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Meute, Karine Rennberg

ANIMAL – Fever 333 (extrait de l’album STRENGTH IN NUMB333RS)
guarded – Flor (extrait de l’album come out. you’re hiding)

Au bout d’un moment, je ne sais sincèrement plus trop comment introduire des chroniques comme celles-ci. Parce qu’à force de laisser entrer des œuvres nouvelles dans mon spectre de perception, de découvrir des textes que je n’aurais sans doute même pas considérés comme des possibilités il y a encore de ça quelques années, je me demande vraiment si je peux encore parler de surprises. Parce qu’à force de tester, de laisser leurs chances à des récits censés ne pas être pour moi ou me faire sortir de ma « zone de confort », je me rends compte que cette dernière n’est pas si étroite que je l’aurais cru, finalement. Ou peut-être qu’à force d’affiner ma méthode de lecture, mon goût pour une lecture plus analytique qu’émotionnelle, recherchant par un instinct paradoxal des structures et des intentions cachées avant même de recevoir l’histoire elle-même, dans l’optique systématique de ces chroniques, j’ai changé. J’ai fini par élargir mon champ des possibles et élargissant celui de mes lectures. J’ai certes encore beaucoup de chemin à parcourir, mais je ne peux que me féliciter de celui déjà arpenté.
Parce que pour en revenir à l’objet de la chronique du jour, Meute aurait pu ne vraiment pas partir gagnant avec moi. Les quelques retours discrets glanés çà et là me parlaient d’un roman entièrement rédigé à la deuxième personne, penchant vers la tranche de vie plutôt que vers un découpage, disons, traditionnel, et surtout tournant autour des loups-garous, une figure fantastico-monstrueuse que je trouve sous-exploitée, certes, mais à laquelle surtout je ne suis pas du tout habitué. Des choix audacieux à mon échelle de lecteur, de fait.
Mais croyant très fort à ma Théorie (parce que je croise souvent Karine Rennberg sur Twitter, et qu’elle est cool), à mon envie de toujours tenter des choses au moins un peu nouvelles et aux bons retours, je me suis lancé.
Et ohlala que j’ai eu raison.
Voilà, l’intro est finie, je vais pouvoir expliquer en long en large et en travers pourquoi j’ai absolument adoré Meute.

Nath est un loup-garou solitaire, rattaché un peu par défaut à une meute, par commodité plus que par affinité. Il partage et gagne sa vie entre les missions violentes qu’il mène çà et là pour le compte de gangs, des combats en arène et une vie personnelle forcément compliquée. Son seul réel repère est Val, son équipier humain, qui vit sa vie comme lui, mais à un niveau au dessus, membre du gang des Lames. La vie de Nath se complique encore un peu plus le jour où sa meute adopte Loupiot, un jeune garou brisé par des circonstances inconnues mais qu’on devine terrible ; il se passe quelque chose entre eux deux qui ne s’explique pas. Mais qui va quand même bouleverser leurs vies.

Commençons parce qui a dû être le point de contention majeur pour beaucoup de monde, y compris avant même de commencer la lecture de ce roman, à savoir sa narration. Après Abimagique et La Cinquième Saison, Meute constitue ma troisième expérimentation d’un récit à la deuxième personne ; c’est clairement la meilleure à mes yeux. Et ce pour plusieurs raisons, la première et plus importante étant que cette focalisation, dans ce récit, fait sens ; elle confère à l’ensemble du récit une merveilleuse force d’immersion et de proximité, encore plus renforcée par la tri-polarisation des points de vue. Je savais déjà un peu, en soi, que la deuxième personne était un choix privilégié pour rendre compte de l’intime, malgré son côté un peu casse-gueule, mais Karine Rennberg a pour moi fait un job exemplaire de solidification de son édifice dans ce roman ; parce qu’elle a eu l’intelligence de plonger au plus profond de ses personnages pour rendre compte de leurs pensées de la façon la plus organique possible. À cet égard, si je dois légèrement (légèrement) regretter le manque de différences notables entre les expressions de Val et Nath dans leurs flux de conscience, je dois aussi reconnaître que ce déficit s’est fait plus criant par l’impeccable exigence mobilisée pour rendre compte de celui de Loupiot, qui pour le coup m’a soufflé. C’est avant tout une question de contraste. Je ne peux évidemment pas trop en dire, mais j’ai adoré le travail d’altérité du lexique et du discours de Karine Rennberg s’agissant de ce personnage à la construction si singulière.

