
Creating Monsters – Set It Off (extrait de l’album Set It Off)
Entre le travail et le festival de cinéma qui m’ont pris l’essentiel de mon temps ce mois-ci, il faut bien admettre que faire vivre le blog a été une gageure, tout récemment. Et c’est bien dommage, parce que j’aime beaucoup lire des livres et vous dire ce que j’en pense. Surtout quand lesdits livres m’ont été gracieusement envoyés en SP ; tellement gracieusement, même, que j’en ai plusieurs en stock à enchaîner pour mon plaisir et votre information.
Mais heureusement, qui dit festival de cinéma dit files d’attentes. Alors j’ai pu profiter de quelques zones de flottement temporelles incidentes pour me plonger et avancer dans le roman du jour. Ce dernier, croyez le ou non, étant mon premier, tout premier contact avec Robin Hobb ! Et c’est un peu rigolo, mais j’ai même pas fait exprès. Voyez vous, depuis des années, si je me dis que lire cette autrice, ne serait-ce que pour ma culture personnelle, histoire de pouvoir me situer par rapport à elle, ce serait pas mal, je n’ai jamais sauté le pas. De trop grosses sagas, de la fantasy dans un mode qui ne me parle pas tant que ça – pour ce que j’en sais – et surtout des retours me laissant croire que je n’allais sans doute pas y trouver mon compte, j’étais frileux. Du coup, quand, tout à ma démarche de tenter des trucs et de laisser de la place dans mon programme à des auteurices inconnu·e·s, la promesse de ce Alien Earth signée d’une certaine Megan Lindholm m’a alléché. Le fait que ce nom soit le vrai nom de Robin Hobb avant qu’elle prenne son pseudonyme, alors même que c’était carrément marqué sur la couverture et que J’ai Lu ne se cache pas de la réalité des faits dans son catalogue, m’ont complètement échappé. J’imagine que tout à ma petite obsession d’en savoir le moins possible, je me suis rendu aveugle à l’évidence.
Tout ça pour dire que voilà, c’est fait, j’ai testé du Robin Hobb, je vais à l’avenir pouvoir affronter avec un peu plus de sérénité les éventuelles lectures signées de son nom. Dans le sens où, à moins qu’on ne me détrompe quant à la qualité du reste de son travail par rapport à ce roman, je n’ai plus vraiment envie de lire du Robin Hobb (ou du Megan Lindholm). Parce que sincèrement, et sans que cela ne me chagrine réellement, pour une fois, je peux vous dire que j’ai trouvé ce roman vraiment pas bon. Que comme souvent dans ces cas là, je sais très bien pourquoi. Alors parlons en.
La première chose, ce sont à mes yeux un très mauvais résumé et, surtout, un aussi mauvais titre, que je qualifierais volontiers de malhonnêtes. Avec un titre comme Alien Earth, il y a une promesse implicite qui est formulée. A minima, on est en droit d’imaginer des aliens sur la Terre, ou une Terre hors de notre système solaire, et surtout que cette Terre Alien, quelle qu’elle soit finalement, constitue le cœur de l’intrigue qu’on va nous proposer. Or, ici, ce lieu à la nature mythique est relégué au trouzmillième plan, au statut d’une ombre planant sur le reste du récit, rarement évoquée en des termes précis, uniquement réduite à son statut de légende. Pour tout dire, de façon un peu cavalière, la Terre Alien, on y arrive réellement qu’aux environs de la page 340/540 du roman. On est donc soit dans le mauvais résumé qui raconte la moitié de l’intrigue et c’est un délit éditorial, soit on est dans le bouquin mal titré qui ne sait pas réellement ce qu’il veut raconter ou projeter de ses propres idées, et c’est un délit narratif. À l’aune des autres indices semés par Megan Lindholm dans le reste de son projet, je vais plutôt pencher pour la seconde hypothèse, étant donné qu’à cette époque déjà et malgré son changement de nom à venir, la future Robin Hobb était déjà une autrice trop chevronnée pour que je puisse croire qu’elle n’avait pas un peu de latitude pour faire ce qu’elle voulait de ce roman. Pour ce qui est de ce qu’elle fait dans ce roman, on va en parler, parce que c’est bien évidemment le cœur du problème pour moi.
