
Depuis le temps qu’elles me faisaient de l’œil à chaque passage en bouquinerie, ces anthologies aux titres aussi vagues que prometteurs ; tout à ma passion toujours bourgeonnante pour l’archéologie littéraire, il fallait bien que je m’y mette un jour. Les Fiction, Univers et autres Galaxie, c’est super chouette, mais avoir encore une autre ressource pour lire des nouvelles inédites, c’est encore plus chouette. Alors voilà, on y est, et on commence avec les mutants. Parce que… Parce que pourquoi pas, d’abord, et parce que quand j’hésitais avec les pouvoirs, j’ai vu Theodore Sturgeon au sommaire de l’opus qui va nous concerner aujourd’hui : on a ses faiblesses, et on les assume, ça simplifie régulièrement les choses.
Mais comme j’aime aussi parfois complexifier les choses pour le simple plaisir de le faire, et que mon motto demeure « les textes et rien que les textes », je vais attaquer cette anthologie bille en tête, et ne me consacrer à sa préface et à l’essentiel de son paratexte une fois les textes recensés. Le truc, c’est que y a Gérard Klein d’impliqué dans le bouzin, et je le connais, ce bougre, à force : s’il a une voix critique très chouette à écouter, il a en peut-être un brin trop conscience, par moments, et il a tendance à oublier que les textes dont il parle, il est parfois le seul à les avoir lus. Je préfère éviter l’absence de surprise au moment de lire les participant·e·s à cette anthologie et défricher mon terrain critique moi-même.
Donc d’abord les textes, et après le reste ; préface et éventuellement commentaires sur les notules introductives, si ça vaut le coup (probablement pas).
Si ça vous va, on est parti.
Et si ça vous va pas, c’est bien dommage, je suis encore chez moi, je fais ce que je veux, d’abord. Et on est parti.
Un accouchement pas comme les autres, Damon Knight
On commence doucement mais sûrement avec cette chouette petite histoire de bébé à venir qui se rend coupable d’une emprise extensive sur sa mère, exigeant d’elle tout un tas de choses plus ou moins absurdes, allant de boire des grands verres de lait jusqu’à apprendre l’allemand ou écrire un roman. C’est rigolo et bien exécuté, je ne vois pas ce qu’il y a à dire de plus sans aller trop dans le détail. Des fois ça ne tient qu’à une bonne idée à la réalisation bien rythmée et efficace. Là où ça fonctionne particulièrement, je pense que c’est dans l’effet de surprise continuellement renouvelé, jusqu’à une chute solide qui projette un léger mais d’autant plus tenace potentiel double sens sur l’ensemble de la nouvelle. Un bon début, sans être renversant.
Journal d’un monstre, Richard Matheson
À noter ici que je trouve le titre en VO « Born of a man and a woman » infiniment meilleur que le titre en VF, bien trop direct. C’est sans doute un chouïa trop court pour ne pas être un peu frustrant, mais c’est très très bon. L’histoire d’un enfant enfermé à la cave par ses parents parce qu’il n’est pas assez humain à leurs yeux, et qui nous raconte tout avec ses mots de gosse isolé dans son journal personnel. Énorme travail sur la familiarité glauque et l’évocation passive, tout ce que nous raconte ce pauvre môme sert de projection indirecte à la réalité qui se cache derrière la distorsion de son regard ignorant, c’est super bien fichu. Alors certes, j’en aurais bien pris un peu plus, en terme d’ampleur, mais l’efficacité Mathesonienne est inévitable, il me semble, alors je ne peux pas trop me plaindre, ça reste très réussi.
L’asile, Daniel F. Galouye
Après un article à mes yeux lacunaire à propos de cet auteur dans mon Univers 09, j’étais curieux et content de le croiser ici. Pour un premier contact, je suis pour le moins saisi. Parce qu’en dehors d’une chute décevante parce que trop précipitée, mes aïeux, quel effort absolument brillant.
