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Dans l’ombre des miroirs, Marge Nantel

Over My Dead Body – Blind Channel (extrait de l’album Violent Pop)

Dans l’ombre des miroirs m’avait généreusement été confié par les éditions 1115 en même temps que la Trilogie du Singe lors de notre rencontre aux dernières Utopiales, et il était plus que temps que j’honore la promesse tacite qui nous liait depuis. D’autant plus que j’ai cru comprendre que l’autrice avait bientôt un nouvel ouvrage à paraître, le timing me paraissant d’autant plus optimal.
Et bon, je ne vais pas tourner autour du pot : le résultat est compliqué à verbaliser. Mes sentiments se mélangent un peu trop pour que je puisse les résumer de façon claire et concise. C’était bien, mais en même temps c’était pas si bien. Tout en étant quand même vraiment bien. Je suis pénible, en gros. Alors quitte à ne pas pouvoir faire court et limpide, on va faire un peu long et tortueux, si vous le voulez bien.

Gil de Sabhe est un ancien Assassin, manquant trop de discipline pour avoir fini son cursus, en dépit de son indéniable talent. Et s’il vit depuis de contrats de mercenariat ça et là au sein du royaume d’Askaar, il est subitement rappelé à son passé lorsqu’il porte par hasard assistance à son vieil ami Canopée, resté au sein de l’institution pendant toutes ses années, avec un grand succès. Mais de ce qui semblait n’être qu’un incident isolé n’est en fait que le début d’une longue et exigeante aventure menant les deux compères aux quatre coins du royaume pour déjouer ce qui semble être une complexe conspiration visant à renverser le jeune roi qui lui même a renversé l’ancien pouvoir d’Askaar quatre ans auparavant.

Et je pense que dans ce résumé, on tient exactement les données précises qui m’ont fait tout à la fois dévorer ma lecture et laissé un goût bizarre dans la bouche en le refermant. Et une fois n’étant pas coutume, on va commencer par ce qui est très réussi, à savoir, tout d’abord : les personnages. Surprenant, venant de moi, je sais, je sais. Mais oui, ce qui m’a d’abord et avant tout happé, ce sont les dynamiques interpersonnelles du roman, séduit que j’ai été par la gouaille de l’un, la classe de l’autre, le charme, la variété des personnalités, les dialogues en découlant logiquement ; le souffle, en somme. Et c’est ce qui, en dépit des quelques défauts sur lesquels je reviendrais après, m’a fait tourner les pages avec plaisir, encore et encore, jusqu’au bout, et sans la moindre peine, au contraire, avec grand plaisir. Toutes les péripéties de nos héros sont autant d’occasions pour de jolies scènes de camaraderie et de fraternité, comme d’habiles scènes d’action ou d’intrigantes séquences d’enquête et de conspiration. C’est plaisant parce que c’est vivant, tout simplement ; c’est enlevé, bien rythmé et globalement magnifiquement maîtrisé.

Mais vous noterez l’usage du mot « globalement ». Parce malgré mon indéniable plaisir, il faut bien dire que j’ai quand même tiqué plus d’une fois au fil de ma lecture, ne passant outre les quelques défauts trouvés qu’au crédit de tout ce qui était mieux fait et pour lequel j’étais réellement là. Comprenez par là qu’à plus grosses doses, les sources des reproches que je m’apprête à formuler auraient facilement pu me faire grincer des dents bien plus bruyamment ; ce sont plutôt leurs lentes et sournoises accumulations combinées qui m’ont fait finalement émettre un grognement de frustration une fois le roman refermé.
La première chose, c’est peut-être une volonté trop prononcée de mettre du mystère là où il n’était pas toujours nécessaire ou bienvenu. Quelques sous-chapitres insérés dans le récit pour nous donner le point de vue de nos antagonistes, dans l’idée j’y suis absolument favorable, ça allonge la sauce sans être indigeste, ça nous donne un peu d’ironie dramatique à nous mettre sous la dent, d’autant plus dans le cadre d’une conspiration. Sauf que Marge Nantel, dans l’optique de ne pas nous vendre trop tôt le fin mot du complot, se livre alors à des contorsions assez malvenues pour ne pas faire dire des choses que les personnages savent, mais que le lectorat ignore. On se retrouve avec des paraphrases lourdes et criantes d’artificialité, comme des images ou leurs absences qui créent comme des tâches de propreté au milieu de la crasse, devenant trop voyantes et attirant paradoxalement notre attention sur ce qu’on aurait peut-être ignoré ou oublié autrement. La mèche n’a pas été systématiquement vendue par ce biais, mais l’effet de surprise a presque toujours été amoindri – et dans mon cas ponctuellement annulé – c’est dommage.
Dans un tout autre registre, je regrette un peu le ton parfois viriliste et anthropocentré du roman, voulant peut-être trop insister sur l’aspect « moyenâgeux » du contexte Askaarien, tombant dans des tropes et clichés regrettables, d’autant plus qu’ils n’apportent rien à l’histoire et à son originalité ; nous détournant au contraire de ses forces propres et de ses indéniables efforts créatifs, dans l’ensemble très réussis. Tout comme je regrette le manque de consistance dans les informations fournies sur la magie d’Askaar, à l’utilité flottante et difficile à vraiment comprendre ; j’ai le sentiment qu’elle était plus là comme un joker à convoquer dans les situations où la mécanique ou la débrouillardise des personnages aurait été insuffisantes. Je ne doute pas que la magie de ce monde fait essentiellement sens et répond à des règles claires, mais j’avoue que je ne l’ai pas assez perçu au fil du récit, débordé que j’étais par la multitude des informations autres mises à ma disposition avec un clair sens des priorités par l’autrice.

