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Fiction n°90 – Mai 1961

Dans ce numéro : une histoire dont je ne vous parlerai pas parce que je n’ai que la première partie à ma disposition.

Besoin de plaisir, encore et toujours : Fiction est une de mes sources les plus fiables ces derniers temps, alors je ne vois aucune raison de me priver. Comme la dernière fois, j’ai visé les noms connus et de confiance au sommaire pour faciliter mon choix.
À noter un sommaire un peu bordélique avec les nouvelles rangées dans le désordre, privilégiant curieusement un ordre générique plutôt que l’ordre des textes dans le numéro. Mais bon, c’est seulement vaguement confusant, pas vraiment gênant. Par ailleurs, j’aurais adoré avoir le numéro 91 pour pouvoir enfin lire ce fameux Tour d’écrou d’Henry James, ici coupé en deux, on verra si un jour la chance en occasion me sourit.
Mais bref :

L’odeur de la salsepareille, Ray Bradbury
Un texte très mélancolique sur la puissance des souvenirs, au travers d’un prisme fantastique très léger et symbolique. C’est très élégant dans l’exécution, et c’est assez parlant et efficace ; même si je dois bien admettre que le choix de Bradbury d’un style très maniéré a sans doute un peu dilué la force de ses images. J’aurais sans doute été plus percuté par quelque chose de plus simple et direct, renforçant encore un peu plus le concept initial, qui fonctionne particulièrement bien seul. C’est franchement bien, mais pas forcément aussi bon que ç’aurait pu être.

Tous les pièges de la Terre, Clifford D. Simak
C’est toujours saisissant de voir s’établir des liens plus ou moins prégnants entre certaines des œuvres que j’ai lu dans les bibliographies des auteurices dont j’ai exploré le travail. Et ici, il est assez frappant de constater que certains des thèmes qui intéressaient Clifford Simak dans À chacun ses dieux lui avaient déjà traversé l’esprit au moins une bonne décennie avant sa parution initiale. Et donc, là encore, on parle de robot et d’âme, de quête d’identité et d’humanité au sens le plus noble et large possible, dans ce qui pourrait presque faire ressembler cette nouvelle à une préquelle préparatoire au roman, en plissant un peu les yeux de l’esprit.
De fait, thématiquement et narrativement, c’est très proche, quoique avec une finalité différente. Mêmes instances métaphysiques et réflexives émaillant un récit où les avancées de l’intrigue sont presque accessoires à une idée plus large, même bienveillance Simakienne classique marquant toutes les interactions entre les personnages, à l’exception d’une qui dénote vraiment et que je trouve infiniment étrange, pour ne pas dire dérangeante. Mais demeure que comme toujours avec cet auteur, même si ça n’atteint pas forcément les plus grands standards, il y a toujours a minima quelques idées brillantes par leur simple existence et la sobriété de leur mise en place, sans que leur manque d’approfondissement soit le moins du monde frustrant. Parce qu’on sent que l’auteur dirige ses réels efforts et notre attention sur autre chose. Clifford Simak fait partie à mes yeux de ces salopards magnifiques, si talentueux que même lorsqu’ils ne fournissent que le minimum d’effort évident, vous éblouissent ponctuellement de leur classe.
Ce texte n’est pas peut-être pas le plus spectaculaire ou exceptionnel que j’ai pu lire, mais il est signé par un titan, et ça se sent malgré tout, au travers de son ambiance tendue, de ses quelques idées fortes et de son exécution limpide. Comme à chaque fois.

Les racines du mal, Miriam Allen DeFord
Depuis l’exceptionnel Dents pour dents, je scrute avec fébrilité le nom de son autrice. Elle aurait pu motiver le choix de ce numéro à elle toute seule si Clifford Simak et Ray Bradbury n’avaient pas été de la partie aussi.
Et bon, sans trop de surprise, mais un (tout petit) peu d’aigreur, c’est moins bien ce coup-ci. Conceptuellement parlant, c’est très sympa, puisqu’on opère un décalage d’altérité fort intéressant, avec une nouvelle contée du point de vue d’une espèce arboricole intelligente. Là où le bât blesse, c’est que l’altérité demeure extrêmement plastique et ne va pas chercher bien loin dans les ramifications divergentes de notre humanité. Et de fait, moralement parlant, force est de constater que ça a pas mal vieilli, avec une intrigue aux implications tristement rétrogrades, en dépit de quelques fulgurances de progressisme teintées de paternalisme patriarcal old school. Disons que c’est efficace pour ce que ça propose dans son contexte, mais on sent que le décalage a mis les lacunes en évidence. Pas du genre à me faire craindre les prochaines lectures de l’autrice, mais à me faire revoir mon enthousiasme à la baisse, par prudence.