Pour 1954, cette histoire de femme télépathe plus victime que jouissant de son pouvoir est absolument saisissante de modernité. D’abord on a le travail de submersion sensoriel, avec une narration au cordeau qui retransmet la paranoïa totale et constante de notre héroïne, entendant tout le monde autour d’elle, devant sacrifier d’énormes quantités d’énergie pour parfois retrouver un peu de calme. À côté de ça, on a le poids infernal de la concupiscence permanente de tous les hommes qu’elle croise, se faisant des idées et projetant leurs fantasmes malsains sur elle au simple prétexte qu’elle est jeune et jolie ; comme quoi on savait déjà. Et par dessus ça, on a quelques commentaires indirects sur la situation féminine au regard des idées que s’en font les hommes en position de pouvoir, et c’est là aussi super malin.
Basiquement, sous un autre angle et dans un registre encore plus tragique, on est ici sur une variation avec 20 ans d’avance de L’Oreille Interne. Et si ce n’était pour cette chute vraiment pas à la hauteur du reste du texte, dédisant presque ses efforts de construction et d’intensité, on tiendrait un texte en tous points exceptionnel. De fait, il ne l’est qu’à 90%. Et ces 90% sont vraiment puissants. C’est donc vraiment pas mal du tout (ceci est une litote).
Ils étaient tous frères, Graham Door
Là encore, le titre VO, Who knows his brother?, me semble bien meilleur. Et bon, premier texte simplement meh de cette anthologie à mes yeux. Histoire initiatique post apocalyptique d’un jeune garçon dans un monde en proie aux guerres tribales. La chute est d’emblée bien trop évidente, la faute à une écriture manquant cruellement de la subtilité nécessaire, mais ça se lit pas trop mal. Ni bon ni mauvais, juste insuffisant pour être surprenant. Disons que c’est le texte qui jusqu’ici a sans doute le moins bien vieilli.
Le protégé de Riya, Algis Budrys
Bof. Le concept central et son traitement sont intéressants, ça manque d’ampleur et de chaleur pour fonctionner à plein, à mes yeux. Techniquement c’est vraiment chouette, ça propose un angle original, mais ironiquement, ça en devient de fait un peu trop démonstratif ; et puisque tout le récit repose sur un joker fantastique qui manque sans doute un peu trop de contexte et d’explications pour être parfaitement clair, avec cet orphelin apparemment capable de voyager entre les dimensions à l’aide de sa volonté conjuguée à un principe ésotérique nébuleux, ça crée un déséquilibre dommageable pour l’ensemble. Frustrant. Il y avait sans doute bien mieux à faire ; j’oserais avancer que c’est plus un souci d’exécution que d’idée.
Tranche de nuit, Poul Anderson
Bon, là c’est facile : j’ai pas compris le délire. Un mec qui veut rentrer chez lui après une journée de travail sur une théorie scientifico-ésotérique qui lui bouffe sa santé mentale, je crois, lui faisant alterner les phases de lucidité triste et les séquences d’hallucination. J’ai trouvé l’ensemble verbeux et assez creux. Mais c’est sans doute parce que je suis jamais rentré en résonnance avec le texte, j’y suis resté cruellement extérieur. De tous les Poul Anderson que j’ai lu, c’est le pire exemple jusqu’ici, et de loin.
On n’embête pas Gus, Algis Budrys
Encore une fois très dommage. Avec cette histoire de Gus, étrange ermite involontaire-mais-pas-trop semblant doué de talents infinis mais isolé du reste du monde soudainement visité par le gouvernement, Algis Budrys tient indéniablement un truc. Cette idée d’une humanité cachée au sein de l’humanité, elle est séduisante, et le personnage de Gus tout autant. Mais pour autant, je trouve que le concept est cruellement sous-exploité, sans doute parce que l’angle n’est là non plus pas le bon, y a un souci de cadrage. Sans compter que je n’ai pas compris la chute, et que j’ai le sentiment que son intrigue a un gros trou dans la raquette. Vraiment dommage.
Délivrez nous du mal, Daniel F. Galouye
Après L’Asile, je tombe de haut. Ici, non seulement je trouve ce concept de mutation rendant les gens trop gentils pour leur propre bien terriblement bancal, mais en plus l’exécution est molle et malhabile. Y a basiquement rien qui va en dehors de la sensibilité première du récit et son rapport à son personnage principal. J’ai passé mon temps à m’interroger sur la pertinence du récit, jusqu’à une chute vraiment pas ouf non plus. On souffle.
