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Univers 06 – Septembre 1976

Je suis pas responsable de cette couverture, mais mes excuses quand même.
C’était une autre époque.

Ma lecture récente d’un exemplaire d’Omega de Robert Sheckley m’en soit témoin, j’ai toujours un faible pour l’exploration d’artefacts d’un temps passé des littératures de l’imaginaire. Si mes goûts me portent plus régulièrement à ressentir de vrais coups de cœurs pérennes pour des ouvrages récents, il m’apparaît aussi important, voire essentiel de continuer à m’intéresser à ceux et celles qui ont pavé la voie, fut-ce avec succès ou non ; impossible de savoir où on va – et surtout comment on y va – sans savoir un minimum d’où on est parti.
Alors voilà, j’ai pu récupérer quelques numéros d’Univers, qui me semble avoir été une aventure éditoriale singulière, ce que j’ai envie d’appeler, avec mon approche complètement profane et non renseignée du projet, une revue de poche. Parce que j’ai la flemme de faire des vraies recherches.
Et des trois numéros en ma possession, c’est cette sixième itération que j’ai eu envie de découvrir en premier, principalement parce qu’il y avait le nom de James Tiptree Jr. sur la couverture, et qu’un certain Houston, Houston, me recevez-vous ? m’a retourné le cerveau il y a quelques mois. Et à côté de ça, on avait du Van Vogt et du Pierre Pelot, des noms familiers mais pas encore lus pour de vrai, de quoi me mouiller la nuque avant de potentiellement m’intéresser à leurs exemplaires rescapés dans ma PàL.
Voilà, ça c’est pour le contexte : maintenant, parce qu’il parait que c’est mon fond de commerce, qu’en est-il des textes ?
Comme dirait l’autre ; y a à boire et à manger. Logique, puisqu’il y a un certain nombre d’auteurices au sommaire, et autant de propositions science-fictives, suggérant autant de styles, de thématiques, de qualités et de défauts. Et puisque je suis foncièrement généreux, dans mon genre, je m’en vais vous parler de tout ça par le menu.

Votre coeur haploïde, James Tiptree Jr.
On attaque d’entrée par la meilleure nouvelle de ce numéro, contrairement à ce que le quatrième de couverture annonçait, promettant celle d’A.E. Van Vogt en ouverture. Pas une précision importante, mais trop amusante à mes yeux pour passer outre.
Un texte exigeant, je dirais. Une introduction assez longue semblant faire pas mal de circonvolutions pour réussir à parfaitement introduire son propos et son univers, mais la curiosité s’installe doucement et sûrement alors qu’on saisit finalement les potentielles implications des règles que pose la narration. Puis sous des couverts d’une hard sf un poil touffue, on en arrive à comprendre le concept central inventé par James Tiptree Jr, et là, il faut bien admettre que c’est assez brillant. C’est tout de même imparfait, la faute à un traitement qui a un peu vieilli à mes yeux ; je subodore qu’un·e auteurice contemporain·e aurait pu se saisir de ce récit exact pour pouvoir le raconter d’un point de vue complètement différent et en extraire la substantifique moëlle avec plus de finesse. Mais il n’empêche qu’à l’image de l’autre texte signé par Tiptree que j’ai eu la chance de lire, il y a là une maîtrise intellectuelle et une audace singulière que je ne peux que saluer avec humilité ; ce n’est pas rien d’avoir une telle idée et de réussir à la raconter avec le minimum essentiel de clarté, sans oublier des implications politiques très malines.

Le dernier spectre, Stephen Goldin
Une nouvelle très courte et aux implications assez évidentes, dont je n’aurais forcément pas grand chose à dire, de fait.
C’est très mélancolique, pour ne pas dire triste à faire pleurer les pierres, mais c’est surtout extrêmement élégant et pudique, et c’est suffisamment maîtrisé pour ne pas verser dans la caricature de son idée centrale. Pouce en l’air et sourire amer.

Les planificateurs, Kate Wilhelm
Je ne saurais trop dire. La patine science-fictive est ici très légère, et plus prétexte à un portrait d’homme scientifique jouant volontiers sur des teintes de gris tirant sur le sombre. J’aurais plutôt tendance à classer cette nouvelle dans la catégorie des expérimentations formelles, passant par le prisme de son protagoniste pour jouer avec les perceptions de son lectorat, et ainsi le perdre dans les méandres d’une psyché torturée. Je ne suis pas certain d’avoir compris l’exacte ambition du texte, mais je ne suis pas sûr de pouvoir le blâmer directement. C’est probablement la nouvelle dont je dirais le plus volontiers qu’elle a souffert d’une traduction datée ou difficile ; j’aimerais croire que quelque chose s’y est perdu. Trop abscons pour être qualifié de décevant.

Agéisme, Walter L. Fisher
Une nouvelle plus humoristique qu’autre chose, jouant assez habilement avec un concept de base complètement stupide, travaillant à rebours pour la justifier et ainsi lui permettre d’exister et d’exploiter à fond toutes les blagues qui peuvent en découler. C’est assez inoffensif et ça marche vraiment bien pour ce que ça essaie de faire. J’ai pouffé deux ou trois fois et j’ai fini avec le sourire, donc je dirais mission accomplie.

