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Fiction n°168 – Novembre 1967

Un petit Fiction. Parce que.

La grève des cigognes, Brian W. Aldiss
Après le numéro 115 et ce texte, je vais commencer à croire que Brian Aldiss n’était pas l’auteur le plus scrupuleux du monde. On part d’un concept un peu farfelu mais tout à fait sympathique : dans un monde de 2005 – ironie – surpeuplé et en proie à quantités de crises majeures, une femme enceinte de plus de 9 mois communique télépathiquement avec son enfant, qui refuse de venir au monde, tant que ce dernier ne s’est pas arrangé.
Mon gros problème avec ce texte, c’est qu’avec une telle mise en place, ne sait pas exactement quel ton adopter, on est à la fois dans la satire sociale, dans l’anticipation dystopique et dans la comédie de mœurs basse de plafond, sans qu’Aldiss n’arrive à aucun moment à vraiment se fixer sur un axe définitif. En résulte une nouvelle foutraque, pas très intéressante, flirtant assez régulièrement avec le malaise, la faute à un humour souvent essentialiste, moquant des traits problématiques qu’il était sans doute de bon ton d’attribuer aux deux genres traditionnels, mais qui aujourd’hui, passe franchement mal. En somme, ce texte me donne l’impression de n’être pas bien sérieux.

Elena bis, Vic Chapman
Alors je suis un poil embêté. La notule introductive de cette nouvelle indique que c’est le premier texte de son auteurice, et je serais incapable de læ genrer précisément (Même NooSFere ne peut pas m’aider, n’ayant que ce texte de référencé, et aucune info supplémentaire à m’offrir, c’est dire). Ce qui ne serait pas important du tout si le ton de cette nouvelle n’était pas, à mes yeux, imprégné d’une perspective… comment dire. Très consciente de certains traits sociologiques marqués du côté patriarcal de la force ? Mon instinct me soufflerait donc que Vic Chapman serait une femme, mais on pourrait tout aussi bien imputer les défauts qu’iel prête à ses personnages à une crainte du complexe de Dieu chez certains scientifiques trop zélés et peu concernés par la morale. Petite énigme à laquelle je ne pense pas pouvoir trouver de réponse de sitôt.
Mais l’important, c’est le texte, et le texte, il est bien. Assez malin dans sa structure, avec une contextualisation diégétique pour justifier de son agglomérat de lettres et d’entrées de journal, réussissant ainsi à contourner les contraintes narratives qui auraient pu l’amener à trop de rigidité dans son exposition. En tout cas, moi qui suis vraiment pénible avec ça, je trouve qu’ici, c’est assez fluide, et que ça reste relativement organique.
Et ça marche d’autant mieux que le fonds de l’affaire brille par sa sobriété et son efficacité. Il est question de deuil et d’hubris scientifique, avec un protagoniste trop obsédé par un souvenir pour se rendre compte que la vie lui offre une seconde chance, qui s’enferme dans une spirale infernale d’isolation et de paranoïa, dans un motif, certes tragique, mais qui sonne trop vrai et singulier pour tirer un jugement général déprimant sur la nature humaine. C’est juste une bonne histoire, affreuse, certes, mais une bonne histoire avant tout, racontée d’un point de vue lui permettant d’exprimer tout son potentiel, en creux, sans effets de manche contre-productifs. Si c’est le seul texte publié de Vic Chapman, je suis très triste qu’iel n’ait pas pu persévérer dans la voie littéraire.

Les Vitanuls, John Brunner
John Brunner, mon chouchou. Bon, c’est pas son meilleur texte, sincèrement ; il est un peu construit à l’envers. Mais ça reste du Brunner quand même, alors je vais même pas faire semblant de ne pas avoir aimé. Oui, c’est peut-être un poil occidentalo-centré à certains égards, et orientalisant à certains autres, avec ce récit d’un médecin de l’OMS qui se rend en Inde et y découvre la pratique d’un obstétricien local, au milieu de bouleversements sociaux importants, notamment l’invention d’une pilule anti-sénescence accessible à tou·te·s ou presque. Oui, y a comme un défaut de perspective. Mais il est plus certainement le résultat d’une malheureuse accumulation d’angles morts que d’une mauvaise volonté ou d’un mauvais esprit de la part de l’auteur. On est ici dans un texte qui m’a fortement rappelé Noeuds, une de mes nouvelles favorites d’un de mes auteurs favoris, Ken Liu : le compliment est de taille. Et de fait, si le texte ne va pas explorer le thème des ramifications d’une forme d’immortalité conquise par l’humanité en profondeur, elle en expose quand même assez frontalement l’opinion qu’en a Brunner. Et je suis trop d’accord avec lui pour bouder mon plaisir, encore une fois. Si on rajoute à cette exploitation semi-fantastique d’un concept purement science-fictif une petite touche de socio-fiction dont l’auteur a le secret, et un récit en forme de pudique mais ciselée tranche de vie, on a un bon texte, à mes yeux.
Mais peut-être que je manque un peu d’objectivité.