Bon alors l’évidence en premier, et vous comprendrez pourquoi j’ai encore une fois fait l’impasse sur un résumé du roman en préambule de ma chronique pour directement attaquer le gros œuvre : ma parole, qu’est ce qu’on se fait chier. Mais alors. En toute transparence, si j’ai pour habitude, autant que possible, quand je ne suis pas heurté par mes lectures, d’aller au bout de mes SP, j’ai dû un peu batailler sur la fin de celui-ci, me faisant lire en diagonale radicale ses 150 dernières pages. Sans pour autant avoir le sentiment, à aucun moment, de vraiment en rater quoi que ce soit. Ce roman ne sait pas ce qu’il veut raconter.
On y suit 5 personnages et leurs atermoiements intérieurs, leurs interminables monologues et leurs infinis dialogues creux, les conflits internes et interpersonnels autour d’idées vagues aux implications superficielles, et le moindre noyau d’intrigue est systématiquement noyé sous des avalanches de textes ; dont le péché capital à mes yeux n’est pas tant de tenter une exploration de leurs sentiments, mais bien de nous répéter en boucle les mêmes 5 ou 6 informations avec à peine l’élégance d’une périphrase de temps en temps. J’avais l’impression que l’autrice se tenait au dessus de moi, avec une batte de base-ball estampillée « EXPOSITION », prête à me matraquer la tronche au moindre manquement de ma mémoire. À force de lire les diverses combinaisons de deux personnages maximum se redire les mêmes informations de manières à peine différentes, encore et encore, j’avais sincèrement l’impression d’être pris pour un couillon incapable d’assimiler la moindre information basique.
Ce qui donne au roman une introduction d’une longueur et d’un creux péniblissime, où j’avais l’impression que rien ne se passait jamais vraiment, déroulé en plus avec une arrogance et une espèce de fierté implicité me rendant le tout encore plus indigeste. Le pire, c’est que ponctuellement, j’ai vu poindre quelques bonnes idées, quelques bourgeons d’intrigues intéressantes, pour systématiquement être cruellement déçu. Au tout début, par exemple, j’ai cru que j’aurais droit, enfin, à un récit de space opera ou l’humanité n’aurait pas droit à son habituelle position anthropocentrée, reine de tout l’espace connu et amie avec toutes les races aliens ; le concept d’une humanité inférieure à ses sauveurs, encore toute penaude d’avoir due être sauvée d’elle même par un peuple lointain mais bienveillant contribuant à sa rééducation, c’était un peu neuf, c’était chouette. Sauf que non, on comprend très vite que la race alien en question n’est certainement pas amicale, et que le cadre supposément idyllique dans lequel vivent nos protagonistes humains est une contr’utopie. Et on comprend aussi vite que la position d’infériorité initiale de notre humanité diégétique n’est qu’un prétexte à l’élever de nouveau. Parce que vous comprenez, ces vilains aliens, ils sont incapable des rêver, alors au fond, ils sont jaloux de nous, parce que eux ils sont trop rationnels et pragmatiques, alors ils sont aigris et vilains, et ils exploitent les autres races de l’univers à leur profit, parce que ce sont des parasites. Et je pourrais m’excuser de spoiler en vous disant ça, parce que techniquement, ce n’est dévoilée par l’autrice qu’assez tard dans son ouvrage. Sauf que son travail d’exposition manque tellement de subtilité, dans ses implications comme dans son exécution, que je l’ai compris beaucoup trop tôt pour pouvoir en profiter. Au contraire, ça n’a fait qu’ajouter à ma frustration à chaque nouvelle page tournée.