Absalon, Henry Kuttner
Alors que là. Solide et déconcertante histoire d’un fils de génie tentant de gérer l’éducation de son propre fils, génie lui aussi, entre désir d’autorité et crainte de reproduire des schémas négatifs subis dans sa propre enfance. C’est sans doute un poil trop didactique, la faute au cadrage, mais ça marche quand même super bien, notamment grâce à une chute formidablement percutante
Projet, Henry Kuttner & Catherine Moore
Entre trouille générationnelle post atomique et un regard vieille école sur le concept de mutation qui se prend bien trop au sérieux, il n’y a qu’un mot pour résumer ce texte, et c’est : ringard. Le poids des âges y est sans aucun doute pour beaucoup, et c’est probablement un peu injuste, mais c’est comme ça. Les questionnements politiques et scientifiques que propose ce récit ne sont juste plus à jour du tout, c’est même pas de sa faute.
Le patient, Edna Maine Hall
Là c’est encore un autre souci : c’est juste n’importe quoi. J’ai beau la tourner dans tous les sens, cette histoire de patient cancéreux perpétuel qui découvre dans sa condition une porte vers une nouvelle forme d’existence ne fait pas sens à mes yeux, conceptuellement, techniquement ou symboliquement. Pour tout dire, je vois sans doute un peu loin, mais le fait que la nouvelle ait été rédigée en 1943 et fasse explicitement référence à la Seconde Guerre Mondiale m’interroge beaucoup ; j’ai l’impression que mon malaise vis-à-vis du texte s’explique aussi potentiellement par une portée allégorique bizarre. Je dois être un brin paranoïaque, où alors je projette mes propres angoisses actuelles sur le texte, c’est possible.
Quoiqu’il en soit, c’est vraiment pas bon.
L’amour du ciel, Theodore Sturgeon
Heu-reu-se-ment, il, y a toujours Sturgeon pour nous rassurer. Quel fichu patron, vraiment. Quel talent, bordel. Mention spéciale à la traduction, ici, qui a du fournir un travail de titan pour réussir à retranscrire la volonté première de l’auteur, dans ce qui n’est essentiellement qu’un long dialogue entre un chasseur et l’étrange créature qui vient de malencontreusement tuer son chien, cette dernière ne parlant pas la langue et devant puiser dans l’esprit de son interlocuteur pour l’apprendre en temps réel. Comme toujours avec Sturgeon, c’est extraordinaire de maîtrise technique, de lucidité froide et de sensibilité chaude, créant des rencontres littéraires de haute volée, avec de l’émotion, de la philosophie placide, et des foutues bonnes histoires pour aller avec. J’en ai vraiment pas connu beaucoup des comme lui. Bon sang qu’il était fort, le salaud.
Limite naturelle, Theodore R. Cogswell
Peut-être un poil verbeux, celui-là, mais on pardonne. Parce que sous les apparences d’un texte un peu blague autour de la nature de ce qu’on pourra considérer le temps d’une abus de langage comme des super-héros, en vrai, il me semble que l’auteur touche du doigt un questionnement vraiment super intéressant. On est presque plus sur l’illustration par la fiction d’une interrogation méta-littéraire qu’une véritable histoire, mais l’interrogation vaut presque histoire tant ses implications me semblent larges et assez passionnantes. Le genre de texte dont j’aimerais pouvoir discuter avec des personnes qualifiées pour le faire, et m’expliquer si Theodore R. Cogswell avait vu juste ou non. Peut-être pas le plus grand plaisir de lecture sur le moment, mais son concept central va encore m’accompagner. Et ça c’est chouette.
Un monde de compassion, Lester del Rey
Quelle ironie. Dans cette nouvelle, l’auteur nous figure un monde où une « race » d’Hommes supérieurs – homo intelligens – a pris la place de notre classique homo sapiens à coup de mutations, jouissant d’une intelligence intuitive telle qu’elle a délaissé l’art fictionnel de ses ancêtres en arrière ; parce qu’en quelques pages du moindre roman, ils y anticipent tout, de la structure à l’intrigue. Et de fait, en suivant notre protagoniste, un des derniers hommes « normaux » restant sur Terre qui rêve de s’en évader… J’ai tout deviné du reste de la nouvelle, de la structure à l’intrigue.