Comme une poignée de sel, Daniel Walther
Je vais être tout à fait honnête. Depuis Swa, et basiquement à chaque rencontre littéraire avec Daniel Walther, je me figure cet auteur comme une sorte de némésis à mon échelle. Un écrivain qui représente tellement de choses que je déteste en littérature que j’en viendrais presque à souhaiter le lire le plus exhaustivement possible pour pouvoir avoir les arguments et les munitions justifiant une détestation viscérale et probablement, pour une bonne part, irrationnelle. Et aussi, parce que j’avoue que c’est un peu marrant d’avoir une cible facile contre laquelle régulièrement brandir un poing rageur et théâtral en l’air.
Et de fait, quand je lis une citation de Theodore Sturgeon placée en exergue d’une nouvelle de cet auteur : je me crispe. Très fort. Mon premier réflexe, c’est vraiment de me dire « comment oses-tu, Daniel, comment oses-tu ! » Je n’arrive pas à décider si se placer de la sorte dans un tel lignage me semble être une colossale preuve d’arrogance de la part de Daniel Walther ou si je suis juste tellement attaché à Sturgeon que je n’arrive pas à me figurer la possibilité d’associer sans scandale un des meilleurs de tous les temps et un de ceux que je mettrais sans peine dans mon bottom 5, mais toujours est il que je me crispe.
Ça fait long, comme intro, et j’ai même pas encore lue la nouvelle.
Et puisque le destin est aussi farceur qu’amateur d’ironie : c’est probablement le meilleur texte signé Walther que j’ai lu. Alors attention, ne nous méprenons pas : je trouve que c’est extrêmement mal écrit. Deux de mes pêchés capitaux, ici ; c’est pompeux au possible dans l’expression, et surtout, c’est écrit comme un flot conversationnel où on ne peut lire qu’un interlocuteur. Daniel Walther, ici, essaie clairement de nous mettre dans un présent d’action fiévreux, sacrifiant au passage à la moindre cohérence, se laissant aller à des allers et retours confus et mal foutus.
Mais, je sais être magnanime : conceptuellement, c’est très très cool, et je lui accorderait même presque l’ascendance Sturgeonnienne, avec cette histoire tragique d’un alien piégé sur Terre voyant débarquer en catastrophe un autre vaisseau, habité par une compagne, selon toutes apparences venue le sauver. Sauf qu’il y a eu explosion à l’atterrissage, et que notre protagoniste doit faire comme s’il était juste un voisin curieux pas plus préoccupé que ça pour empêcher les forces de l’ordre locales de s’intéresser de trop près à l’engin et son occupante, sachant pertinemment que si lui ou elle devait se faire attraper ; c’est expériences affreuses et compagnie à l’arrivée. La prémisse, sincèrement, est assez formidable. C’est juste dommage que Daniel Walther la pourrisse en voulant en faire des caisses stylistiques et en se concentrant sur le seul point de vue de son héros qui s’épanche quand même beaucoup sur le fait que sa sauveteuse en danger est super belle. On se refait pas.
Ça se joue à pas grand chose. Peut-être la prochaine fois ? Ahaha : j’en doute. De toute manière, je suis allé trop loin dans le délire de détestation généralisée pour m’arrêter maintenant.

La plume bleue, Doris Pitkin Buck
Une petite notule bien sexiste à base de « ah bah on saurait pas que c’est une femme avec son nom qu’on le devinerait quand même, urk urk », et on est parti.
Pas ma came, clairement. On est dans une ambiance feutrée, poétique, un peu éthérée, avec un une héroïne originaire d’un peuple d’oiseaux, exilée sur Terre après s’être fait couper les ailes et réduite à la part la plus humaine de son existence. Des ellipses longues, une insistance particulière sur des sentiments de mélancolie et de tristesse très généraux ; ça manque un peu trop de chair ou de réel enjeu plus matériel pour me convaincre. C’est pas mauvais, dans le genre ouaté, mais ça ne me parle pas.

