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Série Noire #12

Une série noire sous le signe de la terrible déception et des regards contrits dans le miroir.

Le Dit de la Terre Plate T1 – Le maître des ténèbres, Tanith Lee
205/242
Un abandon mesquin en terme de volume parcouru, j’en conviens. Mais en fait, plus j’avançais dans le bouquin, et plus je me disais que j’avais rien à en dire. Enfin rien de vraiment intéressant, pour être plus précis ; c’est pas la flemme qui m’a fait arrêter, ici. Plutôt une forme d’amertume face au constat que je ne suis pas seulement hermétique face à certaines formes d’expression, mais qu’elles m’ennuient agressivement, sans que je n’arrive à comprendre exactement pourquoi.
Ici, on parle de conte, ou plutôt cette forme de merveilleux harnaché d’une sorte d’étrange hauteur de vue qui permet de raconter les choses avec un détachement clinique, au fil d’une narration terriblement froide, me faisant tout paraître comme artificiel.
L’ironie triplement terrible, ici, c’est que j’ai été motivé à découvrir cette saga de l’autrice britannique en réaction au call out bien mérité de cette saloperie de Neil Gaiman, comme je l’expliquais dans ma chronique du premier tome du dyptique du Bain des Limbes, et que j’y ai retrouvé exactement les défauts que je lui prêtais auparavant en tant qu’écrivain/auteur ; et plus particulièrement ce qui m’a toujours empêché d’être aussi émerveillé que la majorité face à son Sandman. Alors je passerais ici sur les accusations de plagiat du travail de Tanith Lee que certains ont proféré à son encontre ; avec un seul tome à peine sous le coude, je ne suis certainement pas apte à juger de la pertinence de l’affaire. Disons que sans me prononcer fermement, je pense que ça ne vient pas non plus de nulle part, et que ce n’est pas totalement absurde.
Mais je dois au moins l’évoquer, parce que les ombres de l’artiste comme de l’homme ont sans conteste plané sur cette lecture, et au delà de mon avis personnel et de ma subjectivité première, je dois aussi accepter la possibilité qu’elles ont un peu corrompu mon regard.
J’aime pas cette écriture, qui convoque des grandes silhouettes unidimensionnelles dont on dévoile des facettes au gré des nécessités de l’histoire, au sein d’un paysage sans profondeur, brossant des trajectoires en lignes brisées plus que des personnalités en courbes consistantes, et dont il est difficile de retirer autre chose que des leçons évanescentes : les démons sont des vilains inconsistants auxquels on ne peut jamais faire confiance, être méchant et cruel c’est pas bien, et être gentil et malin c’est mieux. Que ce soit comme ici très bien écrit – et sans doute pas mal traduit non plus – ne change pas grand chose à l’affaire pour moi ; il y a une impression indélébile de style préféré à la substance.
Quelque part, aussi paradoxal que ça puisse paraître, je trouve qu’en fait ça manque de simplicité. Je croirais un peu mieux à ces histoires si elles étaient plus sobres à tous les égards : c’est sans doute parce qu’elle prétendent à une forme de noirceur, de sérieux et de lyrisme, s’appropriant les idées qu’on inculque d’ordinaire aux enfants, mais avec le langage et la réalité crue et violente des adultes, adjointes d’une légion de superlatifs, tant et si bien qu’elles sonnent faux à mes oreilles. J’ai l’impression, d’une certaine manière, qu’on me prend pour un imbécile, avec ce Prince Démon tantôt impossiblement malin et puissant et tantôt naïf comme l’enfant qui vient de naître, à l’instar de ses sbires/adversaires/ennemi·e·s/allié·e·s, changeant au gré des circonstances et des pages sans rime ni raison. Dans un récit de fantasy comme celui là où la magie est si puissante et omniprésente, et où tout finalement n’est qu’affaire de hiérarchie des pouvoirs et inféodation auxdits pouvoirs, je ne peux pas accepter autre chose qu’une consistance et des règles précises et clairement établies. Ici, on a surtout des astuces basées sur rien d’autre que des révélations faisant office de justifications, où la magie sous toutes ses formes est surtout une excuse pour écrire ce qu’on veut sans réel souci de cohérence ; ça heurte mon esprit logique, ça me confuse et ça m’agace.
Et c’est sans doute pour ça que que j’ai très largement préféré Le Bain des Limbes, parce qu’il s’intéressait en profondeur et avec nuance à un destin individuel, avec tout ce que ça suggère, médiocrité lancinante comme petites gloires ponctuelles, au sein d’un portrait cohérent. Ici, on a que des idées de récits qui s’entrechoquent frénétiquement sous l’influence malsaine d’un salopard amoral qui s’ennuie et qui ne sait pas ce qu’il veut ni ce qu’il aime vraiment. En ressort un truc un peu nihiliste, un peu cynique, un peu mélancolique, un peu creux. Des contes cruels sans réelle finalité autre que la souffrance continue de ses personnages, parce que. Une mythologie sans fun ni finalité, d’une certaine manière.
J’aime pas ça.
Bon en fait j’avais des trucs à dire. Tant pis.