Parce qu’on en revient toujours à l’altérité, évidemment ; et Meute en est rempli à ras-bord, et toujours de la meilleure des manières. Je considère ce roman comme une leçon de Show Don’t Tell, avec une mention spéciale à l’inventivité ponctuelle de Karine Rennberg pour faire vivre le concept. Je citerais à cet égard le chapitrage calé sur le calendrier lunaire, évidemment important pour des loups-garous, qui fait fi de notre temporalité classique pour faire basculer l’entièreté du récit dans un paradigme qu’on devine autre sans avoir à nous le faire expliquer. J’aime beaucoup l’idée que le monde de Meute n’existe pas en dehors de l’histoire des personnages que nous présente l’autrice, et ne nécessite pas donc plus d’exposition que ce dont on a besoin pour comprendre ses enjeux propres. D’autant que paradoxalement, je trouve que cet univers est d’autant plus organique qu’il ne s’étale pas dans des descriptions à rallonge ; puisque ces personnages le connaissent et n’ont pas besoin d’en dire plus que ce qu’ils pensent et vivent. Demeure qu’à force de détails, de réflexions et d’intrications, on devine à quoi ressemble l’ensemble sans jamais perdre le fil du récit lui-même ; c’est sans doute l’une des formes que je préfère. Rendue ici possible par la multiplication des points de vue et cette focalisation singulière laissant avant tout la place aux émotions et ressentis des personnages, au plus près, sans filtre ou presque.

Et c’est sans doute ça qui fait que ça marche. Les arguments imaginaires sont presque secondaires malgré leur présence au cœur de l’intrigue, au travers de la lupinité de Nath et Loupiot ; parce que ce qui compte ce sont surtout les dynamiques entre les personnages, leurs errements et leurs prises de décision. Je l’ai déjà dit par ailleurs, avec une bonne distribution et un bon traitement, je peux apprécier n’importe quelle histoire, dans n’importe quel contexte : c’est précisément ce qui est arrivé ici. Il aurait pourtant été facile de sombrer dans les bons sentiments à outrance ou dans un récit trop sombre, les ingrédients choisis par Karine Rennberg pouvant la faire basculer d’un côté ou de l’autre très aisément. Comme toujours avec moi, ce que je vais saluer est donc un sacré sens de l’équilibre, une belle, magnifique palette de nuances de gris. Parce que nos personnages ne sont certainement pas des enfants de chœur ; mais l’autrice rend suffisamment bien compte du contexte dans lequel ils évoluent pour nous faire comprendre que les jalons moraux sont déplacés. À paradigme différent, héros différents. Alors certes, ça suggère un peu de s’y faire, mais on comprend assez vite de quoi il retourne, et ça laisse de la place pour de jolies évolutions, littérairement et moralement parlant. Et du coup, bah, je m’y suis attaché, à ces personnages, et pas qu’un peu. Et quand je m’attache, je kiffe, tout simplement. Si j’ai pu vaguement craindre que le roman s’éternise arrivé à sa moitié, il a su au contraire parfaitement gérer son rythme et ses enjeux pour me convaincre tout du long, émotionnellement et analytiquement. C’était une très bonne histoire très bien racontée, avec juste ce qu’il fallait de simplicité dans le déroulé et la narration pour rendre compte de la complexité de l’ensemble, liant assez parfaitement à mon goût l’altérité d’un monde différent et les contraintes d’un quotidien universel.

En bref, j’ai vraiment adoré. Entre un format inhabituel exploité de la meilleure des manières possibles dans mon champ de connaissances, en correspondance totale avec les ambitions de son récit et les contraintes qu’il suggérait et un casting au poil (*wink wink*), je me suis régalé sur tous les tableaux. Alors forcément, je conçois que mon goût pour l’analyse et l’audace littéraire bien calibrée ait rendu cette lecture particulièrement aisée et agréable pour moi ; j’ai vu un double intérêt à la narration à la deuxième personne – inévitable, de fait – et j’avais donc autant de raisons de me réjouir, ce qui ne sera probablement pas le cas pour tout le monde. Il faut avoir le goût, aussi, de changer soi-même son angle de perception, pour apprécier pleinement ces récits, accepter de s’y immerger formellement à plein. Mais demeure qu’au delà de ça, des personnages organiques, des dialogues à l’avenant, beaucoup d’inclusivité et de diversité, un rythme maîtrisé et des enjeux délicieusement humains, j’ai très vite été conquis. Des fois, c’est pas plus compliqué que ça.
Je ne peux espérer que vous saisirez l’occasion de vous laisser séduire, vous aussi.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

9 comments on “Meute, Karine Rennberg

  1. L'ours inculte dit :

    Mais oui ! Il m’avait surpris également, et en très bien, ta chronique fait bien ressortir le sentiment à la lecture

    Aimé par 1 personne

  2. Lullaby dit :

    Un de mes coups de coeur de l’année ! Le meilleur roman de garou que j’ai lu (et j’adore les garous – sauf quand c’est prétexte à du gore, là je déteste), donc c’est dire l’ampleur du coup de coeur. Ta chronique est géniale et pointe exactement tout ce qui fait les qualités de ce roman !
    Lisez Meute !!!

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Yup. Une de mes plus belles découvertes de l’année, clairement, pour le moment. ❤

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  3. Callysse dit :

    Je vais totalement saisir l’occasion, il est dans ma PAL et sera lu très bientôt. J’espère autant l’apprécier que toi. Au passage, j’en profite pour te dire que j’aime beaucoup tes avis. J’ai découvert ton blog il y a peu et c’est un plaisir de te lire 🙂

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      C’est tout le malheur que je te souhaite.
      Merci beaucoup. ❤

      Aimé par 1 personne

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