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Cuits à point, Elodie Serrano

MARK CHAPMAN – Måneskin (extrait de l’album RUSH!)

Bon alors là, franchement, je suis pas fier de moi du tout. Ça fait plus de deux ans que j’ai ce bouquin dans ma PàL, nanti d’une très jolie dédicace de la part de son autrice, pour qui j’ai beaucoup de sympathie. Sauf qu’en revenant des Imaginales, à l’époque, tout perdu dans le nombre de mes acquisitions, j’ai un peu repoussé ma lecture. Puis je l’ai repoussée de nouveau quand au hasard de mes pérégrinations, j’ai croisé quelques avis très négatifs auquel j’ai porté une trop grande attention, certains insistant sur la très mauvaise qualité des dialogues dans le roman. Or, les dialogues, j’avoue, c’est quelque chose auquel je suis très attentif dans mes lectures ; et comme l’autrice m’est sympathique, je n’avais pas envie de devoir dire du mal de son travail. Et donc, j’ai criminellement repoussé ma lecture, encore et encore, repensant toujours à ces damnés dialogues et leur mauvaise réputation, me sentant de plus en plus mal à l’idée que je ne passerais sans doute lâchement jamais le cap. Et puis est arrivé ce qui est arrivé. Et je me suis dit que mince, j’avais trop laissé traîné.
Et résultat des courses, je me sens bien couillon. Parce que je n’ai absolument aucun reproche à faire aux dialogues d’Élodie Serrano. Je n’ai pas non plus que des compliments à lui formuler, malheureusement, mais le fait est que j’aurais pu et dû lire ce bouquin beaucoup plus tôt ; parce que dans l’ensemble, j’ai passé un bon moment.

Anna est une jeune veuve italienne, travaillant aux côtés de son associé, Gauthier, noble français, en tant que démystificateurs professionnels. Parcourant la France pour étudier des phénomènes paranormaux et y apporter une solution, iels sont exceptionnellement appellé·e·s par la chambre des Lords britannique afin d’apporter leur concours à une mystérieuse affaire semblant d’une importance capitale. Une fois sur place, iels comprennent très vite que la capitale Londonienne est soumise depuis quelques temps à une inquiétante et localisée vague de chaleur. En équipe avec Anton, local de l’étape, nettement plus porté sur les explications surnaturelles que le duo, il va falloir faire vite pour comprendre ce qui se passe et éviter le pire.

Alors mon avis sera globalement scindé en deux parties distinctes : ce qui va et ce qui va moins. Basiquement, histoire d’être clair ; je trouve que les intentions sont excellentes, et l’exécution pas vraiment à la hauteur. Heureusement pour moi, arrivé à la fin, en dépit de constats un peu malheureux mais somme toute objectifs, c’est la subjectivité qui l’emporte pour me faire dire que j’ai effectivement passé un moment de lecture divertissant et agréable. Je vais donc commencer par là.
D’abord, je dois dire que le concept de base est cool : la jeune femme libre dans sa vie et dans sa tête, uniquement tirée en arrière par une société et des comparses masculins moins en avance qu’elle sur son temps, c’est toujours un plaisir à lire pour mon côté féministe. Par dessus, on a un embryon de réflexion pas con du tout sur la division classiste entre la magie et la mécanique, selon qu’on est riche ou pauvre, certes pas assez exploitée à mes yeux, mais n’empêche que c’est là, donc ça se salue. Et puis tout le long du récit, pas mal de petites fulgurances dans les dialogues, justement, de bons moments d’échanges espiègles, de représentation progressiste de bon aloi, de quoi se nourrir en parallèle d’une intrigue classique mais assez solide ; le rythme aidant à suivre efficacement les fils de l’enquête menée par notre petite équipe. Ça se tient et c’est sympathique, en somme.

Sauf que, comme je l’ai sans subtilité aucune laissé entendre auparavant, malheureusement, à mes yeux, ce n’est pas un sans faute pour autant. D’abord, on a un côté un peu trop programmatique dans la construction et l’écriture qui m’a empêché de complètement me laisser aller. Tout à vouloir ne pas se prendre les pieds dans le tapis au moment de révéler les pivots de son intrigue ou de ses messages, disons, politiques, Élodie Serrano se regarde peut-être un peu trop les pieds pour nous permettre d’être réellement pris par surprise. À force de vouloir rendre les choses claires et cohérentes, l’autrice nous donne, je trouve, un peu trop d’indices appuyés, comme elle met parfois un peu trop l’emphase dans la narration sur ce qui aurait dû transparaître dans les dialogues et les événements mêmes. Du coup, j’ai parfois un peu soufflé – intérieurement, c’était pas si méchant que ça non plus – à la lecture de certaines réflexions tenant de la lapalissade à l’aune de ce qui avait déjà été dit ou montré, comme j’ai malheureusement complètement cramé certains développements à venir à la simple évocation d’hypothèses ou d’idées balancées avec une légèreté manquant de subtilité.

Et donc l’un dans l’autre, si les idées de départ sont indubitablement ma came, leur réalisation manquait un peu trop de densité et de volume pour pleinement me satisfaire. Après une mise en place d’école extrêmement agréable, j’ai assisté avec plaisir mais sans enthousiasme débordant au reste du récit, notamment après le pivot central du récit laissant place à un rythme un peu trop effréné pour mon goût. J’oserais presque dire que ça manquait d’ambition, finalement, n’exploitant que chichement les meilleures idées du récit pour se concentrer sur ses aspects les plus convenus. Et si je suis partisan de l’idée que le plus important pour qu’un récit fonctionne, c’est bien que son auteurice s’éclate à l’écrire – et que ça se sente – il faut bien admettre que l’évident plaisir d’Élodie Serrano à nous livrer ses kiffs littéraires n’a pas complètement suffi à m’empêcher de me faire ressentir une certaine forme de frustration. J’aurais aimé plus de complexité dans les enjeux au delà de leurs simples évocations premières pour ensuite se concentrer sur l’action et la résolution des gros fils de l’intrigue.

Donc voilà : indéniablement sympathique, mais insuffisant pour mes attentes. Je crois qu’on est dans le cas typique d’un récit qui ne s’adressait pas réellement au moi d’aujourd’hui, mais à celui d’il y a une dizaine d’années en arrière au moins, pas encore rompu comme je le suis désormais à certaines des arcanes du récit d’imaginaire. Trop en recherche de l’élément qui me surprendra, trop habitué à détecter les fusils de Tchekov et autres données structurelles indispensables à la bonne tenue d’un texte, je n’ai jamais été bousculé. par un texte peut-être un peu trop resserré à mon goût. J’en aurais bien pris un peu plus histoire de creuser et nuancer des caractères prometteurs mais encore un peu trop unidimensionnels à l’aune du présent récit, tout comme les ramifications induites par ses concepts centraux.
Je me fais vieux, je deviens de plus en plus difficile. Dire que j’aurais sans doute été beaucoup plus positif si je n’avais pas tant traîné. Je ne peux m’en vouloir qu’à moi-même, j’imagine.
À charge de revanche, on va se dire.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

One comment on “Cuits à point, Elodie Serrano

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