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10 000 litres d’horreur pure, Thomas Gunzig

Maneater – Daryll Hall & John Oates

On continue notre joyeuse exploration du joli paquet de SP que j’ai reçus en ce joli mois de mars, avec un bouquin que j’ai demandé parce qu’il me paraissait formuler une promesse alléchante.
Et moi qui ne me suis que relativement récemment laissé convaincre du fait qu’après des années à croire l’inverse, en fait, j’aime bien, voire beaucoup le genre horrifique, un roman qui se vend sur son amour dudit genre et ce qui ressemble fort à un pastiche amoureux de ce dernier, ça me tente fort.
Et le résultat est à la hauteur de la promesse ainsi appréhendée : mais j’ai quelques remarques quand même.

Le truc à mettre très vite au crédit de Thomas Gunzig avec ce court roman, c’est qu’il ne fait semblant de rien. Dès l’introduction du roman, « en guise de justification », des mots mêmes de l’auteur, il nous explique encore plus clairement que ce que le sous-titre du texte pouvait déjà sous-entendre : on est pas là pour faire dans le grand effort intellectuello-conceptuel. On est là pour rendre un hommage amusé et aussi amusant que possible à une mouvance culturelle donnée, à savoir le cinéma horrifique des années 70/80, celui qui tâche à tous les niveaux, y compris les écrans cathodiques agressés par la qualité fluctuante des VHS faisant office de vecteur.
De ce fait, nul besoin de résumé précis, qui ne serait que superfétatoire et insultant pour quiconque s’est déjà un minimum renseigné sur le sous-genre du slasher : une bande de jeune gens réunis par une amitié discutable se rend dans un endroit isolé le temps d’un court séjour, et ça part très vite en capilotade sanguinolente. Le twist, ici, évidemment, c’est l’enjeu d’injecter un peu de singularité là-dedans, histoire que les archétypes soient respectés, mais qu’ils expriment quelque chose de plus que la simple parodie bête et méchante.

Ce qui, de mon point de vue, constitue autant la force que la relative faiblesse du travail de Thomas Gunzig, ici. Parce que le slasher, assez ironiquement, c’est presque trop facile à parodier ; ses codes sont tellement simples à intégrer et à détourner, que soit ils peuvent inciter à la flemme créatrice, qu’à l’inverse, ils créent le risque de trop en faire par souci du détail ou d’une originalité piégeuse. Et du coup, ici, si l’ensemble du travail d’hommage de l’auteur est absolument impeccable, avec la distribution fidèle à celle de n’importe quel film, un rythme soutenu fort bien accompagné par un découpage faisant la part belle à la multiplicité des points de vue imitant le montage cinématographique du genre, je trouve que ça en fait un poil trop dans certains secteurs.
Alors qu’on se comprenne bien ; ce côté un peu too much, il s’explique et se justifie franchement bien par le contexte choisi par l’auteur. Après tout, on parle de slasher à inspiration poisseuse d’une époque pour l’essentiel révolue ; c’est impossible de parodier quelque chose sans en pousser quelques potards à fond, et il faut bien admettre que dans les productions dans lesquelles Thomas Gunzig puise, ces potards allaient déjà assez loin. Donc bon, le mauvais esprit et l’humour noir sont ici de mise, clairement, et je serais de mauvaise foi en ne le reconnaissant pas. Pour autant… Rah, j’ai quand même un poil grincé des dents en lisant ce personnage borderline incel et cette scène en fin d’ouvrage, malgré l’immédiate acceptation et rationalisation de leurs présentes respectives. Tout comme j’ai trouvé quelques saillies du bouquin un poil vulgaire, en reconnaissant également que bon, bah, quand même, on parle de slasher cheapos, hein, c’est difficile de faire autrement.

Peut-être que c’est finalement la forme littéraire qui joue en la défaveur du roman, bien malgré lui : lire n’est pas voir, et une blague de mauvais goût bien placée dans un film n’a pas le même impact et la même capacité d’évacuation que la même blague dans un bouquin. Je pense que c’est ça, finalement, la raison de mon relatif manque d’enthousiasme une fois le texte terminé : l’hommage est bon, mais puisque le médium n’est pas le même, il me manque quelque chose. Et ce en dépit de l’ajout dans mon édition des illustrations de Blanquet, torturées à souhait, et donc fort à propos.
En fait, je crois qu’en dépit du fait que Thomas Gunzig ne m’a jamais menti sur la marchandise, en me promettant exactement ce qu’il m’a livré, c’est à dire un petit divertissement léger en mode d’hommage, je finis avec une envie de plus, un sentiment de rester sur ma faim. Comme si avec ses quelques coups de plume, ici, il avait gratté la surface de quelque chose de plus intéressant, sans pour autant vraiment s’y plonger. Avec sa fin un poil précipitée et quelque peu anticlimactique, quand bien même ce bouquin vise à la parodie sans prétention, j’y ai senti le potentiel d’encore mieux. J’ai peut-être eu l’impression qu’il aurait en fait fallu plus d’ambition, et moins de légèreté : comme si la parodie n’était pas la bonne voie, finalement. J’ai senti les vibrations sous cutanées d’un roman meta plus puissant sous la surface de ce petit roman se contentant d’exposer les ficelles les plus voyantes du slasher sans vraiment tirer dessus. C’est ça, je crois, qui m’a frustré.

Ce qui fait donc de ce 10 000 litres d’horreur pure un bon roman, mais pas un assez bon roman à mes yeux. Mais surtout un bon roman. Un roman amusant, qui joue avec le jouet du slasher en y intégrant quelques saillies bien à lui, nous invite à s’amuser avec lui, avec juste ce qu’il faut d’ironie pour que la blague soit bien comprise. Un pastiche habile, quoique peut-être un peu trop léger pour pleinement, personnellement, me satisfaire. J’en aurais bien pris quelques chapitres de plus histoire de bien reboucler l’ensemble et jouer de l’ambition parodique à fonds. Mais je chipote : j’ai surtout passé un bon moment sans prise de tête. Et je serais curieux de lire plus de cet auteur.
Une réussite, donc.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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