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Fiction n°202 – Octobre 1970

Je décline toute responsabilité.

J’ai essayé de lire des trucs, ça n’a pas marché, parce que ça ne marchait pas. Et comme dirait Bouddha, là où y a de la zen, y a pas de plaisir. Or, le plaisir, c’est important.
Donc, parce qu’apparemment, en ce moment c’est à peu de choses prêt mon seul plaisir à peu près garanti : Fiction. Et mon petit projet de lire Les sables de Falun de Philippe Curval en enchaînant les numéros 202/203/204, même j’ai déjà lu le numéro 203, mais osef, on fait comme on peut, c’est pour la science et la littérature. Voilà.
Et comme faire sobre et efficace en introduction c’est aussi mon plaisir, je vous propose qu’on enchaîne.
T’façon si vous êtes pas d’accord c’est la même chose. Je suis quand même chez moi ici, flûtre.
Lezzgo.

Un jouet pour Juliette, Robert Bloch
On a connu meilleurs départs. La définition du « meh ». Le concept central n’est pas inintéressant – voire prometteur – mais son traitement suinte tellement le voyeurisme pompier qu’il est très difficile de se prendre au jeu ; d’autant moins que le texte s’articule autour de deux twists. Or, le premier est immédiatement évident, et pas spécialement ma came, surtout traité comme il l’est ici. Quant au second, j’aurais sincèrement pu l’apprécier pour sa valeur de complet retournement et son usage d’une certaine ironie dramatique ; mais l’auteur est tellement crispé à l’idée de ne pas être compris qu’il surverbalise l’évidence et ruine lui-même son effet. C’est couillon. Plus un problème de cadrage et d’exécution qu’autre chose : ç’aurait pu être rigolo, dans le genre un peu glauque à rire nerveux, c’est juste vaguement gênant.
SAUF QUE :

Le rôdeur dans la Cité à la lisière du monde, Harlan Ellison
Comme expliqué dans le préambule à cette nouvelle et à celle qui la précède ; ce texte ci fait officiellement suite au texte d’avant, ce dernier ayant été commandé par l’auteur de celui-ci pour sa propre revue, qui a ensuite estimé qu’il y avait plus à faire avec que ce qui lui avait été initialement proposé. Nonobstant le jugement que je pourrais porter à ce second texte, je dois quand même dire que l’anecdote est trop cool, et que le fait d’avoir ici deux nouvelles qui se font suite, mais d’une façon aussi spontanée, c’est quand même assez formidable. J’adore ce genre de démarche. Mais le texte, lui ?
Eh bah c’est pas si mal. En comparaison avec le premier, et intrinsèquement. Certes, je ne peux pas affirmer être particulièrement fan du côté ponctuellement gore et spectaculaire, mais ici, le cadrage comme le ton et l’intention me paraissent bien plus clair·e·s et surtout, maîtrisé·e·s. Du coup, on a un texte qui verse dans une sorte d’étude clinique de l’amoralité, explorant des thématiques assez rares dans mes horizons habituels. Quelques audaces qui m’ont fait frissonner pour les mauvaises raisons, d’autres qui m’ont intrigué, encore d’autres qui m’ont agréablement mis en porte-à-faux… Je ne peux pas dire que j’ai été absolument enthousiasmé par cette nouvelle, mais il s’est indubitablement passé quelque chose. Il y avait de toute évidence bel et bien quelque chose de plus à aller chercher au delà de la nouvelle originale.
C’est pour ce genre de découverte vraiment atypique que je m’acharne avec ces vieilles revues.

Long-Crocs, Edgar Pangborn
Avec un titre pareil, il est assez aisé pour n’importe qui d’un minimum habitué à l’Imaginaire de deviner de quoi il peut être question ici. Oui et non. Oui, parce que c’est exactement ce que vous pensez, et non, parce que finalement, c’est assez différent quand même. J’ai beaucoup aimé ce texte, parce qu’il a énormément de personnalité, en plus de l’ambition claire de tracer son propre sillon au travers d’un terrain déjà beaucoup labouré. J’ai particulièrement aimé le fait que l’auteur décide très tôt d’un ton et d’une ambiance bien à lui, et parvient à s’y tenir tout du long, tout en jouant assez habilement avec son atmosphère et les attentes narratives qu’il peut susciter. Si on ajoute à ça une certaine élégance dans l’expression et un sens de la formule extrêmement efficace, on arrive à quelque chose d’assez délicieusement singulier. Une sorte d’histoire fantastique old school mais sans cette espèce de naïveté des débuts dans la narration ou la structure que j’ai pu croiser parfois, qui ne savait pas vraiment aller au delà de la simple exposition du concept central. Très bonne surprise.

