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Melmoth Furieux, Sabrina Calvo

Clique (feat. FEVER 333) – Yonaka (extrait de l’album Seize the Power)

Totale transparence : je n’ai aucune idée de comment introduire correctement ou élégamment cette chronique.
J’aurais pu sans doute parler d’abord de ma curiosité pas toujours récompensée, ou de ma détestation viscérale et motivée des bandeaux sur les bouquins que j’achète, comme de mon gros problème avec l’influence qu’exercent sur mes découvertes le moindre avis ou élément analytique imposés à mon esprit quand je découvre une œuvre de mes yeux. J’aurais dans le même temps pu expliquer pourquoi j’étais initialement content de me procurer enfin ce Melmoth Furieux, recommandé par des personnes de goûts. Puis expliquer pourquoi j’étais un peu plus craintif au moment de découvrir une recommandation supplémentaire signée du style trop reconnaissable d’Alain Damasio sur le bandeau couvrant ce roman, corrompant immédiatement ma lecture en y inscrivant de force une volonté de comprendre exactement ce qu’il voulait dire en complimentant ce texte à sa façon si personnelle.
Ou alors j’aurais pu faire complètement différemment, trouvant un faux-fuyant un peu malhonnête comme je le fais régulièrement, m’attachant à un détail du bouquin pour en extraire un point vaguement intéressant, et dérouler ensuite sur des choses un peu plus pertinentes à propos de l’œuvre du jour.
Bon, bah là j’ai fait un malhabile mélange des deux, faute de savoir exactement ce que j’allais bien pouvoir dire d’intéressant sur cette lecture. Pas que Melmoth Furieux ne soit pas intéressant, ça non. C’est sans doute un des bouquins les plus singuliers et frontalement uniques que j’ai pu lire ces dernières années. Ce n’est pas non plus qu’il soit mauvais, certainement pas; il est assez clair que Sabrina Calvo maîtrise complètement ce qu’elle y fait.
Non, une intro aussi foutraque et contradictoire, juste histoire d’essayer de rendre compte à quel point ce roman a foutu le bordel dans mon cerveau : je ne sais pas vraiment quoi en dire, ou en tout cas, je ne sais certainement pas comment remettre toutes les choses qu’il m’inspire dans l’ordre.
Mais essayons quand même : qui m’aime – au moins un tout petit peu – me suive.

Fi se réveille un matin avec l’envie de cramer Eurodisney. Quoi de plus compréhensible, quand on vit dans la Commune de Belleville, encerclée par une police plus ou moins aux ordres de la multinationale à la Souris Noire, et que son propre frère s’est immolé par le feu lors de l’inauguration du parc, non loin de là, plusieurs années en arrière. Alors elle va mobiliser toutes ses forces, toutes ses connaissances et toustes ses ami·e·s, et elle va faire en sorte de donner corps à son rêve comme à sa vengeance.

Franchement, ça partait super bien. Prémice simple mais pas simpliste : uchronie dystopique, avec comme antagoniste principal un symbole parfait du consumérisme et de la mondialisation, un symbole ultra-efficace de la lente et douloureuse mise à mort de nos imaginaires par l’obsession du profit, comme de la mise au pas des gens et de leur humanité par leur réduction à de simples chiffres dans des tableaux excel. Le tout avec un style ultra-moderne et oralisé qui n’est pas pour me déplaire, Sabrina Calvo usant de tout plein d’astuces littéraires aussi malines qu’efficaces, cassant les codes habituels sans trop se perdre dans un verbiage contre-productif. On a un propos et une altérité clair·e·s, qui parfois, peut-être, allaient un peu trop loin, certes, mais l’essentiel était très largement préservé. Rythmiquement comme stylistiquement parlant, j’avais le sentiment gratifiant de découvrir quelque chose de vraiment singulier et surtout, de façon parfaitement sincère et habité. Je sentais l’influence des arts plastiques sur la façon d’écrire de Sabrina Calvo sans verser dans une stylisation à outrance qui m’aurait sans aucun doute perdu. Ses choix me paraissaient aussi motivés que logique, et surtout, ils avaient du sens à l’aune du récit lui-même ; les deux aspects du roman, intrigue et style, s’entre nourrissaient dans un échange assez gratifiant.
Jusque là, en dépit d’une certaine déroute à mettre sur le compte du manque d’habitude et d’une altérité frontale, vraiment, il n’y avait pas réellement de raison de me plaindre ou de craindre pour la suite.

