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Fiction n°78 – Mai 1960

Vous pardonnerez le cadrage approximatif : curieusement, j’ai dû prendre la photo moi-même.

L’expérience Univers étant à mes yeux une totale réussite malgré son très jeune âge, j’avoue que j’ai accueilli d’un très bon œil le prêt de quelques numéros de la revue Fiction par un très bon copain à moi que je salue ici avec enthousiasme. Et puisque la raison et moi, ça fait deux, je n’ai même pas attendu d’avoir commencé ma lecture d’un premier numéro – celui qui nous intéresse aujourd’hui, fort logiquement – pour me porter acquéreur de quelques autres volumes pour moi tout seul en librairie d’occasion. Et vous l’aurez peut-être deviné, je vais donc faire exactement la même chose avec les Fiction qu’avec les Univers : je vais essayer d’en récupérer un maximum, et je vais lire les textes qui sont dedans, et puis vous dire ce que j’en pense. Et peut-être même que des fois, je m’intéresserais à des contenus annexes à l’intérieur, si la curiosité est suffisamment forte. Parce que l’archéologie littéraire, c’est trop bien. Tout simplement.
On est parti ?
On est parti.

Les premiers jours de mai, Claude Veillot
Récit d’invasion alien somme toute classique dans ses prémices initiales, raconté du point de vue d’un envahi humain, mais qui fait extrêmement bien le boulot en terme d’ambiance et de présentation de ses enjeux. Ça se lit tout seul, et ça raconte ses idées d’une manière très évocatrice, tout en glissant quelques prétextes à des réflexions intéressantes, notamment par des allusions très claires à un traumatisme historique encore récent à l’époque, jusqu’à une chute bien glaçante, bien triste comme il faut. Excellent.

Retour aux cavernes, Robert Sheckley
J’ai envie de donner le bénéfice du doute à cet auteur que j’aime très fort, mais j’avoue que je suis extrêmement partagé quant à l’interprétation à donner à ce texte. Il y a deux possibilités :
– Soit Robert Sheckley se fend d’un #NotAllMen victimaire terriblement clairvoyant de réaction, où les femmes sont responsables des errements masculins par leur refus de laisser leurs chances aux gentils garçons qui font exception à la crasse générale ; auquel cas ce texte est affreusement puant d’incélisme prenant l’apocalypse comme une excuse, et je suis très triste.
– Soit Robert Sheckley nous fait une Houston, Houston, lucide et glauque, où les saloperies commises par les hommes ne sont que leur seul responsabilité en dépit des excuses circonstancielles qu’ils pourraient bien se trouver, et ce texte manque simplement de clarté formelle au delà de quelques maigres indices quant à ses intentions. Et alors ce serait cool mais un poil raté.
Je pencherais plutôt pour la seconde option, étant donné ce que je crois savoir de l’auteur, je suis donc simplement déçu que ce texte ne soit pas aussi efficace qu’il aurait pu l’être, étant donné son concept et son point de vue.

Dents pour dents, Miriam Allen DeFord
In-cro-yable texte. Ambiance horreur fantastique, tenant une formidable ligne de crête entre l’interprétation enfantine terrible ou la vision adulte cynique d’une situation extrêmement ambiguë, l’autrice nous tient en haleine à coups d’allusions et d’avancées de l’intrigue qui nous font douter et redouter sans discontinuer jusqu’à une chute absolument brillante. Le genre de textes qui me fait bondir d’enthousiasme et lâcher des jurons incrédules ; il y a tout là-dedans, de l’excellente histoire à la métaphore sociale intemporelle. C’est pour ça que je fais de l’archéologie littéraire. Damn.

Dialogue avec le robot, Anthony Boucher
Encore un très bon texte. De prime abord, on a une réflexion dialectique autour de la foi et de la religion organisée, pas toujours parfaitement subtile ou équilibrée, mais bien racontée et intégrée à une intrigue efficace. J’ai surtout été séduit ici par une multitude de petits détails tous bêtes mais extrêmement bien pensés qui confèrent un souffle implacable à tout le récit, l’ancrant dans une réalité alternative assez fascinante. Si j’ai peut-être trouvé la fin un poil abrupte, demeure que le trajet lui-même était fort agréable et intellectuellement stimulant : le concept était trop bon pour que je fasse la fine bouche.

Témoignage perdu, Victoria Lincoln
Un texte dont j’aime bien l’idée mais dont l’exécution me paraît un tantinet bancale à force de jouer sur le cryptique, ou du moins sur une volonté d’ambiance un peu trop poussée. Je ne saurais dire si c’est par manque d’éléments précis pour appuyer la césure fantastique du récit ou autre chose, mais j’ai eu le sentiment d’une absence dommageable dans sa construction du début à la fin. C’est un peu frustrant, surtout en considérant l’excellent incipit et le très bon concept central : il aurait fallu un peu plus de chair sur le squelette pour moi.

Le Yoreille, Pierre Véry
Là aussi, un très bon texte, brillant surtout par l’excellence de sa narration humoristique et la pertinence de sa satire antiraciste et antieugéniste : ça file tout seul. On pourra regretter une conclusion un peu abrupte et un poil déprimante à l’aune du ton très léger du reste de son intrigue, mais ça reste dans l’ensemble une excellente nouvelle, magnifiée par ses quelques inventions conceptuelles et son atmosphère créative.