Les sables de Falun – Première partie, Philippe Curval
C’est vraiment particulier pour moi de lire un récit découpé en plusieurs morceaux ; ne supportant de pouvoir consacrer mon attention pleine et entière qu’à un récit à la fois, sachant donc que je vais devoir mettre ma connaissance de cette histoire précise de côté le temps de lire la fin de ce numéro pour attendre la deuxième partie, puis de faire pareil pour la troisième… J’en viendrais presque à questionner ma propre publication en feuilletons il y a quelques années, c’est à la limite du supportable pour ma routine de lecture. Mais bref, on est pas là pour parler de moi, qu’est-c’est-y-qu’elle-vaut, cette première partie ? Euuuuh…
Bon. Evacuons le truc potentiellement gênant direct. Je suis pas fan de Dune, du tout. M’enfin je connais suffisamment le bouzin pour quand même remarquer des similarités assez ahurissantes entre les prémices du roman qui nous concerne ici et l’œuvre de Frank Herbert. Notez bien qu’au vu des dates de parutions assez proches en France des deux récits, je me garderais bien de formuler la moindre accusation gratuite et dénuée de fondements solides ; mais quand même. La planète colonisée par un empire galactique assez clairement corrompu et violent pour sa ressource endémique extrêmement précieuse, aux propriétés mystérieuses, l’anti-héros désigné un peu arbitrairement comme sauveur du peuple local et de sa propre communauté par une sorte de prophétie autochtone non moins mystérieuse, le ton à la fois pragmatique et mystique : il y a comme qui dirait, a minima, une intervention notable de la noosphère. Fort heureusement, en dehors de ce point de départ troublant, honnêtement, on part assez vite, il me semble, sur autre chose ; c’était juste trop gros et trop rigolo pour pas que je le note ou le dise.
Et donc… Bah c’est intriguant. Je ne jurerais de rien, à ce stade, après 4 chapitres. Le coup de la prophétie et du destin découlant de visions déterminantes/déterministes du futur, c’est pas le motif que je préfère, surtout traité comme le fait ici Philippe Curval, mais entre le (relatif) cliff-hanger de fin de quatrième chapitre et l’écriture de son héros, au moins on évite l’écueil de la totale certitude du happy end et de l’invincibilité du protagoniste. En tout cas, là où j’en suis, je suis réellement intrigué de savoir ce qui va pouvoir lui arriver et où tout ça va mener ; les probabilités d’une excellente surprise ou d’un foirage complet à la sauce ringarde sont équivalentes à mes yeux, avec tout ce qui peut se glisser entre les deux.
Demeure que c’est relativement bien rythmé et que l’ambiance est vraiment pas mal, notamment grâce à un world-building plutôt cool, remis dans le contexte de 1970. Je pense que si je devais lire un monde comme celui-là écrit aujourd’hui, je trouverais ça trop convenu, mais compte tenu de l’époque et du décalage, j’oserais même dire qu’il y a des petites trouvailles plutôt sympas. Rien d’absolument renversant, mais l’ensemble est suffisamment travaillé pour que je sente une certaine ardeur provenant de l’auteur. Je me garde des billes pour la deuxième partie. Restons en là : c’est pas dingo, mais y a de la place pour être vraiment cool. J’ai envie d’être optimiste.

Les Pléiades, Otis Kidwell Burger
Pas de résumé thématique en exergue de ce texte, et pour cause, en parler trop en détail aurait été risquer de salement gâcher son effet. Si je peux personnellement regretter un style très pompeux au service d’une bien trop longue et cryptique – pour ne pas dire bordélique – introduction, ainsi qu’un point de vue sur la question qu’il évoque avec lequel j’ai du mal à adhérer, ce texte réussit quand même majoritairement son pari, avec une semi chute assez efficace, au moins en terme d’effet. J’ai été pris par surprise, et je trouve que cette surprise a un peu de style, d’autant qu’à son aune, je comprends et pardonne partiellement ce début de texte un peu poussif ; la dilution, si pas forcément aussi réussie que possible, a au moins du sens. Pas trop mal, tout considéré.

Comment mater un chômeur, Barry N. Malzberg
Deuxième rencontre avec l’auteur depuis mon abandon de sa Destruction du Temple ; il ne partait clairement pas gagnant, au vu des raisons de ce dernier.
Et le résultat est clairement en sa faveur, cette fois. Bon, le texte est particulièrement déprimant, parce qu’avec ce titre, hein, sans surprise, on allait pas faire dans le joyeux petit texte acidulé ; on est clairement dans de la satire d’anticipation féroce. Le truc, c’est que franchement, si le côté satirique est demeuré assez clair, le reste est juste trop réaliste et pertinent pour ne pas éveiller des échos tristes et rageurs chez quiconque a vécu le chômage dans un pays qui exerce un contrôle du même genre que celui dépeint par l’auteur dans ce court récit. Autant, quand la SF voit juste sur des choses bénignes ou ambivalentes, c’est passionnant et éventuellement rigolo, autant quand elle fait œuvre d’avertissement angoissé et qu’on se rend compte qu’elle a mis dans le mille avec 50 ans de décalage, ça met une boule en travers de la gorge.