On est encore une fois sur un texte terriblement ringard, scientifiquement et moralement, même si probablement animé de nobles intentions. À noter encore une fois une traduction du titre original, Kindness, que je trouve questionnable, même si un peu moins que les autres, parce que même le titre premier me semble donner la clé du récit en complément de son écriture manquant cruellement de subtilité. C’est pas tant que c’est mauvais que ç’a juste terriblement vieilli, à tous les niveaux. J’aurais sans doute plus apprécié si la chute n’avait pas été si évidente d’emblée.
Un monde de talents, Philip K. Dick
Sans surprise, un texte de Dick d’une soixantaine de pages, y a des choses à dire. C’est dense, très dense. À la limite du bordélique, pour être honnête, tellement les concepts et les sous intrigues se croisent et s’emmêlent. On a une humanité divisée en planètes, dont les dirigeants et les systèmes politiques ne sont pas la même en fonction de leurs différentes approches des pouvoirs Psis qui divisent leurs populations. On a des Précogs, des Télépathes, des Télékinisistes, et autant de conflits plus ou moins larvés autour de leurs manières d’exister ou non à l’échelle de la société. Honnêtement, c’était un peu compliqué de rentrer dans le texte, tant Dick y fait preuve d’une altérité radicale et nous balance tout sans préambule ni précaution d’aucune sorte. On peut lui reconnaître ça, il fait pas les choses à moitié.
Et de fait, le texte est aussi bon qu’il est, d’une certaine manière, discutable. Y a une ambiance indéniable, des idées de partout, un cœur symbolique très sympa à décortiquer, mais à l’inverse, c’est pas simple à suivre, on change un peu de thème et d’angle d’attaque à chaque saut de paragraphe, on doit subir la misogynie passive habituelle de l’auteur, et ça finit sur une pirouette aussi absconse que décevante. Si on ajoute à tout ça une traduction régulièrement aux fraises, ça donne le sentiment d’être passé à côté de quelque chose ; je dirais que le texte en fait trop ou pas assez. En faisant un peu le tri dans les concepts, il y avait moyen de faire plusieurs nouvelles plus resserrées, plus claires et plus efficaces, éventuellement connectées entre elles, ç’aurait été cool ; ou à l’inverse, un seul roman plus long et fourni en détails et en réflexions autour des nœuds centraux des concepts développés par Dick.
En somme, c’est ambitieux, assez brillant, surtout pour l’époque, mais ça manque de soin ou de précision dans l’exécution ; c’est un peu trop éthéré, pas assez ciselé.
Le monstre, A.E. Van Vogt
Je vais commencer à croire que Van Vogt va devenir un de ces auteurs dont je dois craindre l’apparition au sommaire de mes revues et anthologies. C’est encore un mauvais texte que je viens de lire signé de son nom. Cette histoire d’aliens venant coloniser une Terre désertée et qui en ressuscitent les anciens habitants pour vérifier si la planète est colonisable ne me semble avoir ni queue ni tête, dans sa construction comme dans ses implications. Entre un anthropocentrisme dégoulinant d’un orgueil mal placé et des règles nébuleuses présidant à une intrigue complètement démantibulée, je dirais sans aucune humilité qu’un texte pareil n’est ni fait ni à faire. Y a vaguement un concept, mais je ne lui accorderait pas plus, tellement c’est amené et exécuté n’importe comment.
Mon sentiment premier, à la sortie de cette anthologie, c’est qu’elle n’est pas terrible du tout. Quelques brillances surnagent, certes, et les bons textes là-dedans vont du très bons à l’excellent, mais force est de constater que la sélection de l’ensemble manque de variété et d’inspiration. Sans doute est-ce partiellement dû à l’époque de publication et à certaines contraintes éditoriales empêchant le trio de rédacteurs de pouvoir inclure tous les textes qui leur tenaient à cœur ; mais c’est sans doute la seule marque de magnanimité que je leur accorderais.