Le singe vert, Theodore Sturgeon
Sturgeon, bordel. La puissance littéraire d’un 33 tonnes sans les freins avec la subtilité et la douceur d’un vol de colibri, le genre qui me donne envie de faire des compliments entrecoupés de jurons très vulgaires pour essayer de faire passer mes sentiments avec suffisamment de force. Il en faut, du talent, pour parvenir à parler de stéréotypes de genre, de préjugés et d’orientation sexuelle avec autant de bienveillance et de pertinence clairvoyante. Exceptionnel, formidable ; tous les superlatifs du monde n’y suffiraient pas. Sans doute ma nouvelle favorite de l’auteur jusqu’ici, ce qui n’est pas peu dire. Quel roi, mais quel roi ! (Et en plus y a un truc en rapport au QI des foules dedans qui opère un rapprochement entre Sturgeon et Pratchett, ce qui me fait un plaisir incroyable. C’est pas essentiel mais je devais le dire.)

Vers un autre pays sans nom, Monique Dorian
C’est déjà pas de chance de passer derrière Sturgeon, mais encore moins avec un texte de type conte-fantastique, probablement l’un des sous-genres qui a le moins de chance de me séduire. Mais au delà de l’effet de contraste et du malaise générique, je pense que je n’avais aucune chance d’apprécier cette nouvelle ; trop de symbolique, pas assez de matérialité, trop d’éléments confusants et cryptiques. Je n’ai pas vraiment compris de quoi il était question là dedans, ou en tout cas avec trop peu de certitudes pour être convaincu. On est dans un entre-deux thématique et stylistique qui a le don de m’agacer, où on ne sait jamais vraiment sur quel pied danser entre les effets métaphoriques ou la réalité de la diégèse, avec une chute qui ajoute au mystère de façon superfétatoire plutôt que de l’équilibrer d’une manière qui à mes yeux siérait mieux au fantastique. Ça manque de substance, pour moi. Dommage.

Et s’il n’en reste qu’un…, Poul Anderson
Mon premier Poul Anderson, dites ! Il était temps. Et plutôt une très bonne découverte, ma foi. Si j’ai souvent du mal avec les histoires politisées à la sauce centriste en mode « les extrêmes ont tort à égalité on peut trouver un compromis », ici, l’auteur ne sombre pas bêtement dans cet écueil, avec l’excellente idée de plutôt se concentrer sur la bêtise du militantisme dans un contexte défavorable à son existence. En effet, quel est l’intérêt de vouloir porter la parole du Communisme ou du Républicanisme – à l’américaine, évidemment – quand la civilisation s’est effondrée ? Je dois bien dire que je suis assez séduit par l’idée principale portée par ce texte à mes yeux : quand un certain monde et son paradigme meurent, les idées qui sont nées en leur sein doivent pour l’essentiel disparaitre avec lui. En tout cas, il ne fait pas grand sens de continuer à se battre bec et ongles pour elles, et certainement pas de faire perdurer des inimités et haines obsolètes.
Dure, mais pas cynique, j’aime beaucoup cette nouvelle.

Suivez les instructions, Isaac Asimov
« Notre conte ultra-bref », pré-titre la rédaction de Fiction. En effet, une petite page, et hop.
C’est juste une blague, fondamentalement. C’est rigolo. Voilà.

Eh bah voilà. Comment dire que c’était assez incroyable, dans l’ensemble. Sacré standard de qualité, ça augure extrêmement bien de la suite, ça. Je note au passage, tout de même, un truc très intéressant à la suite des textes de ce numéro : un sondage d’opinion auprès du lectorat de la revue, accolé aux résultats du sondage du numéro deux itérations en arrière (le n°76, donc). Les réflexions à coup de pourcentage et d’humeurs de la rédaction en réaction à certaines remarques du lectorat sont assez amusantes, notamment celles concernant la propension d’un illustrateur de la revue à abuser d’images de jeunes femmes dévêtues . 80 ans en arrière, et certaines choses n’ont toujours pas changées. Comme quoi, hein…
Mais bref, je suis extrêmement content. Il y a là-dedans des textes dont je sais que je vais m’en souvenir longtemps, pour en pas dire pour toujours ; et dont j’ai hâte de pouvoir parler, encore et encore, avec toute personne de suffisamment bonne volonté pour me lire ou m’écouter.
Rendez-vous au prochain numéro ! 😀

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “Fiction n°78 – Mai 1960

  1. frey jean-pierre dit :

    quel plaisir d’avoir un lecteur de qualité relire des « fiction » anciens , je vous lis régulièrement, époustouflé par votre facilité de rendu-compte…alors là je trépigne pour le suivant , j’étais dèjà enthousiaste sur les « univers » plus ma génératio de lecteur , j’ai commencé les fiction vers 1973  merci

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Ce commentaire me touche énormément, merci beaucoup. J’ai encore plus hâte de m’y pencher de nouveau, du coup.

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