Un modèle dernier cri, Robert F. Young
Un petit conte moderne tournant autour des attraits pervers de la technologie trop belle pour être vraie. C’est rigolo, mais guère renversant, d’autant que tout y est assez évident ; il aurait sans doute été plus intéressant de transgresser les tropes attendus que de simplement dérouler une intrigue aussi classique, en dépit de ses quelques éléments contemporains. Pas mauvais, mais pas fifou non plus.

Le domaine interdit, Gérard Klein
Un court texte qui semble proposer une réflexion métaphysique sur la nature de l’univers et la perception humaine de ce dernier. Je ne peux pas dire que j’ai été emballé. Il y a indéniablement une idée ; quoique à mes yeux exploitée de manière très verbeuse et un peu trop cryptique pour être séduisante. Arrivé au bout, je ne saurais trop dire où tout cela voulait aller, et j’ai le sentiment écrasant qu’il manquait quelque chose à l’ensemble pour réellement exprimer quelque chose d’un tant soit peu convaincant. Meh.

Rencontre avec l’Ankou, Jacqueline Osterrath
Là encore, rien de conceptuellement renversant, mais on peut saluer un effort stylistique et une verbosité volontaire qui rendent l’anecdote au cœur de ce petit récit bien plus croustillante qu’elle ne l’aurait été sans cet emballage faisant office d’habile diversion. Amusant, poétique, ma foi fort sympathique.


