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Celle qui portait l’Orylium, Paladine Saint-Hilaire

Come Apart – The Blue Stones

Je ne lis pas assez de bouquins estampillés 1115. C’est plus qu’un simple constat, c’est un véritable problème. Et j’ai beau le savoir depuis un bout de temps maintenant, je ne fais pas assez d’efforts pour y remédier.
Ça fait un autre bout de temps également que je laisse trainer la lecture du jour dans ma bibliothèque, avec pour seule excuse que son concept formel m’effrayait un poil, juste en dessous du fait qu’on m’en avait dit beaucoup de bien et que j’avais aussi un peu trop peur d’être déçu : velléitaire et lâche. Je cumule.
Mais heureusement, j’ai beau être tout ça, je ne le suis jamais pour toujours, et Celle qui portait l’Orylium a enfin été lu par votre serviteur. Pour un résultat aussi déroutant qu’extrêmement réjouissant.
Le nouveau problème qui se pose maintenant, c’est : mais comment diable je vais pouvoir vous expliquer tout ça sans me faire une hernie cérébrale ?
Essayons quand même, mais dou-ce-ment.

Crevons l’abcès formel, pour commencer par ce qu’il y a de plus évident et important à évoquer : ce livre n’est pas un livre comme les autres. Lecture horizontale, deux-textes-en-un se rejoignant de façon asymétrique, le lectorat traditionnaliste aura déjà de quoi être bien dérouté. On est là typiquement dans les audaces éditoriales par lesquelles 1115 a déjà su se démarquer par le passé, poussé encore plus loin que d’habitude, celles dont je ne me plaignais pas et qu’au contraire je salue avec enthousiasme : je crois très fort à l’idée que la forme doit être un support du fonds autant que possible. Et ici, clairement, ça le fait complètement : la forme miroir du roman qui se répond à lui-même lui confère à l’ensemble un assez puissant supplément d’âme.
Mais pas autant qu’un détail tout con mais d’une puissance atmosphérique sublime : la pagination. Moi qui n’utilise pas de marque-pages depuis des décennies, y préférant simplement retenir le numéro de la page où je me suis arrêté ; qu’elle n’a pas été ma stupéfaction face à ces deux textes. Le premier n’a simplement pas de nombres dans les coins, ce qui n’est que peu gênant étant donné la large aération de cette section du roman donnant de nouveaux points de repères. Le second, lui, est plus classique dans son repérage, à ceci près qu’il n’est pas en base dix mais – pardon les matheux·ses si je dis des bêtises – en base douze, avec deux nouveaux symboles numériques en plus de ceux qu’on connaît de par chez nous ; tout simplement parce que les gens qui vivent de ce côté du roman ont six doigts à chaque main, et un système mathématique pour aller avec (précisé sommairement en début d’ouvrage).
Un simple détail, tout bête, mais qui donne déjà tellement de force et de cohérence diégétique au roman, en plus de contribuer au sentiment indispensable de dépaysement pour un roman de SF, jusque dans la manière d’appréhender l’objet-livre dont il fait partie : c’est beaucoup trop cool. C’est peut-être que moi, hein, mais le fait de me dire « ok, pour le prochain chapitre, je suis à la page lérante-tol », ça me fout un petit vertige frissonnant tout à fait délicieux. Et en plus techniquement, c’est hyper malin, parce que ç’a grave du sens.

Et si ce n’était que la forme ! Mais non, le fonds est super cool aussi. Mon seul souci, c’est que j’aurais du mal à en dire autant à ce sujet qu’à celui du précédent, de peur de spoiler comme un sagouin. Le truc, c’est que les deux textes se répondent évidemment beaucoup, et poussent mutuellement à s’interroger sur le moment où leurs deux récits vont se rejoindre d’une manière où d’une autre : parler d’un c’est parler de l’autre, souvent dans des proportions surprenantes.
Tout ce que je peux dire, c’est qu’ils convoquent tous les deux des univers et des atmosphères extrêmement différentes, de deux manières diamétralement opposées, avec comme dénominateur commun un certain goût du mystère et du cryptique ; mais d’une manière extrêmement ludique et complice avec son lectorat ; du moins c’est mon sentiment. Je me suis basiquement fait balader tout du long, des deux côtés, ne parvenant à anticiper certaines révélations et autres bouleversements narratifs qu’au dernier moment avant de me sentir complètement couillon de ne pas avoir capté l’astuce plus tôt, mais sans jamais ressentir la moindre malhonnêteté de la part de l’autrice, qui se contentait de me raconter les choses du point de vue de ses personnages avec beaucoup de maîtrise et de clarté. Là où un bouquin aussi conceptuellement et narrativement riche aurait pu être lourd et indigeste d’exposition et de faux-semblant pour se donner des airs intelligents, il fait au contraire énormément d’économies d’effets. Ce qui paradoxalement, lui confère encore plus de force quand on comprend les implications exactes de ce qu’il nous raconte et ne nous raconte qu’à moitié, puisque ses personnages n’ont logiquement pas à questionner ou expliciter ce qui pour eux n’a aucune espèce d’importance. Alors qu’à nos yeux, oulah, mes aïeux, il y a des choses à voir et à comprendre qui ne sont pas évidentes, mais qui pour autant sont essentielles.
Alors certes, on tombe un peu dans le piège de « l’explication finale qui balance plein d’infos d’un coup histoire de plonger l’ensemble de l’œuvre sous une lumière nouvelle », mais c’est globalement tellement bien fait et si malin que franchement, je ne pinaille que pour faire preuve d’un semblant d’objectivité : l’essentiel est très, très largement préservé.
Et là, j’ai très envie de citer une ou deux de mes lectures récentes pour appuyer mon propos, mais je ne peux pas, parce que là aussi, ce serait prendre le risque de spoiler comme un malpropre, narrativement et thématiquement. Terrible vie que la mienne.

Bref, c’était encore une fois fort qualitatif. Pour ne pas dire franchement balaise. Voilà un bouquin qui va me rester dans un coin de la tête un bon paquet de temps, histoire de vérifier après coup si je n’ai pas raté des détails. Une nouvelle preuve qu’il n’y a que 1115 pour publier du 1115 ; et qu’on les aime très fort pour ça. Promis, je vais essayer d’en lire plus. (Mot-clé : essayer. J’suis désolé.)

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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