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L’Enfant de la Marée T1 – Les Vaisseaux d’Os, RJ Barker

AMOUR – The Warning (extrait de l’album ERROR)

Comme je l’ai déjà dit je-ne-sais-plus-trop-quand, je pense que malgré mon appétence privilégiée pour la SF, je ne lis pas assez de fantasy à mon goût. Alors quand j’ai eu l’occasion de demander des SP aux éditions Leha, je l’ai saisie.
La promesse du jour était simple, et correspondait assez clairement à mes envies : de la fantasy assumée, avec un concept simple mais solide, de quoi m’amuser, en somme.
Et bon. Je vais faire court pour l’intro avant de développer : sans aller jusqu’à dire que ces Vaisseaux d’Os étaient mauvais ou une complète déception, je dois bien admettre que c’était pas complètement ma came non plus. Je crois que je vois ce que l’auteur a essayé de faire, je soutiens la démarche, mais je n’ai simplement pas été convaincu.

Joron Bitord, fils de pêcheur, est une épouse de bord : le capitaine d’un vaisseau d’os, construit à partir des os des Keyshans, créatures anciennes ayant parcouru les Cent Îles. Mais Joron n’est pas une épouse de bord comme les autres, à l’instar de son bâtiment : il est le chef minable et ignoré d’un équipage entièrement composé, comme lui, de condamnés à mort, dont la seule fonction est d’aller mourir au combat contre les Décharnés, ennemis héréditaires des habitants de son archipel. Sauf qu’il ne va pas rester épouse de bord bien longtemps ; surgissant de nulle part, Meas la chanceuse, épouse de bord renommée, vient le défier en duel pour lui prendre son commandement, avant de le placer sous ses ordres, lui donnant une ultime chance de donner un sens à son existence.

Disons le tout net, on est de plain-pied dans ce que j’appelle désormais de la fantasy à emphase. Basiquement, c’est de la fantasy qui y croit à mort, et qui le fait à fonds. C’est pas un défaut ou une qualité à proprement parler, c’est plus un état de fait, un truc qui vous plait ou non, mais qui est plus affaire de style qu’autre chose. La fantasy à emphase, c’est la fantasy qui fait que tous ses personnages font des phrases à rallonge pour exprimer une idée simple juste parce que c’est l’ambiance qui veut ça ; qui essaie de toujours, peu importe les circonstances, avoir du panache. Qui fout de la métaphore et des expressions ampoulées de partout. On aime ou pas, perso c’est pas mon truc ; j’aime la simplicité et la forme de matérialité qui va avec. Quand tout le monde en fait des caisses même quand il s’agit de demander le sel, je n’arrive juste pas à y croire, et encore moins quand la narration s’y met et peint des tableaux de la Renaissance au moindre reflet de la lumière sur une surface propice. C’est pas un pêché capital, surtout quand ça se fait à l’économie, mais ici, je dois bien dire que je trouve que l’auteur tombe à pieds joints dans le piège, oubliant parfois un peu de se laisser de l’espace pour respirer. De fait, j’ai très vite su que quoi qu’il arrive, ce bouquin et moi on serait pas fait pour s’entendre. Dès le premier paragraphe, je me suis dit que j’allais devoir faire un effort et un peu sortir de moi-même pour pouvoir évaluer proprement les qualités et les ambitions du travail de RJ Barker.

Ce que j’ai fait, donc, au mieux de mes capacités. Et si le bilan pourrait aisément virer dans la démonstration de mauvais esprit de ma part, juste parce qu’il y a beaucoup de noms à consonnes, d’enjeux politiques entrecroisés, de dialogues qui se la pètent pour pas grand chose et de la noirceur trop dark en-veux-tu-en-voilà… En vrai, le job est plus souvent fait que l’inverse, dès lors qu’on accepte les contraintes et traditions de la fantasy que convoque l’auteur. Parce que s’il sacrifie à pas mal de tropes attendus, il en subvertit quelques autres avec pas mal d’efficacité et une forme d’honnêteté dans l’écriture que j’ai trouvé assez rafraichissante. Je peux pas dire que j’ai été renversé par l’originalité de l’ensemble, mais je n’ai jamais eu le sentiment que RJ Barker y prétendait plus que ça, se contentant de dérouler son histoire avec diligence et rigueur. Et de fait, sans être surpris par les éléments principaux de l’intrigue, j’ai quand même été très agréablement dérouté par la rapidité avec laquelle certains d’entre eux étaient mis en place, avançant directement des bouleversements et des objectifs qu’on s’attendrait traditionnellement à trouver à la fin d’une trilogie plutôt qu’au début. Et du coup, même si j’ai pas mal galéré à rentrer dans le récit au départ, et que je lui trouve quand même des reproches personnels à faire – sur lesquels je reviendrai dans le paragraphe qui vient – je trouve quand même que ça file assez droit, cette histoire, et ça met ses enjeux en place avec pas mal d’habileté, mêlant plutôt lestement son world-building, le développement de ses personnages et le déroulé de son intrigue.