Nous serons l’incendie, JM Corrèze
116/432
Fort contrariant, celui-là. Après un premier tome imparfait mais extrêmement prometteur, je plaçais de grands espoirs dans sa suite.
Et puis la sauce n’a pas prise, c’est pas plus compliqué que ça. Si j’ai mis mon mal initial à rentrer dans ce deuxième volume sur le compte de mon souvenir un peu flou de la fin de son prédécesseur, je pense que mon abandon est surtout à reprocher à un manque de travail éditorial. Aucun doute que le style extrêmement travaillé et élégant de JM Corrèze, ainsi que son ambition allégorique puissante sont toujours là ; mais le rythme n’y est pas du tout, à l’instar d’un gros problème de perspective. Je pense que n’importe quel regard attentif à un texte avec une volonté aussi épique que celui-là aurait du signifier à son auteurice l’importance d’y injecter un peu plus d’intensité, ou a minima, de rendre ses enjeux beaucoup plus clairs, beaucoup plus forts, et beaucoup plus vite.
Arrivé au quart du roman, je ne savais toujours pas qui j’étais censé suivre, et pourquoi : je n’avais aucune idée de quel incendie il allait réellement être question, et je n’avais plus de patience en stock pour seulement un chapitre de plus. Après un premier volume où il avait un peu trop de choses pour le bien du texte mais où surnageait un réel talent et une générosité qui compensait élégamment, j’ai eu ici le sentiment inverse : un talent étouffé par l’incapacité de son auteurice à faire les coupes nécessaires pour dire ce qui devait être dit. Les quelques bonnes scènes et évocations poétiques au fil du récit n’ont pas suffit à me faire penser que pousser un peu plus loin allait valoir le coup. Pour un roman invoquant la figure de l’incendie, je trouve que ça manquait cruellement de flammes.
Mais si je raye un trait sur cette saga, je ne laisse pas tomber JM Corrèze, et j’espère croiser d’autres de ses travaux à l’avenir.