La mort de Socrate, Thomas M. Disch
Pas compris. Dystopie satirique se voulant mordante d’ironie, y compris envers son personnage central bête à manger du foin borderline incel qui n’a que ce qu’il mérite, ou dystopie complète pleinement premier degré voulant plaindre aussi fort que possible un bien brave garçon pas forcément malin mais plein de bonne volonté, broyé par une société cruelle ?
Je pencherais pour la seconde, mais le problème, c’est qu’à ce compte là, mon manque total d’empathie envers ce héros qui ne peut pas vraiment en être un à mes yeux condamne le texte tout entier. Je veux bien admettre que ses conditions d’existence sont assez nulles, et qu’il est clairement enfermé dans des schémas sociaux défavorables ; mais quand bien même c’est le cas, il ne fournit pas le quart des efforts nécessaires ou pas les bons pour parvenir à s’extraire de sa condition.
C’est très confus. Très très confus. De fait, je n’ai pas aimé.

Et voilà pour les textes, on part dans la section chroniques de la chronique. Metachronique, tu vas faire quoi.
On commence avec Gérard Klein, qui sort une critique deux-en-un : Fêtes et rites de la confusion, d’un certain Arrabal, et Four roses for Lucienne, de Roland Topor.
Novembre 1967, et ça parle de métalangage, d’omniprésence du roman et de la figure du roman dans le monde littéraire ; Gérard Klein se plaint que trop d’auteurices se préoccupent de leur place dans la continuité des auteurices qui les ont inspiré·e·s, que plus personne n’ose l’originalité. Plus les temps changent, plus ils restent les mêmes, il faut croire.
Mais bref, Topor et Arrabal font tous les deux partie du « mouvement panique », héritier du surréalisme. Ceci explique le côté deux-en-un de la critique. J’aime bien quand c’est logique comme ça.
Bon après, le début de la chronique elle-même… On parle d’un écrivain qui apparemment aime les récits oniriques, les contes symboliques et détachés du matérialisme consacré dans la forme romanesque classique. Et Gérard Klein semble lui emprunter son style pour en parler ; j’ai le sentiment, comme souvent dans ces cas là, que le discours a beau être enthousiaste et fringant, il sonne désespérément creux. Tellement de figures qui s’ajoutent les unes aux autres que finalement, on lit flou. Je note quand même l’idée centrale du bouquin d’Arrabal, lui ayant fait dicter des tableaux à des artistes, pour aller avec son texte. La démarche est intéressante.
Saut de paragraphe, et on passe à Topor et son recueil de nouvelles. Qui jouit de sacrées louanges de la part de Klein, autrement plus joyeux pour parler de lui que du travail d’Arrabal. Là encore, je trouve qu’il en fait trop dans sa façon d’écrire pour ne pas me méfier – surtout qu’il lui souhaite l’Académie, quelle horreur ! – mais certains arguments touchent quand même un peu. J’étais vaguement familier du nom de Topor, je jetterai peut-être un oeil à l’occasion.

Et bonjour le conflit d’intérêts pour la chronique suivante, avec Mondes Interdits, d’Alain Dorémieux, rédac’ chef de Fiction, par Jacques Goimard. Je suis sûr que ça va être une revue tout à fait objective.
(Ça va, on peut rigoler un peu, oui. Rooooh.)
Bon, blague à part, ce premier recueil de nouvelles semblait être très attendu, puisqu’Alain Dorémieux, tout occupé à gérer ses revues, n’écrivait apparemment que peu, ou à intervalles ténus. Soit. Je reconnaitrais au recenseur, ici, une sorte de réelle transparence : connaissant très bien son sujet, il nous livre certaines raisons de ses choix quant à l’inclusion ou non de ses textes, et attribue la qualité des textes qu’il apprécie au fait que Dorémieux, passant son temps à lire des nouvelles, forcément, en a pris le pli. C’est une explication qui se tient d’autant mieux qu’il nous signale aussi des récits plus faibles que d’autres, et identifie très bien les influences majeures du travail de Dorémieux. Autant je peux être de mauvais esprit, autant j’aime à me targuer de demeurer honnête quand ç’a du sens : il me semble que cette recension est sincère et dénuée de calcul. C’est bien. Elle est surtout très longue, par rapport au standard habituel de Fiction. Exhaustive, même. Et c’est sans doute le plus surprenant à mes yeux. Mais hey. Ça donne un peu envie.

