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Les enfants de Sturgeon, Theodore Sturgeon

Afterglow – All Time Low (extrait de l’album Last Young Renegade)

C’est rigolo comme la passion littéraire, parfois, ça peut être circulaire. J’ai découvert Theodore Sturgeon un peu par hasard avec son merveilleux Les plus qu’humains, j’en ai dit tout le bien que je pensais, poussant quelques personnes de mon entourage virtuel à tenter à leur tour, et, aussi agréable que surprenante conséquence, on m’a prêté une anthologie de nouvelles dudit M. Sturgeon. Une jolie boucle bouclée, avec en plus la certitude joyeuse que le résultat serait au rendez-vous, tant cet auteur a su me persuader autant que mon convaincre de son singulier talent, en dépit des années de décalage.
Et si jamais le suspense vous était insoutenable quant à mon verdict : la réponse est oui. C’est encore une fois du très bon. Et du très bon dans un registre qui change de ce que j’ai pu lire de l’auteur jusqu’à maintenant, en plus. Avec, ceci étant dit, le luxe d’une certaine continuité thématique et narrative. En clair, c’est pareil mais différent, et c’est excellent.

Comme le nom de l’anthologie l’indique, on parle ici enfance, selon tous les différents angles d’attaque possible que l’auteur avait pu imaginer au long de sa carrière jusqu’à la publication de ce recueil. Des enfants vus par des adultes, pas d’autres enfants, par leurs propres yeux, par leurs parents : des enfants, avec tout ce que ça suggère de variété dans les thèmes et genres abordés. On a des histoires légères et des histoires nettement plus sombres, pour ne pas dire bien glauques, mais avec à chaque fois cet œil précis et exigeant d’un auteur dont le talent unique transpire à toutes les pages. On pourrais croire que j’en fais trop, mais vraiment, je suis toujours saisi par les fulgurances multiples et incessantes de Theodore Sturgeon, par son agilité, capable tout à la fois d’invoquer l’innocence de certains de ses protagonistes pour mieux la contrebalancer dans le même souffle par une résilience exceptionnelle face à la dureté et la violence d’une existence injuste, sans jamais perdre en crédibilité ou en organicité. C’est fort, je trouve, pour un adulte, de savoir se mettre au niveau de son sujet sans verser dans la condescendance ou le paternalisme ; d’avoir su, en quelque sorte, garder un lien avec son enfant intérieur.

Alors forcément, on est dans la continuité de ce que je pense savoir de Sturgeon désormais ; une science-fiction inventive- en tenant compte de l’époque de rédaction – et profondément bienveillante, toujours à rapprocher de Simak chez ses contemporains, ou de Becky Chambers avec un décalage un peu plus généreux. Il ne s’agit pas de se mentir sur la dure réalité du monde, mais d’ouvrir les yeux sur l’absence d’obligation de créativement se concentrer dessus ou de se laisser aller à une forme de fatalité ; on est – globalement – là pour se faire du bien en se racontant des histoires qui ne considèrent pas le conflit endogène comme une nécessité, plutôt comme un élément d’arrière-plan. Des bons sentiments bien équilibrés qui n’en font pas trop pour éviter de sombrer dans la guimauve étouffante, mais qui atténuent agréablement les rugosités malsaines les plus douloureusement familières. Alors après je dis globalement, évidemment, puisque certaines des huit nouvelles du recueil brillent aussi par leur âpreté, comparée à la relative douceur des autres récits, mais quelque part, cet effet de contraste bénéficie à tout l’ouvrage, dont le standard très élevé à mes yeux, exception faite d’une seule nouvelle que je crois malheureusement n’avoir simplement pas complètement comprise. Mais je blâme plus certainement un manque passager de concentration de ma part qu’un échec de rédaction de l’auteur, pour une fois.

Parce qu’il faut bien le dire, encore une fois, et je m’en fiche de me répéter : que ce soit dans ses romans ou dans ses nouvelles, Theodore Sturgeon a, bien au delà de ses belles intentions un peu fugacement gâchées par certains errements sémantiques dus à son époque, un sens aigu et brillant de la mise en scène littéraire. Iels ne sont pas nombreux·ses, je crois, les auteurices à aussi bien maîtriser le non-dit et le non-montré dans l’optique de ménager des surprises et des révélations organiques. Des détails qui semblent clairement n’être que ça, des petits points d’appuis narratifs semblant n’exister que pour permettre à Sturgeon de faire progresser ses intrigues ou caractériser ses personnages prennent régulièrement une dimension nouvelle à l’aune d’un éclairage inédit dans le texte, pour nous faire réaliser quelque chose d’évident et essentiel, mais jusque là camouflé juste sous nos yeux. Ce qui donne des chutes aussi surprenantes que savoureuses, qu’elles soient métaphysiquement signifiantes ou non, selon la gravité du ton souhaité par l’auteur au sein de chaque récit.

Une excellente anthologie, consacrée à un excellent auteur, dont décidemment, j’adore les ambitions humanistes autant que les singuliers talents narratifs. Le genre de brillance un peu trop flamboyante pour que j’arrive à seulement approcher une verbalisation satisfaisante à mes yeux. Mais c’est le genre de bataille que je suis heureux de perdre ; ça apprend l’humilité, incrémentiellement. Tout ce que je peux faire, dans ces cas-là, c’est vous encourager à découvrir ces récits par vous-mêmes.
En vous souhaitant bien entendu le même plaisir que moi.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

One comment on “Les enfants de Sturgeon, Theodore Sturgeon

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