Le Pendule de Foucault, Umberto Eco
165/648
Bon, il est un peu spécial, c’est abandon, il est vrai. Je suis à la fois déçu et étrangement soulagé à son propos. Déçu parce qu’on m’avait, avec le temps, vendu un monument et que je ne suis clairement pas d’accord avec son statut : on y reviendra. Mais un peu soulagé parce que récemment, je me suis demandé si je n’étais beaucoup plus magnanime avec les textes des hommes que je lis, ne remplissant mes séries noires que de représentant·e·s d’autres genres. On a nos petites obsessions et nos inquiétudes ; une des miennes c’est d’être meilleur au niveau représentation et inclusivité dans mes lectures, tout en conservant un point de vue personnel et intellectuellement honnête. C’est pas toujours facile, parce que l’offre ne suit toujours pas la demande, à ce niveau, surtout quand on fouille beaucoup dans les archives comme moi, et ça me prend régulièrement la tête. D’où ce mois de décembre où je me détache de mes prétentions et je me fais plaisir avec ce qui me donne envie sans y réfléchir plus loin.
Bref. J’avais un train à prendre, j’ai pris un gros pavé que je repousse depuis des années parce qu’il souffrait d’une aura massive de réputation et de complexité, avec par dessus le nom d’un des écrivains les plus réputés dans sa partie. Le truc, je crois, qui m’a amené à un abandon aussi amer de ma part, c’est le fait que je m’étais fait une image erroné de ce roman.
Je pensais m’attaquer à l’empereur des thriller ésotérique, signé par un écrivain érudit, parfois trop, mais faisant œuvre de vulgarisation et d’imagination, pour accoucher d’une intrigue velue mais éblouissante ; j’étais prêt à me faire quelques nœuds aux cerveau au fil de mon avancée, mais je ne doutais pas d’être impressionné et séduit.
Sauf que non, en fait. Genre pas du tout.
Ce roman n’est pas un thriller ésotérique, c’est une parodie de thriller ésotérique. Ce qui ne serait pas gênant si finalement il n’était pas tant dénué d’amour pour le sujet de sa parodie. J’aurais pu passer sur les incessantes et interminables digressions proposées par Eco, d’autant qu’au moins une m’a vraiment beaucoup fait rire, si elles n’étaient pas encore plus alourdies par les séquences tenant au genre susnommé, où l’auteur, à mes yeux, ne fait finalement rien d’autre que pointer un doigt moqueur – et un brin aigri – en direction des complotistes ésotériques pour démontrer la bêtise de leurs complots et des démonstrations qui vont avec. Cela en soi, un peu plus équilibré dans la charge, j’aurais pu en rire aussi et apprécier le voyage ; mais une deuxième impression s’est assez vite ajoutée à la première, avec l’impression qu’Eco ne se moquait pas que d’eux. Mais aussi et surtout des gens qui apprécient ces intrigues de thriller ésotérique.
Le sentiment que m’a donné Eco, c’est de me dire « Ah vous aimez les intrigues à base complots millénaires et de trésors cachés ? Eh bah vous êtes bêtes. » Eco m’a donné l’impression d’être un type tellement absolument convaincu de sa propre intelligence qu’il en était venu à vouloir faire la démonstration élitiste de la supériorité de ses connaissances sur le bas divertissement des histoires jouant avec la matière de son travail très sérieux. C’est pour ça que je parle d’aigreur, avec mes seulement 165 pages et les différents retours qu’on m’a fait autour du reste du bouquin et des autres travaux d’Eco, j’ai l’impression qu’il trouvait toutes ces histoires ésotériques absolument crétines, et il ne pouvait pas supporter qu’on puisse les apprécier. Ce roman, à mes yeux, a été écrit avec de mauvaises motivations.
Il suinte le mépris et le snobisme, et je déteste ça.
Et c’est dommage, parce que je sais qu’Eco peut être exceptionnellement drôle, et qu’il était un penseur de haute volée, probablement un génie dans son domaine ; mais précisément, à trop vouloir faire démonstration de son gros cerveau à coup de digressions érudites et de rabaissement des esprits inférieurs à sa pure pensée, il m’a complètement perdu. Il y avait sans doute un concept formidable dans ce roman, je perds sans doute au change à ne pas fournir l’effort d’aller plus loin, mais arrivé là où j’en suis arrivé, Eco m’a perdu. J’ai l’impression d’être tombé dans un piège, avec l’auteur qui m’a attiré avec la promesse d’un roman, m’a fait tomber dans un trou, et maintenant, me fait subir un exposé de quatre heures depuis l’extérieur de ce trou où il m’explique pourquoi j’avais tort de seulement vouloir lire un tel roman.
Avec cet abandon, je creuse mon tunnel hors de ce trou.

Voilà voilà…
Eh bah Joyeuses fêtes, hein ! 😀

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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