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Galeux, Stephen Graham Jones

Burn Me Out – Be The Wolf (extrait de l’album Empress)

Aujourd’hui, intro rapide, parce que simple et évidente. Reposante, oserais-je. Après mes lecture et chronique enthousiastes de Meute, j’ai exprimé mes envies de lire plus de choses dans le même genre, et surtout plus de récits avec des lycanthropes ; parce que je ne connais pas bien ce sous-genre et que je le trouve généralement sous-exploité.
Des gens biens m’ont conseillé Galeux, nous voilà donc aujourd’hui pour en parler.
Et c’était effectivement très bien. Alors je vais vous expliquer pourquoi c’était très bien, en tout cas à mes yeux. Voilà.

Notre protagoniste est un très jeune loup-garou vivotant tant bien que mal avec son oncle, sa tante et son grand-père, depuis que sa naissance a malheureusement occasionné la mort de sa mère en couches. Et il s’avère que la vie d’un loup-garou, aux États-Unis, elle est loin d’être simple. Entre les contraintes causées par la mutation, les pulsions animales et les complications qu’entraînent l’ensemble, la condition lycanthrope est nomade et hautement complexe ; sans compter extrêmement dangereuse.

Alors on pourra peut-être mettre mon enthousiasme sur le compte d’une certaine méconnaissance des histoires de loup-garou en littérature, mais quoi qu’il en soit, il demeure que Galeux a très vite marqué des points avec moi quant à son traitement de cette question centrale au récit. J’ai en effet un très gros faible pour la déromantisation – si je puis dire – des enjeux dans mes histoires de fantasy urbaine (pardonnez le raccourci taxonomique). Ce que je veux dire par là, c’est que l’adoption d’un ton extrêmement pragmatique et réaliste par Stephen Graham Jones, couplé à une narration certes décousue mais avant tout foutrement organique, m’a très vite convaincu que j’avais mis les pieds dans un récit extrêmement maîtrisé, et surtout formidablement malin, notamment dans sa structure. Ça fourmille d’idées, de concepts et de remarques hyper intelligentes qui ancrent subtilement et frontalement le récit dans sa réalité alternative, avec juste assez de décalage pour concrétiser l’altérité, mais tout autant d’éléments terre-à-terre pour effectuer bon nombre de rappels à notre réalité qui tapent extrêmement juste. On est pile dans cet équilibre formidable que je loue régulièrement ici, où l’auteur parvient à insérer son récit dans la faille entre le symbolisme et le récit pur et dur, où chaque notion mobilisée par le texte joue sur les deux tableaux à la fois ; s’offrant avec la même générosité à un regard analytique comme à un regard émotionnel, les deux aspects se renforçant mutuellement tout le long du récit.

Et de fait, j’ai pu tout autant profiter des personnalités extrêmement humaines de nos protagonistes, brillant par leur complexité et leur profondeur, faisant montre d’autant de défauts fatigants que de qualités attachantes, me faisant avancer dans le récit autant pour savoir ce qui allait leur arriver que comment Stephen Graham Jones allait articuler ces événements entre eux pour en faire ressortir quelque chose d’autre, de toujours passionnant et d’accrocheur. Parce qu’au travers de ces loups-garous toujours en fuite et de leur quête d’un peu de tranquillité à laquelle leur condition ne leur donne pas droit, il y a un évident mais sublime portrait des marges qui s’esquisse, une démonstration impressionnante de clarté et de pudeur. Et je trouve ça fort, parce qu’au delà de renouveler la figure du lycanthrope d’une manière aussi radicale qu’efficace, et somme toute mesurée dans ses audaces, Stephen Graham Jones la mobilise pour la faire parler au-delà d’elle-même, tout en, paradoxalement, s’enfonçant en permanence dedans. Tout est toujours ramené au statut de marginaux de nos héro·ïne·s, à leurs codes, à leur singulière manière de fonctionner, à leur regard unique, modelé, tout autant que leur comportement, par ce qu’iels sont, à leur essence, mais sans jamais forcer ou être trop criant ; l’auteur s’efface derrière ses personnages et leurs luttes, leur situation, leurs problèmes. Et on suit ça avec autant de fascination que d’attachement, parce qu’au delà des erreurs commises par ces personnages, on devine surtout un système hostile qui écrase leur existence entière, sans forcément même s’en rendre compte.

Et à la vérité, je ne saurais pas en dire beaucoup plus sans avoir à trop plonger dans des détails qu’il vaudrait mieux découvrir pleinement que d’avoir à anticiper. Ce roman est une tranche de vie unique et formidable – excellemment bien traduit par Mathilde Montier, que je tiens à saluer ici – parlant de tous ses sujets d’une manière aussi subtile que frontale en fonction de ses ambitions versatiles, sans jamais perdre en maîtrise ou en efficacité ; tapant au cœur de sa cible dès lors qu’il se décide à la viser. Je crois qu’à l’image de l’intro, ma conclusion va faire court. Des fois, l’évidence s’impose, et il n’y a pas grand chose d’autre à dire que ça.
Galeux est un excellent roman. Stephen Graham Jones nous y parle de famille, d’histoire commune, de transmission, de la vie aux marges, de la découverte de soi, et de tout un tas de choses passionnantes, avec toujours la même réussite et le même esprit d’invention. Avec des loups-garous, mais pas que. C’est fort.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

4 comments on “Galeux, Stephen Graham Jones

  1. tampopo24 dit :

    Je me rappelle avoir aussi beaucoup aimé l’oeuvre, la mythologie lupine, mais surtout le côté très « roman américain » et cette plume tellement charnelle, incarné dans la peau du loup et son appétit. C’était puissant.

    Aimé par 1 personne

  2. Lullaby dit :

    Pour moi qui adore les garous, mais pas pour le côté gore ou romantique, j’avais déjà repéré ce titre et ton retour confirme qu’il faudra absolument que j’y jette un oeil !
    je ne sais pas si tu as lu Meute de Karine Rennberg, mais je te le recommande aussi ! On y sent un vrai travail sur la psychologie d’un homme à la fois humain et loup, et une solide connaissance du comportement lupin. Sans compter l’inoubliable personnage de Calame, avec sa vision du monde tout en couleur…

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Toi, t’as pas bien lu l’intro de la chronique. :p
      Mais oui, je confirme, si t’as aimé l’un, je vois pas comment tu n’aimerais pas l’autre. =)

      Aimé par 1 personne

      1. Lullaby dit :

        (ah oui en effet ! XD Oups…)
        Clairement, je note donc en tête de liste.

        Aimé par 1 personne

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