[Complément d’informations :
On commence avec une chronique littéraire signée Michel Ehrwein, titrée Lorsque demain s’appelle hier. Avec une citation du Matin des Magiciens de Pauwels et Bergier et exergue. Ça annonce une couleur. Laquelle, je ne sais pas trop, mais ça l’annonce.
Et rarement un de ces textes de non-fiction de mes Fiction m’aura rappelé avec une telle acuité tout le temps passé depuis la publication de ce que je suis en train de lire. Puisque Michel Ehrwein commence sa chronique par le constat que l’humanité vient tout juste d’avoir son premier contact avec l’espace et peut commencer à envisager d’aller vers la Lune ou Mars, voire à penser à un premier contact avec une vie extra-terrestre. C’est loin, 1961, c’est très loin.
L’idée ici, c’est dans un premier temps d’interroger notre rapport à cette question d’une espèce non-humaine à travers les âges, en partant de Lucrèce. D’examiner les différentes hypothèses et leurs réussites. C’est chouette, comme concept. Très chouette.
Sauf qu’en vérifiant pour combien de pages j’en avais de cet alléchante chronique, je me suis rendu compte qu’elle aussi était incomplète, et promettait sa conclusion au prochain numéro. Je vais donc rajouter le n°91 sur la liste des Fiction que je veux *vraiment* retrouver, et je reviens vers vous.
En attendant, avec mes excuses, on va aller du côté de la revue des livres.
Pour commencer, Alain Dorémieux nous présente Les 25 meilleures histoires noires et fantastiques de Jean Ray, chez Marabout. Le rédacteur en chef de la présente revue prend d’abord et avant tout le temps de se féliciter d’avoir été parmi les premiers en France à publier l’auteur belge dont la reconnaissance semble avoir bien trop tardé à ses yeux avant de commencer sa recension. Et c’est assez amusant, mais j’ai le sentiment que cette dernière colle assez bien avec mon ressenti lors ma lecture du Livre des fantômes : des qualités et des défauts qui se nourrissent mutuellement pour donner un résultat mitigé, mais riche de personnalité. J’apprends au passage un point important sur l’auteur, de langue flamande mais écrivant en français, ce qui explique sans doute certains des choix formels étranges que j’avais pu relever moi-même. Je me réjouis de voir que certains de mes textes préférés du petit recueil que j’avais lu font partie de l’anthologie, ce qui me laisse croire que si je devais, d’aventure, retenter le coup avec l’auteur, je pourrais y trouver un peu mon compte. Cool.
Format inédit, je crois, et qui a peut-être été abandonné par la suite : double chronique, avec un encadré « Le pour et le contre », où Alain Dorémieux et Jacques Van Herp nous donnent leurs avis opposés à propos de Plus noir que vous ne pensez, de Jack Williamson ; Dorémieux se chargeant directement du contre, et Van Herp du pour.
Et ironie suprême, je ne trouve aucun des deux partis particulièrement convaincants, s’attachant tous les deux à des aspects peu parlant du récit de Williamson, en dehors d’un concept alléchant, à mi-chemin entre SF et fantastique, constituant sans doute une sorte de proto urban-fantasy. Pour le côté historique, du coup, je serais curieux. Un peu.
Au tour de Demètre Ioakimidis, maintenant, de nous parler de La Guerre des Salamandres, de Karel Capek. Et je vais faire court : le critique est globalement enthousiaste à propos du travail de l’auteur tchèque, convoquant les ascendances littéraires d’Orwell et Huxley pour évoquer le présent texte, lui prêtant des qualités de satire et d’ironie brillantes. Ça part sur le radar direct. Mais j’avoue que « Les Editeurs Français Réunis », ça ne me dit rien, comme maison, alors je suis moyennement optimiste. On verra bien.
Passons donc à Celten Taurogh, signé d’un certain Lieutenant Kijé, par Alain Dorémieux. Et si ce dernier peut régulièrement me faire grincer des dents avec son machisme vieil école et certains réflexes hérités d’un temps heureusement révolu, je dois quand même lui reconnaître une certaine conscience politique fort agréable à lire ; s’il est prêt à analyser les qualités purement littéraires de ce qu’il recense, il n’oublie jamais de prendre une position intellectuellement politisée. Et donc, le bouquin dont il est question pue le réactionnariat fasciste à des kilomètres, et Alain Dorémieux ne s’y trompe pas. C’est agréable à lire en termes critiques bien posés, une opposition claire à cette foutue gangrène.
Et puisque même à l’époque on n’était pas dupes, Jacques Van Herp nous expédie non pas deux, mais trois FNA vite fait bien fait : Les rescapés de demain, de Peter Randa, Le carnaval du cosmos, et Océan mon esclave de Maurice Limat, ces deux derniers dans la même chronique. Pas le temps de niaiser, Jacques. En gros, des romans honnêtes mais pas terribles quand même. Convenus, ou manquant de souffle. FNA, quoi. Qui est surpris ? Pas moi.
Et pour finir cette section, Demètre Ioakimidis nous parle de Je suis d’ailleurs, signé par un certain H.P. Lovecraft.
« En tout premier lieu, il serait à peine exagéré de dire que Lovecraft a écrit non pas un certain nombre de nouvelles, mais bien un certain nombre de fois une même nouvelle. » Demètre Ioakimidis, en intro de cette chronique, explique vouloir exposer certaines des faiblesses de Lovecraft, encore au début de sa gloire posthume importée en France, et autant dire qu’il ne fait pas semblant. C’est aussi pour ça que je l’aime en tant que critique : il ne fait jamais semblant. Mais il n’est pas seulement là pour défoncer le travail de Lovecraft en pointant du doigt ses – réels, à mes yeux – défauts, mais juste pour le remettre en perspective, à l’aune de ses propres préférences en terme d’horreur et de fantastique. Et il équilibre ça très bien en éclairant l’ascendance littéraire et les ambitions du créateur du mythe des Grands Anciens ; ce que tout bon critique devrait faire. Et de fait, sa conclusion est la suivante : « Une fois reconnue l’identité des trames qu’il utilisait, il vaut la peine d’admirer la richesse des dessins dont il savait les orner. » C’est beau.
On passe une tribune libre à propos d’un article sorti dans le numéro précédent – que je n’ai pas lu, vous l’aurez compris – et on finit par une revue des films, titrée à Wells à l’écran, par F. Hoda. (Ils mettent son prénom nulle part, c’est extrêmement frustrant.) Il est ici question, coup sur coup, d’une adaptation américaine de La machine à explorer le temps par George Pal, puis de c celle, allemande, de La mort dans le filet par Fritz Bottger. Et euh… bon. C’est lacunaire. Deux chroniques séparées des deux films auraient sans doute été plus pertinentes, tant le lien entre les deux métrages est visiblement absent. À vouloir introduire son propos et vaguement essayer d’y apporter une vision générale, le chroniqueur perd son temps et manque de substance concrète dans ses deux critiques-en-une. Basiquement, le premier film a ses faveurs, le deuxième beaucoup moins, et voilà. Dommage.
Une note bien fade pour conclure.]

Et un nouveau numéro dans la besace. Toujours un plaisir, même quand les textes ne sont pas forcément à la hauteur de mes standards, encore plus quand ils le sont. La pure excitation de l’exploration à l’aveugle, et de la découverte ponctuelle de liens littéraires inattendus. C’est pas trop bien, franchement ?
Ça se passe de commentaires, à force.
Hop là.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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