search instagram arrow-down

Si vous ne me suivez par sur les réseaux sociaux, où je suis le plus actif, vous pouvez être prévenu.e par mail à chaque article.

Rejoignez les 117 autres abonnés

Infos Utiles

Mes réseaux

Archives

Cimqa, Auriane Velten

The Devil & Mister Jones – Spoon (extrait de l’album Lucifer On The Sofa)

Depuis quelques temps, je l’avoue avec une certaine gêne, j’ai du mal à lire : manque de concentration, manque d’envie, manque d’enthousiasme, y compris en présence de textes que je trouve vraiment bons, la liste est longue, et je blâme l’air du temps qui m’intoxique. Du coup, j’espace mes sessions de lecture, et elles durent rarement très longtemps ; mon cerveau ne tient que quelques dizaines de minutes à chaque fois avant de vagabonder vers autre chose, m’empêchant d’avoir le rythme et l’efficacité qui furent les miennes pendant longtemps. C’est extrêmement frustrant, et ça tient du cercle vicieux.
Mise en contexte étonnante et un peu déprimante, j’en conviens, mais c’est pour vous mettre dans les bonnes conditions.
Je crois que j’utilise encore plus rarement l’expression « coup de cœur » que l’expression « chef d’œuvre » ; alors que les deux sont au moins aussi galvaudées l’une que l’autre à mes yeux. Peut-être que mon côté analytique prépondérant, avec lequel je vous gonfle à longueur de chronique me pousse plus volontiers à dresser un bilan plus « objectif » qu’émotionnel de mes lectures, y compris celles que j’ai adorées. De fait, le « coup de cœur » est forcément plus rare pour moi, comme expression autant que comme ressenti.
Depuis After®, ce serait parler d’euphémisme du siècle que de désigner mon attente d’un nouveau roman signé Auriane Velten comme impatiente. Cette autrice m’avait comme qui dirait tapé dans l’œil, avec son audace linguistique et structurelle, dès son premier texte publié. Alors bon, quand on m’a envoyé le sp de son dernier roman, j’étais aussi chaud qu’un volcan en éruption, et aussi nerveux qu’un Jack Russel sous cocaïne : il fallait que ce soit bon pour ne pas me décevoir, ou du moins il fallait me proposer quelque chose qui me parle.
Et donc je parlais de coup de cœur. Là, on y est. En plein dans l’aorte. J’ai le palpitant qui fait des saltos en écrivant ces lignes.
Un de mes textes de l’année, sans l’ombre d’un doute.
Et maintenant, la partie difficile : expliquer précisément pourquoi. Je me fais toujours avoir.

Là-bas (ici), on a Sarah. Jeune fille vivant seule avec sa mère, au moment où le monde entier est bouleversé par un étrange phénomène qui altère les perceptions de l’espèce humaine entière, au point de provoquer des hallucinations collectives d’une puissance effrayante.
Ici (là-bas), on a Sara. Technicienne de cimqa émérite mais en difficulté depuis quelques années, qui décroche enfin un contrat avec une des plus grosses boîtes de production du pays ; de quoi lui permettre d’enfin pouvoir assumer sa part dans le couple qu’elle forme avec sa compagne Eva.

Et on dira que ça suffit comme mise en bouche. On pourrait glisser une allusion pas très subtile à une progression parallèle des deux intrigues, à un lien qui se devine plus qu’il ne se montre, à d’autres détails utiles à faire monter le suspense ou créer un semblant de tension pré-lecture : je m’y refuse. C’est pas le plus important. C’est même assez secondaire, à mes yeux.
En vrai de vrai, je pourrais vous parler de plein de choses qui m’ont fait très tôt me rendre compte que j’allais être amoureux de ce bouquin. Des petits détails, certes, mais qui par leur accumulation et leur inexorabilité, m’ont conquis autant que séduit. Une myriade de minuscules perfections, je ne saurais pas mieux l’exprimer : chapitre après chapitre, des images et des séquences dont je n’ai jamais su décoller les yeux, autant parce que je voulais savoir ce qui allait se passer la page d’après que par pur attachement aux personnages qu’Auriane Velten me proposait de suivre. Un attachement entièrement provoqué par la sensationnelle sensation de lire quelque chose de vrai, de sincère et d’original, parce que mû par une passion d’une fraîcheur et d’une force singulières. Un petit tsunami d’émotions organiques, le genre de ceux qui me font sauter mes réflexes analytiques pour simplement me rappeler que je peux encore me faire avoir par des bouquins qui me surprennent, malgré tout.