Retour avec Gérard Klein, et encore avec une double chronique. Il nous dissèque maintenant Ici Moscou, de Nicolas Arjak, et Lioubimov, d’Abraham Tertz.
Il semblerait ici – puisque Klein évoque l’affaire comme si elle était évidente – que nous parlions de deux auteurs russes/russophones ayant écrit sous pseudonymes et condamnés à de lourdes peines pour leur travail de science-fiction satirique, publié à l’étranger.
Et Gérard Klein, je dois le dire, m’agace de plus en plus à simplement raconter certains des textes qu’il prétend analyser, pour ensuite n’en livrer qu’une impression succincte. Tout ce que j’ai appris sur Arjak, ici, c’est le contenu de deux de ses textes, dont les idées sont d’après lui meilleures que leur mise en place. C’est un peu court, et ça ne me renseigne pas des masses sur la qualité du reste du recueil. Frustrant.
Même chose pour le roman de Tertz. Heureusement on reboucle un peu sur l’introduction de la chronique, estimant que les peines subies par les deux auteurs sont infiniment disproportionnées, plus punis pour le fait de s’être exportés que d’avoir écrit ce qu’ils ont écrit. La chronique reste faible, plus à ranger au rang de l’anecdote historique qu’autre chose.

Mais on n’en a pas fini avec Gérard Klein, qui nous chronique maintenant Le Talon de Fer, de Jack London !
J’accorde un point à l’intro du chroniqueur, ici : c’est intéressant d’avoir un texte d’anticipation politique de 1907 d’un auteur plus connu pour son journalisme et ses écrits naturalistes. Et ma méta-chronique sera rapide : j’ai envie de lire ce livre. Les arguments mobilisés par Klein, quoique enrobés des mêmes défauts que je lui prêterais désormais sans doute à chaque fois, ont fait mouche. Le fonds et la forme proposées par London me semblent intéressants, et d’autant plus avec plus de 100 ans de décalage.

Les films, maintenant.
Jacques Goimard attaque avec Vaudou, de Jacques Tourneur. Un film que je n’ai pas vu autrement que par procuration, mais dont j’ai étudié quelques extraits pendant ma licence de ciné. Je crois que c’est le premier film un peu majeur que je croise dans les lignes de Fiction. Il était temps.
Et si je trouve – oui, je sais, je me répète – que Goimard en dit un peu trop sur le contenu premier du film, il a au moins l’élégance et le talent critique pour enrober le tout d’un commentaire passionné et passionnant sur le sens de ce qu’il raconte, en extrayant beaucoup de substance. Et si je sais que ce film aurait mon approbation dans le cas où je pourrais le re/voir, le regard de cette chronique me permettrait sans doute d’en profiter à fonds. Et encore une fois, pour une longue chronique initiale, je n’ai pas grand chose à dire de plus que ça. Le film est bon, la chronique est bonne.
Et on enchaîne avec La Fiancée de Frankenstein, de James Whale toujours avec Jacques Goimard aux commandes de la critique.
J’ai toujours cru que ce film était un symptôme malheureux de la maladie des franchises ayant très tôt atteint le cinéma hollywoodien, un navet sans grand intérêt pondu à la va-vite pour capitaliser sur des succès passés en attendant de trouver une autre vache dont extraire le lait jusqu’à la sécheresse ; mais Jacques Goimard m’a semble-t-il convaincu du contraire. Son approche érudite et passionnée du sujet, tant dans ses origines littéraires que dans sa connaissance de la première fameuse adaptation du travail de Mary Shelley, me laisse plutôt croire que ce film revêt un réel intérêt. Top, j’ai appris plein de trucs !
Et puisqu’on est si bien avec ce chroniqueur, restons y, et parlons maintenant de Privilège, de Peter Watkins ; occasion pour el critique de fustiger la tendance de la « science-fiction à court terme », qui selon Goimard, est trop souvent utilisée comme un vecteur de mesquine attaque sur des institutions ou des évènements qui déplaisent à des auteurs, se contentant de grossir les traits de leurs cibles en les transposant dans un futur proche. Vous l’aurez deviné, il a pas aimé le film. Pas tant pour ses idées que pour la souffrance imposée au présent film par sa comparaison avec Un homme dans la foule, chef d’œuvre d’Elia Kazan sorti quelques années plus tôt et exploitant peu ou prou le même concept. Oops.
Je reconnais la sagesse de Goimard ici, quand il dit qu’il n’y a rien de plus vain et de stupide que d’essayer d’anticiper la mode ; que c’est le meilleur moyen de se retrouver ringard avant l’heure. Bon, après, on sent que le film prend aussi cher parce que le chroniqueur y voit des symboles de ce qu’il n’aime pas dans son cinéma contemporain ; et à la décharge de Goimard, lui-même en semble conscient. Il en viendrait presque à s’excuser d’être aussi aigri. Presque.
En tout cas, ce film là ne me donne pas très envie, effectivement.

