine de rien, je trouve, de réussir comme il le fait, à tenir un fil narratif aussi ténu et basique que le sien, sans jamais perdre en rythme ou en suspense, tout en maintenant le souffle de ses personnages et de leurs dialogues. Et ça alors que franchement, en prenant un peu de recul, ce roman est terriblement redondant. Mais n’empêche que j’ai été happé directement, et que je ne l’ai jamais lâché : il faut saluer, par dessus tout, la redoutable efficacité de Stephen King.
Alors oui, je trouve la fin un poil abrupte, et en dépit du fait qu’elle colle thématiquement et narrativement assez bien avec le reste du roman, j’aurais aimé quelque chose d’un poil moins éthéré pour vraiment reboucler proprement l’ensemble et pousser l’allégorie un tout petit peu plus loin. Mais je suis bien obligé de reconnaître de la bonne ouvrage qu’en j’en lis ; je n’ai jamais eu à lutter, et j’ai pris plaisir à parcourir ce bouquin du début à la fin.

Donc ouais, c’était bien. Sur un fil, tout du long, mais si maîtrisé et si habilement équilibré, que je ne peux qu’humblement m’incliner. C’était bien. Pas le bouquin qui me fera joindre la cohorte des superfans, mais certainement pas celui qui me fera m’en éloigner.
À ce stade de ma redécouverte, Stephen King me donne l’impression d’être un auteur qui ne saura probablement jamais m’éblouir comme d’autres ont pu ou pourront le faire, mais celle d’un artisan littéraire si doué et au fait de son art que son standard de qualité est quand même incroyablement élevé. J’espère mon tromper et pouvoir ainsi trouver un jour celui de ses livres qui me fera effacer le plafond de verre que je place moi-même au dessus de sa tête.
Ne me reste plus qu’à chercher la perle rare.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

5 comments on “Marche ou crève, Stephen King

  1. mais si, il va t’eblouir, voyons

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Laird Fumble Laird Fumble dit :

      C’est tout le mal que je me souhaite, cela va sans dire !

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  2. J’ai passé un bon moment avec ce roman ! Pas le meilleur que j’ai lu de l’auteur mais c’était prenant, bien foutu… Contente de lire ton retour, de voir que tu as toi aussi apprécié.

    Aimé par 1 personne

  3. J’ai trouvé qu’avec ce livre, King évoquait les prémices de la téléréalité ! Je suis curieuse de l’adaptation TV…

    Aimé par 2 personnes

    1. Avatar de Laird Fumble Laird Fumble dit :

      C’est très vrai, y avait de ça.

      J’aime

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