Alors à ce sujet, oui, peut-être que j’ai deviné certains aspects clés du récit un peu tôt, parce qu’on ne se refait pas ; mais je crois que l’autrice n’en avait pas plus à faire que moi. L’essentiel est ailleurs. L’essentiel, il est dans l’exploitation fiévreuse d’un concept qui aurait pu paraître éculé s’il n’avait pas été soutenu avec une approche nouvelle et percutante à mes yeux ; à la fois simple et complexe, selon qu’elle soit vulgarisée ou non. Ce qu’Auriane Velten fait ressentir d’une manière impressionnante de clarté, d’ailleurs, notamment au travers de ses superbes dialogues entre Sarah et sa mère, dont la narration est émaillée de formules délicieusement oralisées qui ancrent encore plus le récit dans sa réalité et permettent l’immersion autant que l’attachement, en fonction des points de vue convoqués.
Comme je l’ai réellement compris récemment, si je l’aime autant ici, c’est que le style fait usage de vecteur plutôt que de fin en soi, retranscrivant parfaitement les réalités que décrit Auriane Velten, avec la nuance qu’apporte le prisme de perception de ses personnages. Ce n’est que le jeu de différenciation entre ces perceptions qui pourra éventuellement vendre la mèche au lectorat attentif, sans pour autant le priver du sel du récit. Car ce sont bien les dynamiques interpersonnelles et les ramifications naissant des éléments de l’intrigue qui donnent à ce roman toute sa force pour moi.

Sans aller trop loin dans les détails quand même, on a le droit à une très belle réflexion sur la nature des histoires et le pouvoir de l’imagination en lien avec leur marchandisation par une société toujours plus avide, nous privant de la liberté de créer comme de l’insouciance nécessaire à cette création. Au travers de Sara et Sarah, abordant toutes les deux des aspects bien différents de la création, Auriane Velten dresse un bilan en reflet inversé de notre propre rapport à la création, dénonçant avec une acuité implacable ce qu’on a pu, à force d’industrialisation du divertissement, collectivement perdre de vue. À une époque où la création pure est de plus en plus mise en danger par la cupidité de ceux qui n’y voient qu’une source de profit avant toute autre chose, il est assez gratifiant et salutaire d’interroger si frontalement la question ; d’autant plus via les prismes indirectement confrontés de l’insouciance enfantine et de la maturité désabusée.
C’est pour ça que je m’en suis foutu assez vite de savoir où tout ça allait : parce que j’appréciais trop le voyage pour ça. La destination n’était plus importante dès lors que j’étais si bien accompagné pendant mon trajet : j’avais envie de distribuer des câlins et des high-five à tout le monde. Combien de fois ai-je salué d’un rictus déterminé une phrase exprimant parfaitement mon opinion à un moment important, que ce soit une réplique bien sentie ou une verbalisation précise d’une situation trop évocatrice pour ne pas juste être vrai ? Beaucoup, c’est ça, la réponse ; beaucoup de fois.

Il m’a parlé, ce bouquin, voilà. J’ai un peu eu l’impression que parce qu’il a été écrit pour elle par son autrice, il a été écrit pour moi. Il m’a fait du bien parce qu’il m’a donné encore plus de foi dans ma conviction grandissante qu’il ne faut pas perdre de vue que nos histoires, toutes nos histoires, en dépit de leurs ambitions et de leurs échos, ne demeurent que des histoires. Oui, il y a souvent des ambitions intellectuelles, militantes, philosophiques, méta, que sais-je, dans les histoires qu’on nous propose et que nous lisons. Oui, ces ambitions vont parfois, souvent, bien au delà de ces histoires ; elles veulent nous engager à des réflexions importantes, voire vitales, sur l’état du monde, courant ou à venir. C’est vrai.
Mais pour autant, alors que cette histoire là m’a ponctuellement engagé à ce genre de réflexion, elle m’a aussi rappelé que nos histoires sont aussi là parce qu’elle nous font du bien. Qu’elles nous rappellent plus simplement ce que nous aimons ou non, et à travers elles, qui nous sommes.
J’aime les histoires qui me font du bien sans me mentir. Qui me font vivre des choses avec des gens qui n’existent pas mais qui existent. Que j’aimerais réconforter ou encourager, que je veux lire réussir, envers et contre tout, en dépit des obstacles et des injustices d’une vie qui nous échappe toujours forcément un peu, et qui n’est pas assez tendre envers nous. J’aime ces histoires qui me rappellent qu’il faut se battre, certes, continuellement, d’une certaine manière ; mais qu’on peut, et qu’on doit le faire avec le sourire.
J’aime Cimqa, et j’aime beaucoup Auriane Velten, parce qu’elle a écrit Cimqa.
Il va sans dire que je vous souhaite la même chose.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

6 comments on “Cimqa, Auriane Velten

  1. Symphonie dit :

    J’ai vraiment hâte de pouvoir lire ce roman ! Et faudra que je lise After, aussi 🙂

    Aimé par 1 personne

  2. Léa Delapierre dit :

    J’ai tellement hâte de le lire !!

    Aimé par 1 personne

Laisser un commentaire
Your email address will not be published. Required fields are marked *