Et pour finir, le courrier des lecteurs, ou la preuve perpétuelle que plus les temps changent, et plus ils restent les mêmes !
Très long courrier de G. Chaouat pour défendre un texte de Norman Kagan attaqué par un certain M. Gendre dans le numéro 166 de Fiction. Je n’ai pas lu le texte ni la chronique, donc je passe. Mais ç’a l’air intéressant, ça parle de nature de la SF, de sa capacité de critique sociale… Débats éternels.
Ce numéro 166 semble être le sujet principal de tous ces courriers, puisque le suivant à retenir mon attention est celui d’un certain Francis Bessière, de Boulogne, qui revient sur un texte publié par Gérard Klein au sujet de la SF française. L’auteur du courrier, ici, dit deux choses qui m’ont particulièrement interpellé. D’abord, il explique qu’il est effectivement favorable à ce que Fiction publie plus de textes d’auteurices français·e·s, « même d’auteurs médiocres, même du Nathalie Henneberg ! ». Dans la famille « balle perdue », je voudrais la matriarche.
Et dans la même famille, mais avec une délectation mesquine toute autre, le père ; Daniel Walther et son texte Canes caniculae en prend pour son grade, reprenant même les mots de Klein lui-même à l’encontre d’une partie de la production française dans son article Pourquoi y a-t-il une crise de la science-fiction française ? : « expression imprécise des états d’âme, « nostalgies adolescentes », « sous couleur de poésie » (le lecteur ajoute lui-même, et je ne l’aurais pas mieux dit « car il s’agit d’une fausse poésie, pleine d’artifice, et dépourvue de feu ») « thèmes fantastiques éculés », « faire littéraire ». Rien qu’avec ça, je dois bien dire que je suis curieux de lire ce numéro 166. *rapide recherche dans la bibliothèque* Je n’ai que les 165 et 167. Damned.
Le courrier suivant, signé de Jean-Pierre Fontana, essaie d’identifier les racines de la crise évoquée par Klein dans le numéro 166, encore une fois. On parle d’effritement du fandom(sic), de faillites multiples d’éditeurs et de revues : encore une fois, l’histoire semble bégayer. J’aime bien l’idée de ce lecteur, qui dans les fanzines qu’il lit, s’attriste de trouver les mêmes idées, encore et encore faiblement exploitées, estimant que les jeunes auteurs « ne manquent pas d’imagination, mais de références ». Y a un truc, là. Pas forcément le cœur du problème, mais un aspect à creuser.
Encore un courrier s’épanchant longuement et point par point sur un article passé que je n’ai pas lu, je passe, et j’en arrive au dernier courrier, signé d’un certain Edward de Capoulet-Junac, ça ne s’invente pas, ou alors précisément, ça n’a pu être qu’inventé ; auteur qui se fend d’un droit de réponse ahurissant de narcissisme et d’aigreur quant à l’attaque en règle dont il estime que son roman a été la victime aux plumes de messieurs Klein, Dorémieux et Goimard. Le plus drôle dans ce courrier est sans aucun doute la note de la rédaction qui explique qu’ils ont accédé à la demande d’inclusion de ce courrier dans le présent numéro par l’auteur, et qu’ils n’ont rien de plus à dire. Élégant, mais mortel. Une fin de numéro pleine de panache tranquille

Et un autre numéro de bouclé !
La recension des aspects hors-fiction me demande de plus en plus de ressource mentale, à force de devoir faire le tri entre ce que j’estime pertinent de relayer ou non, mais c’est presque la partie que je préfère, désormais ; ça me peint un paysage de l’époque absolument passionnant. Par petites touches, je reconstitue un panorama éditorial et culturel complètement dépaysant, mais également étrangement familier. Plus je plonge dans ces étranges abymes, plus je réalise à quel point le cœur de nos querelles et inquiétudes quant à l’état de l’Imaginaire n’a rien de neuf, et tout de cyclique. À la rigueur, la seule chose qui a changé, c’est la frénésie de la production, notre incapacité à la suivre, et la fièvre avec laquelle toutes nos communications à son propos s’incrémentent sans fin. Quelque part, lire ces Fiction, au delà de me fournir des pauses bienvenues entre mes romans et textes les plus exigeants, c’est aussi une invitation à ralentir un peu et à considérer les choses différemment. C’est quand même assez fascinant de constater qu’après tant de numéros déjà parcourus, je ne connais pas la moitié des textes et films recensés par l’équipe de Fiction, même de nom ou de simple réputation. Combien d’œuvres ont donc été oubliées depuis tout ce temps, y compris parmi celles qui ont joui d’un certains succès à l’époque ? C’est fascinant, et vertigineux, comme question.
Quoi qu’il en soit, c’est toujours un plaisir, que j’espère partagé, et c’était encore une bonne occurrence.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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