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Un éclat de givre, Estelle Faye

No Roots – Alice Merton

Quand je m’attaque à un bouquin qui s’inscrit dans une saga où un certain continuum littéraire que j’ai déjà abordé par le passé, j’ai souvent tendance à relire mes anciennes chroniques pendant ou après ma lecture. À la fois pour me remettre dans le bain, d’une certaine manière, mais aussi adapter mon œil et mes pensées à l’état d’esprit qui m’habitait précédemment. Et puis aussi me remémorer ce que j’avais pu dire histoire de pas trop me répéter.
Je vous dis ça parce que c’est un peu rigolo : en allant relire ma chronique d’Un reflet de lune en préparation de celle du jour, je me suis rendu compte que j’avais introduit la première exactement de la manière dont je m’apprêtais à introduire la seconde. À coup de lamentations sur ma difficulté à ouvrir un bouquin en y croyant vraiment. Même si à force, vu que je vous joue ce couplet tous les trois mois ou presque, je commence à relativiser le sentiment. J’ai beau chouiner, je suis toujours là, et vous aussi, d’une certaine manière. Donc bon. Rien de vraiment dramatique.
D’autant que je finis toujours par me décider, d’une manière ou d’une autre, et que ça se finit plus souvent bien que mal. En somme, des problèmes de riche.
Parfait exemple ici, d’ailleurs. C’était cool. Alors certes, j’ai lu les deux bouquins dans le désordre, ce qui ne change pas grand chose, fondamentalement, mais il est néanmoins assez clair que le deuxième lu souffre – un chouïa – d’avoir été le premier publié des deux, et que même si l’ordre de lecture avait été différent, j’aurais sans doute plus apprécié le premier lu et deuxième publié.
C’est pas clair, c’est normal. Je vais vous expliquer ça, tranquillou.

Je crois sincèrement que dans l’appréciation d’une œuvre quelconque, l’effet de surprise compte pour beaucoup. On aime aussi et surtout un bouquin ou un film ou un jeu-vidéo à l’aune de ce qu’il a su nous cueillir ; quand on sait précisément à quoi s’attendre et que c’est exactement ce qu’on finit par avoir, ça joue généralement en défaveur de l’œuvre en question, et ce peu importe le niveau de complicité ou de malice de cette dernière. Alors certes, le niveau de défaveur peut aussi être à nuancer, ça peut être marginal comme titanesque, ça dépend de la qualité générale de ce qu’on nous propose, mais n’empêche que je crois sincèrement que c’est un argument à ne jamais mettre de côté. C’est bien pour ça que les suites sont un exercice particulièrement retors ; il faut réussir à équilibrer les éléments de confort familier et les éléments plus nouveaux pour renouveler la formule sans pour autant la trahir. C’est compliqué.
Et c’est d’autant plus compliqué ici que j’ai lu la suite d’abord, pour ensuite lire le volume qui l’a précédée, tout en sachant que les deux romans étaient tout de même indépendants en terme d’intrigue pure. Je me suis lancé dans ce premier épisode en y voyant plus une continuité thématique à ce que je savais qu’autre chose.
Tout ça pour dire que si j’ai des reproches à faire à ce roman, c’est uniquement, je pense, par contraste avec ce que je sais de son successeur ; il ne souffre finalement que de la comparaison. Une comparaison qui, d’ailleurs, me semble finalement profiter à Un reflet de lune plus qu’autre chose. Car il est le témoin de la maturation de son autrice, ou a minima, de la maturation de ses thèmes et personnages d’un tome à l’autre. Dès lors, je ne peux pas vraiment chroniquer Un éclat de givre autrement qu’à travers ce prisme écrasant.

Ces deux éléments en tête, je peux commencer à vous expliquer exactement mon ressenti à propos du roman du jour, je crois. Je l’ai aimé, mais il me paraît clair et évident que je peux absolument pas autant l’aimer que sa suite, tout simplement parce que sa suite est plus réussie à tous les niveaux. Tous les éléments qui m’ont séduit et convaincu l’année dernière sont là, mais sans le niveau de raffinement et d’efficacité auxquels est parvenu son autrice en l’espace des 7 ans qui séparent les deux tomes. Je l’aurais sans doute plus apprécié avec l’effet de surprise dont a bénéficié sa suite.
Si j’ai effectivement été captivé par ce Paris postapocalyptique, poisseux et étouffant mais pour autant vibrant de vie, j’ai trouvé que son exposition au travers des yeux de Chet pouvait parfois un peu trop virer à la carte postale désincarnée, au guide touristique un peu artificiel, expliquant son fonctionnement à défaut de nous le faire vivre complètement.
Tout comme j’ai trouvé Chet un peu moins touchant dans cette première aventure, parce qu’écrit avec moins de sensibilité, ou peut-être un peu moins de pudeur ; il ne m’a pas semblé aussi fragile et émouvant. Sans doute parce que son processus décisionnel ici m’a semblé être moins solide, narrativement parlant, ou tout bêtement parce qu’il m’a plus fait l’effet d’un fuck-boy un peu égoïste et pas toujours très affuté ; là où il m’avait fait l’impression d’être victime de sa Gueule d’Amour et de devoir composer avec dans la suite, créant une certaine empathie qui ici m’a un peu échappée.
De la même manière, si le côté un peu frénétique et démantibulé d’Un reflet de lune avait assez vite fini par faire sens à mes yeux, se rattachant précisément à la psyché un peu fêlée de Chet et rebouclant proprement tous les éléments de son intrigue avant sa complète conclusion ; la narration d’Un éclat de givre est tout bêtement moins maîtrisée. C’est un peu plus le boxon, et ce boxon est moins satisfaisant à suivre. Pas mauvais, hein, on s’entend, mais on voit un peu plus les coutures, les raccourcis, les choix un peu précipités histoire d’avancer vers le bouclage, quitte à sacrifier certains aspects de l’ensemble. De fait, on se retrouve avec une histoire un peu coupée en deux, faisant une impasse assez regrettable sur certains morceaux, perdant du coup en immersion et en crédibilité.

Mais encore une fois, cette impression de déception est à prendre avec de très délicates pincettes : je pense que si j’avais lu ces deux romans dans leur ordre de parution, j’aurais été beaucoup moins critique avec le premier et simplement plus élogieux avec le deuxième : comme témoin des progrès d’une autrice déjà excellente, et côtoyant régulièrement l’exceptionnel. Il suffit juste d’interpréter mes très relatifs reproches à Un éclat de givre à l’envers pour comprendre exactement ce que je célèbre dans Un reflet de lune. Dans les deux cas, on a une aventure queer à la frontière des genres, joyeusement foutraque et bien efficace, résonnant thématiquement de manière très évocatrice avec l’actualité du moment ; c’est juste que fort logiquement, la deuxième itération est globalement plus réussie que la première, notamment avec une conclusion plus propre et moins précipitée, tout simplement parce que son autrice manipule mieux sa matière et parvient à lui faire exprimer plus de choses d’une plus belle manière.
L’essentiel à retenir, c’est quand même que j’ai bien kiffé les deux fois.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “Un éclat de givre, Estelle Faye

  1. Avatar de oursinculte L'ours inculte dit :

    Bon j’ai bien fait de lire celui-ci d’abord alors, je l’ai beaucoup aimé ! Mais j’ai toujours pas lu l’autre, fichtre

    Aimé par 1 personne

    1. Avatar de Laird Fumble Laird Fumble dit :

      C’est terrible ça dis moi. Qu’est ce que tu vas bien pouvoir faire !?
      Dit-il d’un ton sarcastique pas dénué de tendresse.

      J’aime

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