Et puis, je ne saurais pas dire à quel moment exactement, l’autrice a commencé à me perdre. Par quelques fulgurances stylistiques jurant avec l’ambiance d’ensemble instaurée jusque là, peut-être, faisant parler ses personnages d’une façon qui ne me semblait plus du tout en accord avec le lexique mobilisé depuis le début du roman. Ou par un certain éparpillement thématique, quelque chose dans ce goût-là, par l’impression que l’intrigue s’éparpillait sans vraiment avancer, somme toute gâchée par les séquences de fin de  »chapitres » faisant office de prolepses ou de rêves incantatoires, difficile à dire.
Peut-être justement parce que rien n’était vraiment clair, en fait, précisément. J’avais beau avancer, lire, en donnant au roman tout ce que j’avais d’attention, je n’arrivais plus, à un moment, à comprendre ce qu’il voulait vraiment me dire. Entre raccourcis étranges ou nébuleux dans le fil de l’intrigue, digressions non moins nébuleuses et passages un brin verbeux où, à force, je n’ai plus su de quoi il était réellement question dans ce texte, au delà de l’évidence de sa colère. Et là, me rendant compte que le texte tombait dans un écueil assez personnel mais terriblement agaçant, je dois dire que je n’ai continué que par curiosité résignée, et envie d’être détrompé dans ce qui était une certitude ; même si mon avis était déjà plus ou moins constitué, je le confesse bien volontiers.

Et effectivement, Melmoth Furieux est à mes yeux tombé dans le piège d’une allégorie trop fantasmagorique, partant d’une prémice somme toute extrêmement réaliste, s’oubliant en route. Alors je n’ai absolument rien contre le symbolisme, comme contre le fantastique, au contraire, mais j’estime que ces deux outils narratifs sont extrêmement difficiles à manier de manière satisfaisante pour moi : je ne les aime qu’utilisés à fond, ou pas du tout. Or, Sabrina Calvo en fait ici un usage soit trop léger, soit trop lourd ; est venu un moment où je n’arrivais pas à savoir si ce qui se passait dans la narration tenait de l’événement, de la métaphore ou d’une volonté de créer le doute. Et c’est sans doute très personnel, mais moi ça m’énerve. Je veux savoir à quoi m’en tenir, et pas me demander toutes les trois pages ce que signifie précisément le texte que j’ai sous les yeux, si ce qu’il me dit dépend de son histoire ou de la volonté allégorique de son auteurice ; je n’aime pas voir les fils, en somme.
Et des fils, de fait, ou ce que j’ai considéré comme tels, j’en ai vu plein dans ce texte. Certains sur lesquels j’aurais facilement pu passer, puisque inhérents à la volonté générale du texte telle que je l’ai reçue, mais d’autres m’apparaissant comme des pêches littéraires, déteignant tristement sur les autres et créant un sentiment général de malaise et d’incompréhension, me menant carrément à douter de ma réception du texte, tout particulièrement dans le troisième tiers. Et à la longue, je n’avais plus qu’envie que ça se termine, voyant dans les longues séquences stylisées du texte autant d’occasions de me rendre compte que je n’y étais plus du tout, revenant à mes propres biais négatifs quant à l’usage hypertrophié du style, y trouvant finalement un bavardage un peu creux. Plus notre conversation littéraire s’allongeait, plus Sabrina Calvo me parlait, moins j’avais l’impression qu’elle me disait quelque chose. Jusqu’à une fin que je ne m’explique guère.

Un échec, donc. À relativiser, sans doute, étant donné mon manque de goût pour l’esthétisme en général, et en littérature en particulier, comme mon manque de reconnaissance envers le beau et le poétique ; mais un échec tout de même. Car si j’ai aimé le fond politique de ce roman, comme sa rage matinée de réelle bienveillance, bon nombre de ses constats de départ ou de ses séquences les plus humaines, j’ai trop vite eu le sentiment que tout avait été dit, et que le roman tournait en rond, compensant son manque d’idées neuves par un verbiage stylisant un peu stérile, et surtout incohérent à l’aune du roman lui-même. Je ne cacherais pas un certain agacement frustré au moment de refermer l’ouvrage, laissant mentalement échapper un « tout ça pour ça ». Peut-être que pour une fois, on est dans le cas rare où une réduction drastique du volume aurait permis une densification du message et une plus grande efficacité, en tout cas pour que j’en sois satisfait.
Constat éternel : certains ouvrages ne sont simplement pas destinés à être lus par tout le monde. Je crois qu’il me manquait une certaine sensibilité pour apprécier celui-ci à sa juste valeur. Sabrina Calvo a un indéniable talent, mais dans ce cas précis, je n’y suis pas réceptif du tout. C’est triste, mais c’est comme ça.
On passe à autre chose.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

1 comments on “Melmoth Furieux, Sabrina Calvo

  1. Oui c’est exactement ça ce livre la rage, mais comme tu le dis si bien une rage matinée de réelle bienveillance ! 😉 😀 Par moment moi aussi je ne suis perdue dans ce court roman. :-/

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