Pour le reste, thématiquement, on reste quand même dans une idée de la mutation tournant très souvent autour des radiations et/ou d’un cap à passer pour l’humanité, où le mutant est une figure nébuleuse, représentant un futur ennemi ou un idéal à atteindre, quasiment jamais sans l’idée d’un combat à mener, d’une manière ou d’une autre. C’est sans doute un témoin marquant d’une interminable période d’après-guerre sur laquelle la menace nucléaire n’a jamais réellement fini de planer : c’est aussi fascinant que triste. Triste, parce que ça dénote quand même d’une certaine tendance de la SF à tourner en rond sur ses obsessions le temps d’en trouver de nouvelles, comme si on était incapable de collectivement se détacher de jalons historiques pour trouver l’inspiration ailleurs. Du moins, je me dis qu’une partie du monde éditorial en est incapable, ce qui expliquerait la fort discutable présence de plusieurs doublons dans le sommaire de cette anthologie, et l’absence notable d’autrices ou de noms francophones : j’ai sincèrement du mal à croire qu’en 1974, on avait pas déjà une offre suffisamment large pour trouver de la variété sur le thème des mutants.
Et de fait, en lisant l’introduction à l’Anthologie précédant la préface, je comprends un peu mieux : la sélection uniquement anglo-saxonne est volontaire, s’étendant des années 30 à 60, parce que cette période et cette situation géographiques constituent aux yeux des rédacteurs un âge d’or incontournable de ce qu’ils considèrent comme la Science-Fiction au sens premier du terme. Je comprends mieux mais je grince quand même pas mal des dents, parce qu’à lire cette introduction, j’ai encore l’impression de lire des intellectuels essayant de se justifier d’aimer la SF et d’y trouver une noblesse ou une grandeur qu’on ne trouverait nulle part ailleurs, essayant de s’établir en opposition frontale avec ce qui est considéré par les élites qui les refusent. Je ferais preuve d’un peu de mansuétude étant donné l’époque de parution, où j’imagine que d’une certaine manière, la SF et consorts prenaient culturellement bien plus cher qu’aujourd’hui en terme de mépris, mais bon sang, quand même, que je déteste cette approche. L’Imaginaire ne devrait jamais avoir à se définir par rapport à d’autres genres et se défendre d’exister comme une forme d’expression à part entière méritant d’être respectée ; l’Imaginaire existe, et c’est tout.
Mais de fait, étant donné la posture défensive adoptée par la rédaction de cette anthologie, j’imagine que je vais devoir m’attendre à une sélection relativement tiède, axée plus sur l’idée de faire découvrir le potentiel de cette littérature aux profanes plutôt que de célébrer les idiosyncrasies d’un genre littéraire riche de ses audaces. Soit.
À la décharge de Gérard Klein, sa préface, pour une fois, n’en dit pas trop, et interroge même intelligemment les thèmes que la mutation peut pousser à explorer en SF. C’est juste dommage qu’à mes yeux, la sélection de l’anthologie ne reflète pas exactement tous les possibles qu’il effleure, en dehors de la culpabilité de la bombe que j’évoquais plus haut, trop évidente pour être esquivée. Y a comme une dissonance entre l’intention affichée et le résultat, et je trouve ça extrêmement dommage.
Bilan mitigé. Pas convaincu par le mode de sélection, qui sent un peu la radinerie ou le manque de moyens pour aller chercher des textes réellement percutant autour du thème choisi ; voire pire, un trio éditorial un brin aux fraises au moment de boucler le projet. Je ne comprends simplement pas comment, quand on prétend défendre un genre qu’on aime tant, on peut trouver pertinent de restreindre à ce point la période et la provenance des textes pour en exclure des auteurices pouvant faire partie du public ciblé par une anthologie telle que celle-là. Et je refuse de croire qu’entre 1930 et 1974, des auteurices français·e·s n’avaient pas produit au moins une petite dizaine de textes autour du thème de la mutation qui auraient pu s’inscrire dans l’ambition du projet, et dont quelques uns auraient été meilleurs que Le Patient ou Projet.
Heureusement que dans ce marasme on trouve des textes absolument brillants pour justifier a minima du bien-fondé de la collection dans son ensemble. Et égoïstement, ça me permet d’ajuster mes attentes pour mes futures explorations.
Au pire, grâce aux dictionnaires des auteurs inclus dans chaque occurrence, et de base en les lisant, j’apprendrai des trucs. Jamais perdu. Allez, on dit que c’est chouette quand même, ne serait-ce, encore une fois, que comme instantané historiographique. C’est une ressource précieuse malgré tout. Cool.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