C’est peut-être ça, finalement, mon souci avec ce roman : il en fait peut-être un petit peu trop, et se piège lui-même et tentant de piéger son lectorat. Devant déployer toute l’ampleur de la conspiration constituant son moteur principal, le roman doit rajouter des explications, des personnages, des motivations, des éléments nouveaux, des mystères – beaucoup – en permanence, et dans le même temps trancher dans le vif, faire certaines ellipses. Et si, dans une certaine mesure, je les comprends, je dois dire que les choix opérés dans ce sens ne m’ont pas particulièrement convaincu. Au contraire, même, je dirais que les efforts de Marge Nantel pour brouiller les pistes, particulièrement ceux usant de la spécificité du médium littéraire, tiennent presque d’une forme de malhonnêteté, ou alors d’une forme d’inconsistance : face à certaines révélations, j’ai relevé un sourcil dubitatif, me demandant si j’avais raté une info précédente ou si les personnages, censément assez balaises, n’avaient pas été atteints d’un accès aussi terrible que soudain de stupidité.
Finalement, le problème que j’ai avec Dans l’ombre des miroirs, c’est simplement que les aspects que j’ai le plus aimés dedans sont couverts par l’ambition un peu trop prégnante de l’autrice d’écrire sa conspiration aux dépens du reste de son récit. L’alchimie superbe entre ses personnages comme leurs échanges et leur complicité s’est très vite retrouvée le parent pauvre de la conspiration dont ils sont victimes à plus d’un titre, cette dernière prenant toute la place. Or, si ses mécaniques sont intéressantes en elles-mêmes, elles ne constituent pas ce que je préfère lire ; représentant un pan trop sombre d’un récit qui était par ailleurs merveilleusement lumineux. À trop se concentrer sur ses antagonistes et leurs motivations médiocres – et un peu clichées malgré leur compréhensible évidence – Marge Nantel a à mes yeux perdu de vue ce qu’elle avait de meilleur entre les mains, à savoir la luminosité de ses protagonistes, et leurs interactions.

Bon, après, tout ceci étant dit, je ne peux pas non plus dire que je n’ai pas apprécié le voyage : si on considère l’essentiel comme l’aventure et les péripéties, on a de quoi être pleinement satisfait. À ce égard, je dois même dire que j’ai été assez comblé. C’est juste qu’en parallèle de la conspiration et de son détricotage, l’introduction du roman m’avait semblé me promettre un joli roman d’amitié et de camaraderie ; et à ce compte là, je suis un peu resté sur ma faim. Tout comme j’ai été assez frustré par un aspect tertiaire du roman, composé notamment de sa conclusion, lequel m’a simplement laissé coi de confusion, inspirant pour grande partie mon sentiment d’amertume en refermant le volume : honnêtement, je ne suis pas sûr d’avoir compris ce que l’autrice voulait raconter à ce niveau précis, alors que cela semblait lui tenir à cœur. Dommage.
En bref, pour un lectorat moins tatillon que moi, ou moins attaché à des aspects analytiques de ses lectures, Dans l’ombre des miroirs sera sans doute un bon, voire très bon, roman de fantasy de capes et d’épées ; avec une distribution attachante et une construction très efficace. Pour un regard aussi acéré et difficile que le mien, le compte n’y est pas totalement, la faute à des choix discutables et à un certain manque de consistance tout au long de l’aventure. Mais je ne boude pas mon plaisir, dans l’ensemble, quand même ; comme toujours, c’est plus la frustration de l’absence que l’agacement de la présence qui me fait tiquer. C’est bien que le roman fait essentiellement bien son travail, je crois. C’est là le principal : j’ai passé un bon moment.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

One comment on “Dans l’ombre des miroirs, Marge Nantel

  1. Lullaby dit :

    Il faudra que je le lise ! En plus il était le premier roman à recevoir le prix Aventuriales, à sa création, si je ne m’abuse. Et vu que j’ai beaucoup aimé Hors Caste, de la même autrice, bien que dans un registre différent (romance dark fantasy), dontj’ai justement beaucoup aimé les personnages, il faudrait que je jette un oeil à et autre roman !

    Aimé par 1 personne

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