Après, ouais, mon côté pinailleur et mes propres goûts en terme de fantasy viennent noircir le tableau, j’avoue. J’ai deux problèmes avec ce roman et les choix créatifs de son auteur qui m’empêchent d’être totalement positif.
Le premier, c’est que son univers manque cruellement de substance : la promesse implicite des vaisseaux d’os ne me semble ni tenue, ni tenable, arrivé à la fin de ce premier tome. Si on a effectivement quelques éléments de fantasy qui contribuent à l’altérité qu’on attend du genre – les gullaimes, notamment, qui me paraissent infiniment plus intéressants que les Keyshans – l’essentiel de ce que nous propose l’auteur, je trouve, fait office de mince couche de peinture sur une structure bien trop familière. Le souci, ici, c’est qu’on a droit à des termes étrangers, certes (« épouse de bord », « garde-pont », « mère de pont »…) mais ils ne sont que les dénominations autres de réalités communes, ne recouvrant pas vraiment, à mes yeux, de traditions maritimes nées d’un monde qui n’est pas le nôtre. Les dynamiques que convoque l’auteur, dans l’ensemble, sont éculées, et son monde manque de saveur exotique ; la majorité de ses inventions sont plus sémantiques ou transitives qu’inédites, et ses quelques audaces manquent de profondeur pour convaincre.
Le second, c’est le personnage de Meas la chanceuse ; un author’s pet d’une puissance rare. C’est bien simple, rien ne lui résiste, surtout pas les obstacles qui pourraient se dresser sur son chemin. Toujours une solution, toujours le bon mot au bon moment, la bonne idée, même si ça doit être au prix de la consistance de son caractère. Alors on est pas non plus sur le personnage qui changerait d’avis ou de personnalité comme de chemise, ou qui aurait lu le script, c’est vivable ; mais pour autant, je pense assez fortement que si ce roman avait été cadré autour d’elle, ce dernier aurait très vite été insupportable tant sa force de caractère et son insolence face au moindre danger sont écrasantes (Je soupçonne d’ailleurs que Meas était l’héroïne initiale de ce roman, et qu’il a été réécrit du point de vue d’un homme sous ses ordre). Et comble de l’ironie, la relative faiblesse de caractère de Joron, qui a tendance à beaucoup verser dans l’auto-apitoiement et la frayeur paralysante, en reflet de ce panache, parait assez pénible, surtout dans la première partie du texte. Pour ensuite devenir juste un poil relou, quand il se contente d’être en adoration devant son épouse de bord, trop forte qu’elle est.

Alors bon, comme je l’ai dit, j’ai su relativement passer outre ces deux aspects, à la fois parce que j’ai à cœur de finir les SP qu’on m’envoie et parce que j’étais curieux de savoir où l’auteur voulait aller pour lancer sa trilogie, et je trouve que ça peut aisément fonctionner pour un esprit moins tortueux et enclin à la suranalyse que le mien. Et que malgré ces deux gros reproches – trois en comptant le style – cette trilogie a du potentiel, quand même. Bon, moi, là, j’avoue, avec ma PàL géante et tous mes autres SP qui attendent, sans compter mes projets de chroniques spéciales, je dois bien dire que je le sens pas trop ; mais RJ Barker, dans ce premier volume, sème quelques graines vraiment intrigantes. L’évolution de Joron, pour commencer, qui mine de rien, devient un personnage beaucoup plus appréciable au fil de sa reconstruction au contact de Meas ou du gullaime à bord de son navire. Ledit gullaime, ensuite, qui est clairement l’axe narratif et personnel qui m’a le plus convaincu et intrigué ; cet idée d’un homme-oiseau capable de contrôler les vents et de leur parler, dont la race semble réduite en esclavage en dépit de ses immenses pouvoirs, mais qui est capable de devenir ami avec le premier couillon venu qui lui témoigne un minimum de respect… Ça me parle. Et puis, oui, j’avoue, le cœur de l’intrigue, avec le plan secret-pas-si-secret de Meas et de ses allié·e·s, qui vient rebattre les tropes classiques du manichéisme fantasy traditionnel, bien fait, ça pourrait être cool. Juste dommage que les meilleurs concepts de l’auteur soient à mes yeux noyés dans une obsession esthétisante un peu creuse qui l’empêche de faire autre chose qu’une exploration de surface de son univers. Pour l’instant du moins.

En bref : c’est compliqué. Y a du bon et du moins bon, dont l’appréciation est pour l’essentielle, je pense, complètement subjective. Je pense que tout ce qui a pu personnellement m’agacer ou me frustrer dans ce bouquin peut tout à fait être la source d’un enthousiasme débordant pour n’importe qui d’autre. Si je devais résumer mon impression aussi objectivement et sobrement que possible, je dirais que ce roman, avant tout, est honnête. Il sait ce qu’il veut faire, et il le fait assez autant de transparence que possible, sans prétendre être autre chose. Toute l’ironie, ici, étant que ce qu’il veut faire, ça me parle pas des masses. Mais c’est comme ça. Quelque part, c’est assez gratifiant de lire un bouquin, de ne pas trop l’aimer, mais de savoir précisément pourquoi, et ce sans la moindre animosité envers lui ou son auteur, et au contraire avec une forme de respect. C’est reposant, même, en fait.
Allez, on dit que c’est une victoire.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

4 comments on “L’Enfant de la Marée T1 – Les Vaisseaux d’Os, RJ Barker

  1. clairement dans l’emphase, oui, mais moi j’ai adoré, peut-être aussi parce que je l’ai audiolu en VO et que le narrateur met le paquet de ce côté là aussi, le côté très théâtral m’a convaincu. Joron devient vraiment plus intéressant dès le tome 2 (quand Meas lui laisse un peu d’air)

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Laird Fumble Laird Fumble dit :

      Clairement, l’emphase à la lecture et à l’oreille, c’est absolument pas la même chose. Je veux bien croire que sous un autre format, ça passe crème.

      J’aime

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