
Welcome to Hell – Mono Inc. (extrait de l’album Welcome to Hell)
Il était évident qu’après le formidable Temps des Retrouvailles, je relirais un jour du Robert Sheckley. Il n’aura fallu que le joyeux hasard d’un déménagement/tri de vieux bouquins pour que je mette la main sur un exemplaire d’un ouvrage de l’auteur, avec empressement, enthousiasme et curiosité. Et comme c’était plus une novella qu’un roman, et que j’aime beaucoup le travail de cet auteur, c’est allé très vite.
Here we are, donc. Et décidemment, j’enchaine les très bons choix, ces derniers temps, puisque c’était franchement très bon.
Le truc qui me sidère, avec Robert Sheckley, c’est à quel point il ne paie pas forcément de mine. À cet égard, mon souvenir du recueil de nouvelles cité précédemment s’aligne parfaitement avec ma découverte du jour : on part d’un concept très simple, voire éculé, avec le recul des années, mais son exploitation est si singulière et habile qu’on en vient à oublier nos doutes à une vitesse impressionnante. Ici, on part très vite sur des bases confortables : un amnésique qui se réveille seul dans une petite pièce, base solide. Puis on apprend aussi vite que c’est un prisonnier sur une planète-bagne régie par ses propres prisonniers, sans aucune possibilité d’évasion, base solide. Sauf qu’aussi vite, Robert Sheckley renverse complètement la table en poussant tous ses potards à fond. Et dès qu’on pense être dans une position de compréhension claire, il en rajoute encore une couche, puis encore une autre, et encore une autre, alliant une forme d’absurde à une intrigue vraiment prenante, parce que sans cesse surprenante. Jusqu’à une conclusion assez sensationnelle.
Et s’il ne s’agissait que de raconter une histoire un peu amusante parce que complètement et évidemment caricaturale, mais non, bien sûr, sinon je ne serais pas aussi joyeux dans ma recension. Le truc avec Sheckley, et dont je n’ai pas encore cerné les tenants et aboutissants mécaniques complets faute d’une base de travail suffisante, c’est qu’il arrive à trouver le ton juste pour faire comprendre que ses bêtises vont bien plus loin que le ricanement de surface. Alors en l’occurrence, l’ambition satirique se dévoile particulièrement dans le dernier tiers du bouquin – celui qui est honteusement spoilé par le scandaleux résumé éditeur – mais on sent déjà les atours les plus réflexifs du récit dès le départ, au détour de quelques dialogues et passages narratifs savoureux d’acuité. Et exactement comme la première fois que je l’ai lu, je suis scié de la modernité et de la lucidité d’une bonne partie de ce que cet auteur avait à dire. Alors évidemment, ça ne veut pas dire qu’Omega est une sommité de progressisme et d’inclusivité, mais il est toujours extrêmement plaisant de lire des bouquins ayant 60 piges ne pas faire leur âge ; ça fait des économies de dentiste de ne pas grincer des dents toutes les trois pages.
Sincèrement, j’en aurais pris un peu plus, l’exploitation du vrai concept central d’Omega avait largement de quoi faire pour quelques dizaines pages de plus avec la verve de Robert Sheckley ; la relative précipitation de certains éléments de l’intrigue est sans doute le seul reproche que j’aurais à formuler à ce texte. Mais comme toujours, puisque cette frustration naît de mon contentement par ailleurs, je n’ai pas vraiment à me plaindre. Cette novella est un excellent texte confirmant mon appréciation de son auteur.
C’est malin, clairvoyant et percutant, et ce en dépit des années. C’est donc doublement balaise quand ça tape juste ; il s’avère précisément que je trouve que ça tape très souvent juste. Robert Sheckley est un auteur qui mérite d’être redécouvert à plus d’un titre.
Hâte de pouvoir fouiller encore plus, à l’occasion.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