Et maintenant, attention, petit changement de braquet, on attaque une chronique littéraire titrée Un marabout bien planté, signée Jean-Pierre Andrevon, où il s’attaque au travail en littératures de l’Imaginaire des éditions Marabout. Après une petite revue assez équilibrée du travail éditorial et de maquette de la maison, il nous offre un petit florilège critique de leurs publications les plus récentes.
Et c’était assez passionnant. D’abord parce qu’évidemment, la plume de l’auteur est un délice d’érudition et de préciosité sous contrôle ; si Jean-Pierre Andrevon laisse parfois échapper une petite pique ou un avis que je pourrais considérer comme un brin hautain, il fait pour l’essentiel preuve d’une retenue que je trouve très élégante dans ses critiques. Malheureusement, de ses chroniques excessivement bien articulées, je ne retiens vraiment que vaguement La guerre des mouches de Jacques Spitz, dont il fait un maître à Barjavel ; ce qui, j’avoue, me rend un peu curieux. Je regretterais personnellement une certaine tendance à un dévoilement trop généreux des intrigues des récits les plus longs dont Andrevon parle, me gâchant par anticipation une trop grosse partie de leurs intrigues, mais ce n’est fondamentalement pas grand chose. Le plus regrettable est sans doute le fait qu’au travers du travail critique d’Andrevon, je comprenne pourquoi les éditions Marabout n’ont pas laissé une trace mémorable dans les littératures de l’Imaginaire français.
Mais pour en revenir au positif, j’apprécie surtout la vision critique de cet auteur, assez alignée avec la mienne, équilibrant ses préférences personnelles avec des éléments plus objectifs selon son paradigme de l’époque, mais aussi et surtout les ambitions des textes qu’il traite. J’ai souvent été curieux des chroniques littéraires dans mes Fiction passés sans jamais passer le cap ; je pense que je vais faire l’effort à l’avenir. Je crois que je pourrais y repérer quelques titres intéressants qui, avec un peu de chance, pourraient me tomber entre les mains en occasion.

Et enfin, pour finir, même si c’est un peu de la triche, mais laissez moi tranquille c’est plus pratique, petit détour par le Fiction n°203 pour y récupérer la deuxième partie des Sables de Falun :
Et l’optimisme n’est plus vraiment de mise. J’en suis le premier navré, évidemment, mais c’est bien trop vite et trop violemment parti en cacahuètes pour que je puisse dire autre chose. Tous les enjeux initiaux ont été balayés au nom d’une fuite en avant mêlant action poussive et rebattage permanent des cartes, c’est assez frustrant. Pour tout dire, j’ai un peu l’impression que l’auteur s’est piégé lui-même avec une bonne partie de ses conditions littéraires de départ, et qu’il s’efforce tant bien que mal d’opérer une transition narrative et thématique radicale ; avec ce que ça suggère de changements foutraques et rapiéçages de l’intrigue au petit bonheur la chance. Ce deuxième tiers est rempli de raccourcis narratifs un peu foireux, de précisions superficielles donnant l’impression qu’il essaie de justifier les facilités qu’il prend sous des couverts diégétiques un peu malhonnêtes, parfois a posteriori, histoire de dire que « non mais ça va, ça fait sens, j’avais tout prévu faisez moi confiance », c’est très dommage. À l’image du changement complet de décor initié dans ce deuxième tiers, j’ai un peu eu l’impression de ne pas lire le même roman que dans le premier tiers ; je crains presque de lire le troisième, maintenant.
Mais je me suis lancé, c’est pas pour craquer maintenant. Fiction n°204, à nous deux !

Bref, toujours un plaisir. Un gros morceau, cette chronique, c’était cool. Je devrais aller un peu plus en profondeur comme ça un peu plus souvent. Ce que je vais faire avec le prochain numéro, parce que c’est la vie que j’ai choisie.
À très vite.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

One comment on “Fiction n°202 – Octobre 1970

  1. Avatar de Jean Pierre Frey Jean Pierre Frey dit :

    Tiens au fait jp andrevon sort aujourd hui son histoire dictionnaire de la sf française « un siècle de sf depuis 1920 » chez les Belles Lettres, je me régale toujours autant de vos visites en Fiction

    jeanpierre frey

    Aimé par 1 personne

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