Le truc, c’est que j’ai beau savoir que Robin Hobb/Megan Lindholm est plutôt une femme chouette, prônant des valeurs progressistes chères à mon cœur, force est de constater que pour moi, ce roman en particulier souffre énormément de ses plus de 30 ans – aïe – d’âge. Ce bouquin, il a beau sans doute se penser moderne et pro-humanité, je le trouve affreusement réactionnaire. Certes, ces aliens sont des hypocrites manipulateurs, mais ils représentent quand même une force de radicalité fantasmée qu’on projette plus souvent sur les écologistes ou certains mouvements pour les droits civiques : cette accusation de vouloir priver tout le monde de ses droits au nom d’un idéal supérieur, au nom d’une sorte de pureté mystique. L’autrice, ici, j’ai l’impression, fait incarner à ces aliens cette force imaginaire et destructrice qui prétendrait éduquer les masses à leur dépens, quitte à dévoyer des messages initialement louables. Ce qui, je vous l’accorde, jusqu’à un certain stade, pourrait très bien convenir à la description de certains régimes fascisants. Sauf que ce qu’elle oppose à ces aliens, du côté de nos héros, c’est un plaidoyer pour un retour à un certain état de nature naïf et lui aussi pur, nettoyé de tous les excès d’une civilisation humaine corrompu par son progrès ; une perspective matinée de beaucoup trop de nostalgie béate pour que je ne me méfie pas, à une échelle toute personnelle.
Le problème, encore une fois, c’est ce centrage étrange et démantibulé autour de l’idée du rêve comme unité centrale de notre humanité, de la poésie comme mesure de notre éveil civilisationnel. Étant un indécrottable matérialiste, vraiment, ça m’agace horriblement quand on me dresse un portrait éthéré de l’humanité comme un agglomérat d’une infinité de riens magnifiques, où chaque joli mot accolé à un autre joli mot constitue une brique de notre progrès vers je ne sais quelle ascension mystique. Ça m’agace. Oui, nous sommes des singes raconteurs, et oui, notre capacité à nous raconter des histoires est constitutive de notre avancée en tant qu’espèce, pas de problème : mais elle n’est pas ontologique à qui et ce que nous sommes, elle n’est pas essentielle. Elle n’est qu’une part d’un tout infini, et chacun·e contient sa propre multitude, pour mal citer Whitman, parce que ça fait toujours plaisir.
Le problème de ce roman, c’est bien d’en faire des caisses pour ne rien vraiment proposer ; comme l’a trop bien dit ma copine quand j’ai essayé de lui verbaliser mon agacement pour que je ne la cite pas verbatim, « il y a trop de pas assez ». On est dans la tête de trop de personnages dont les perspectives ne se complètent pas mais se chevauchent, on a trop d’informations qui se parasitent et empêchent de visualiser clairement ce qui devrait constituer le cœur de l’intrigue, on a trop de dilution de cette même intrigue dans de longs discours pontifiants sur la nature profonde de l’humanité, et au final, on a quand même pas assez de quoi que ce soit pour se sentir nourri. C’est à la fois prétentieux et superficiel, ample et manquant d’ambition. Sale combinaison.
Mes excuses à J’ai Lu, je vous aime toujours très fort, promis je serai moins salé sur les prochaines chroniques.
Je me console en me disant que je suis sans doute assez seul dans ma détestation de ce texte et que Robin Hobb n’a certainement pas besoin de moi pour exister en tant que grande autrice, alors elle n’a certainement pas à me craindre non plus. La question qui demeure, c’est de savoir si Robin Hobb saura plus me séduire que Megan Lindholm. En l’état actuel des choses, je dois bien admettre que je suis fort dubitatif.
Je veux bien de votre aide. Pour plus tard.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

Un petit conseil alors : tu peux faire l’impasse sur l’assassin royal. Même problème de titre (mais qui vient de la VF dixit Steph), de rythme et d’apitoiements interminables du perso principal.
Pour contextualiser, j’ai aimé Alien Earth et j’ai détesté l’assassin royal (et je me suis fais souvent reprendre par une fanbase assez susceptible…).
Avis 100% subjectif bien sûr 😊
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J’avais presque envie de le mettre sur ma WL bien que je ne ne sois pas très fan de l’Assassin et des Aventuriers (pas lu les autres), je vais donc pouvoir passer mon tour sans regrets^^
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Tu n’aies malheureusement pas le seul… Je suis restée assez hermétique à ce texte. J’ai trouvé que l’autrice s’était tirée une balle dans le pied en en dévoilant trop dans son prologue et j’ai couru après cette révélation ensuite ne trouvant pas dans le texte suffisamment de matière pour soutenir ma curiosité. L’ensemble en plus manquait d’émotion. Bref ^^!
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