Pionniers, Pierre Pelot
Encore un récit assez mélancolique, dans la tendance crépusculaire douce-amère, qui fonctionne assez bien, même si de par son choix de cadrage, elle n’exprime peut-être pas assez de choses pour que je sois pleinement convaincu. Et en même temps, ce choix lui-même est vraiment intéressant et me semble aller chercher dans une niche assez rare en science-fiction, m’évoquant assez volontiers certains récits d’imaginaire timide qu’on peut aujourd’hui trouver dans des collections marketées en dehors des circuits traditionnels ; en blanche, donc. Moi qui était assez curieux de lire d’autres textes de Pierre Pelot avant de lire cette nouvelle, je le suis un peu plus encore après cette découverte. Très satisfaisant, donc.

Tout ce que nous avons sur cette planète, A.E. Van Vogt
Une nouvelle entièrement construite autour d’une seule idée, ressemblant à ces étranges fulgurances observatrices qui nous attrapent parfois au pire moment en nous plongeant dans une histoire. Avec en plus une mise en abyme pas forcément très subtile où Van Vogt semble se mettre lui-même en scène, partageant avec nous cette observation, pour ensuite la mettre en pratique dans son récit. Ce qui donne une blague un peu trop longue et un texte assez bancal à mes yeux. Ce qui est dommage, puisque ça partait tout de même d’un concept pas trop couillon. Pour le coup, assez décevant, parce que clairement superficiel et trop confi d’une satisfaction me semblant imméritée.

Effet secondaire, Pg Wyal
Seule nouvelle de ce numéro que j’ai abandonnée, sans vergogne, alors qu’il ne me restait 10 pages à lire. Ça part comme un récit assez enlevé et amusant autour d’un concept purement pulp ; avec juste assez de décomplexion pour rendre compte du niveau d’ambition recherché, mais assez de sérieux dans l’exécution pour éviter au récit de paraître feignant ou gratuitement vulgaire. Sauf qu’après une saillie homophobe très datée, puis plusieurs réflexions antisémites du protagonistes et un usage très libéral du n-word dans la narration et un récit qui part complètement en vrille, le tout enrobé d’une nonchalance terrible faisant assez cruellement douter des accointances de l’auteur ; ou tout du moins d’un manque d’efforts de sa part pour clairement montrer ce qu’il en pensait, j’ai préféré couper court. Je ne me considère pas comme particulièrement pudibond, mais j’ai des limites à la quantité d’émail que je suis prêt à sacrifier à mes grincements de dents.

Sepuku sepuku sepuku, Daniel Walther
Un texte assez singulier, et un ressenti très mitigé pour aller avec. D’un côté, on a une ambiance d’apocalypse très réussie, une mise en place conceptuelle et formelle super efficace, pour un récit assez intemporel dans sa résignation et son abattement. De l’autre, on a des références sexuelles complètement hypertrophiées, déplacées et datées, qui gâchent clairement le tableau et font perdre son focus au texte.
Et c’est très dommage, parce que conceptuellement parlant, en dépit du côté très déprimant et écho moderne d’une actualité que je ne m’attendais pas à retrouver dans un recueil datant de septembre 1976, il y avait un truc assez fascinant à exploiter, là-dedans. Même si c’est sans doute ma faiblesse pour les récits polyphoniques qui parle plus qu’autre chose, je crois sincèrement que Daniel Walther tenait sérieusement quelque chose, avec ce texte. Déçu, mais pas trop, donc.

Et voilà. J’aurais pu parler de l’amusant édito de Jaques Sadoul faisant un état des lieux assez ironique de la science-fiction littéraire à l’époque de sa rédaction, compte-tenu de son état actuel. Comme j’aurais sans doute dû aller fouiller l’interview de Robert Sheckley à la fin du volume, ou encore l’enquête des membres de la revue sur la science-fiction à l’école française.
Mais encore une fois, ma faiblesse quant à mon rapport à ma passion et à ce blog demeure : les textes, et rien que les textes.
Et de ce point de vue là, franchement, je suis content. Certes, tout n’a pas été absolument une joie à lire, et je ne peux prétendre qu’à une satisfaction incomplète à l’aune du numéro entier. Mais n’empêche que tout ce qui est lu n’est plus à lire, et j’ai découvert des choses super intéressantes, là-dedans. Et rendu ici dans cette chronique, je me dis que j’ai peut-être raté quelques occasions d’en écrire d’autres du même genre. Il m’aura fallu retrouver par hasard une vieille revue de poche pour susciter une nouvelle mini-vocation en moi et nourrir de nouvelles envies de découvertes.
On est quand même peu de choses, décidemment.
Mais bref. Je ne vais plus chercher que du Jimmy Guieu chez mes bouquinistes : je vais me mettre en quête d’autres numéros d’Univers pour compléter ma collection. C’est cool, non ?
Moi, j’trouve que c’est cool.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “Univers 06 – Septembre 1976

  1. tampopo24 dit :

    Merci pour cette découverte d’archéologie littéraire. Je ne sais pas si je saurais être aussi aventureuse que toi mais rien que pour la couverture ça valait le coup que tu nous le présentes ! xD

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Toujours prêt à me sacrifier pour l’équipe. ❤

      Aimé par 1 personne

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