search instagram arrow-down

Si vous ne me suivez par sur les réseaux sociaux, où je suis le plus actif, vous pouvez être prévenu.e par mail à chaque article.

Rejoignez les 117 autres abonnés

Infos Utiles

Mes réseaux

Archives

U-H-L #44 – Houston, Houston, me recevez-vous ?, James Tiptree Jr.

Sinnerman – Nina Simone

Si mes retours sur la collection UHL ces derniers mois ont pu être moins enthousiastes que par le passé, sans doute à cause d’une certaine accoutumance à son standard de qualité et d’une plus grande connaissance de mes goûts et d’un pan de la culture littéraire de l’Imaginaire ; je ne renierai jamais mon attachement singulier au travail éditorial du Bélial’. Tout simplement parce que même si parfois l’alchimie n’a pas lieu, ou pas autant qu’elle a pu avoir lieu par le passé, et en dépit de ponctuelles complètes incompatibilités d’humeur, je ne cesse d’y trouver des éléments de réflexion et des occasions de découvrir des textes qui autrement m’auraient sans aucun doute échappé.
Et pour le texte qui nous concerne aujourd’hui, au delà de sa date de parution initiale de 1976, c’est sans doute son auteur complètement anonyme dans l’horizon de mes connaissances qui aurait pu le plus aisément justifier – sans excuser – mon ignorance. Si la formule du titre m’était vaguement familière, c’était bien tout ce qui me parlait là-dedans ; il s’est agi d’une complète découverte d’un texte que je devinais être un vieux classique peut-être un peu obscur pour le néophyte que je suis.
Et une singulière découverte ce fut. À plus d’un titre.

Procédons par ordre, et avec transparence : sachant que je me lançais dans un texte datant d’il y a près de 50 ans, je me suis mis dans une posture mentale adéquate, m’ouvrant tout autant à la possibilité d’une excellente surprise qu’à celle d’une expérience compliquée proche de celle de ma lecture de La Chose. Et soyons honnêtes, je m’attendais plutôt à la seconde, anticipant un texte conceptuellement novateur voire pionnier, mais formellement et thématiquement daté, flirtant volontiers avec le malaise dû aux années.
Et franchement, j’ai très bien fait. Puisque j’ai pu, de cette façon, apprécier pleinement le récit pour ce qu’il était, à savoir une expérience conceptuelle brillante pour son époque, quoique foncièrement gâchée par des marqueurs narratifs et culturels absolument insupportables à lire aujourd’hui. Toujours la même ironie mordante, en découvrant un texte passé, de voir à quel point il a pu être important ou même essentiel à créer les conditions idéales d’apparition d’ouvrages ultérieurs bien meilleurs, profitant du terrain défriché par les erreurs subjectives de ce qui est un imparfait pionnier.

L’ironie est d’autant plus prégnante à mes yeux qu’on sent une réelle clairvoyance dans l’écriture situationnelle du récit, faisant œuvre d’une anticipation exceptionnelle pour l’époque à beaucoup de niveaux, accompagnée par un propos social assez renversant dans sa frontalité. Sauf que ce dernier m’a semblé être gâché, tout le long du récit, et jusqu’à sa conclusion, par une curieuse ambivalence, notamment dans son regard sur les femmes, au travers d’un male gaze omniprésent et de personnages principaux masculins assez détestables, chacun dans leurs registres, bien qu’étant présentés comme des hommes biens souffrant simplement de circonstances complexes à gérer, et donc atténuantes. C’est assez curieux et déstabilisant, de fait, d’avoir un récit qui se présente clairement comme féministe, mais fait preuve de ce vieux paternalisme condescendant en même temps, reconnaissant qu’il y a effectivement un problème, mais refusant d’en comprendre les causes profondes comme les bonnes solutions à appliquer pour y remédier, quitte à blâmer sournoisement les femmes de tout.
À vrai dire, jusqu’au tout début de la rédaction de cette chronique, mon avis final sur cette novella était assez ambivalent, lui aussi, logiquement. Si je voyais bien les qualités objectives du texte, en termes science-fictifs purs, comme ses qualités littéraires propres, notamment dans sa structure narrative assez maline et son déroulé fluide pas évident à construire ; subjectivement, je ne pouvais pas vraiment souscrire aux valeurs que ce texte semblait défendre, y voyant un constat misogyne, crépusculaire et pessimiste sur l’avenir de l’humanité, comme sur sa condition générale au moment de sa rédaction.

Sauf que, par une curiosité assez rare pour moi, une inspiration cosmique, je suis allé voir qui était ce James Tiptree Jr., quand même. Histoire de voir de quel bois était fait le bonhomme, histoire de pouvoir peut-être, après une rapide recherche, me faire un avis plus tranché sur la question, et comprendre exactement qu’elle pouvait être son intention avec un texte comme celui-ci. La recherche a été rapide. La solution de l’énigme lumineuse. Évidente. Enthousiasmante.
Je n’ai plus aucun doute, et j’adore ce bouquin, sur au moins deux ou trois niveaux différents.

Et je n’en dirais pas plus. Parce que si vous savez, vous savez, et alors je pense qu’on se comprend. Et si vous ne savez pas, je pense que vous avez d’excellentes raisons de faire exactement le même chemin que moi, pour comprendre ce formidable texte exactement comme je l’ai compris, éventuellement de voir comme moi à quel point il est visionnaire et puissant, dans des dimensions assez rares.
Bien joué le Bélial’, et encore une fois, du fond du cœur, merci. (Pour la collection UHL et les SP. Et votre travail en général.)

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

3 comments on “U-H-L #44 – Houston, Houston, me recevez-vous ?, James Tiptree Jr.

  1. Jean-Daniel Brèque dit :

    Bravo pour cette critique absolument fascinante.
    Dans un sens, vous êtes le lecteur (ou la lectrice) idéal(e) pour cette réédition, puisque vous ne connaissiez rien ou presque de Tiptree mais avez pris la sage précaution de vous renseigner avant de rédiger votre critique. Vous revivez ainsi la sidération qui a saisi le milieu de la SF américaine lorsque sa véritable identité a été révélée.
    Cela prouve, entre autres (nombreuses) choses, que Tiptree est décidément trop oublié de nos jours. On va tâcher de remédier à cela.
    Jean-Daniel Brèque

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Merci infiniment pour ce retour de retour, je suis ravi ! =)
      Et merci pour votre travail de curation comme de traduction, j’ai hâte de voir ce que vous allez pouvoir nous dénicher et magnifier encore.

      J’aime

Laisser un commentaire
Your email address will not be published. Required fields are marked *