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Le Voyageur en Noir, John Brunner

Blacked Out – Elle King (extrait de l’album Come Get Your Wife)

Voilà que la série de SP signés Mnémos de ce début d’année touche à sa fin. Et clairement, des trois, c’était celui qui nous intéresse aujourd’hui qui m’a le plus fait de l’œil. Au delà du nom de son auteur, sanctifié à plusieurs reprises dans les lignes de ce blog, c’était avant tout le fait de voir ce titre marketé comme sa seule incursion en fantasy qui m’a rendu particulièrement curieux. Parce que bon, si je crois dur comme fer que la fantasy et la science-fiction ne sont que deux points plus ou moins éloignés d’un gradient commun en fonction de l’échelle avec laquelle on raconte les choses ; le fait est que ça ne s’écrit pas du tout de la même manière, et que ça demande des qualités complètement différentes pour être écrit correctement.
Donc, si je n’ai absolument aucun doute sur le talent de John Brunner et que cela ne changera probablement jamais, la question était donc : est il aussi doué et percutant pour écrire de la fantasy qu’il l’était pour sa science-fiction ?
Et la réponse est : euh…

Compliqué. Parce qu’il faut bien dire que j’ai eu du mal, avec ce bouquin. Pour le dire de façon un poil abrupte ; c’est un peu le bordel. Que ce soit conceptuellement, narrativement ou thématiquement, en dépit de toute l’attention que j’ai pu porter à son ouvrage, je suis un peu perdu au moment d’affirmer si j’ai bel et bien compris l’intention qui était celle de Brunner au moment d’écrire cette histoire. Même génériquement, j’aurais du mal à complètement ranger Le Voyageur en noir dans la fantasy pure et dure, le faisant plus volontiers glisser du côté de la fable ou du merveilleux. En tout cas je ne trouverais pas ça illogique, au vu du déroulé de ce patchwork de scènes et saynètes, fix-up frénétique, constitué d’autant de leçons de morales à peine déguisées ; où des gens peu recommandables se voient infliger des punitions karmiques par le personnage-titre, envoyé plénipotentiaire d’une mission cryptique au service d’on ne sait trop qui. Sorte de mauvais génie désabusé mais professionnel, notre protagoniste exauce les vœux des gens qu’il croise au fil de ses pérégrinations aléatoires, toujours d’une manière à mettre en lumière leurs pires défauts d’une façon aussi cruelle et dramatique que possible, sans qu’on soit jamais sûr qu’il en soit directement responsable.

D’un côté, donc, on a une succession assez réjouissante de mini-contes narquois et mordants illustrant les aspects les plus médiocres de l’espèce humaine, avec un karma punitif systématique choisissant vraiment bien ses cibles : c’est cool. Mais de l’autre, et bien, précisément, on a un peu que ça à se mettre sous la dent, ce que je ne peux pas m’empêcher de trouver frustrant. Alors bon, une fois qu’on a fait la paix avec l’absence de réelle intrigue, ou du moins d’un fil solide et facile à suivre, on peut je pense complètement trouver son compte à simplement suivre les aventures un peu foutraque de ce mystérieux voyageur en noir tout-puissant mais fatigué de sa charge ; le problème pour moi, c’est que le choix de refus d’un réel narratif par John Brunner rend l’ensemble assez difficile à parcourir. La multiplication des chapitres très courts et des toutes petites histoires avec plein de personnages et de situations, ç’a tendance à vite me fatiguer le cerveau ; il me faut des choses claires et durables sur lesquelles poser mon attention pour réussir à me concentrer sans trop m’épuiser.

Alors heureusement, quand même, le talent de John Brunner ne se dément pas non plus, à mes yeux ; certains de ses choix ne sont juste pas les plus aisés pour moi, mais l’essentiel demeure. Ce Voyageur en noir n’est pas qu’une longue suite de règlements de comptes un brin cyniques et cathartiques ; c’est aussi, je crois, une gigantesque allégorie, nourrissant d’ailleurs mon sentiment que ce roman s’intègre plus aisément au genre de la fable qu’à celui de la fantasy. Et c’est à mettre à son crédit, puisqu’en le prenant ainsi, la plupart des décisions prises par l’auteur font bien plus sens et le dédouanent de certains manquements impardonnables dans le cadre d’un récit de fantasy. Dès lors qu’on prend cette histoire toute entière pour une métaphore géante de la condition humaine sous la coupe de ses représentants les plus médiocres et abjects rangés sous l’étendard du « chaos », alors on peut complètement se moquer de sa magie aux règles vaporeuses, de sa chronologie absconse ou de ses personnages fonctions interchangeables. Comme qui dirait : it’s not a bug, it’s a feature. Alors certes, ça ne rend pas le bouquin plus facile à parcourir pour un esprit comme moi, qui aime beaucoup trop le principe de maintien de certaines unités dans ses récits de fiction, mais au moins, ça donne du sens à l’ensemble, et ça explique ce qui pouvait sembler bizarre.

À l’arrivée, ça nous donne un petit roman assez réjouissant. Certes, je n’ai pas ressenti la même puissance littéraire et intellectuelle que dans Tous à Zanzibar ou La Ville est un échiquier, ni même un plaisir similaire ; mais c’est le prix à payer pour l’audace un peu punk de l’auteur qui a clairement tenté quelque chose dans ce Voyageur en noir. Je pense que c’est à mettre à son crédit ; j’ai plus été déstabilisé, mis en difficulté, d’une certaine manière, que déçu ou dégoûté. J’ai souri plus d’une fois, et je n’ai cessé de me débattre avec des sentiments semblant contradictoires au fil de ma lecture, ce qui est, je pense, le signe d’un travail au moins partiellement réussi : quand je n’aime pas, je n’ai pas de doutes. Tous les choix de John Brunner dans ce roman ne m’ont pas plus, mais il a vraiment fait des choix ; et ça, ça me plait.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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