
Showbiz – Palaye Royale (extrait de l’album Death or Glory)
Jamais deux sans trois, dit le proverbe, issu d’une discutable mais paradoxalement implacable sagesse populaire. Le genre d’idée qui n’a probablement aucune autre base statistique qu’une impression partagée et une mémoire sélective des évènements. Quelque chose auquel on aime bien croire parce que ça nous donne une certaine sensation de contrôle sur le monde qui nous entoure, dans tout ce qu’il a de plus imprévisiblement cruel et surprenant.
Bref, j’ai demandé avec enthousiasme et totale confiance le SP du prochain roman d’Auriane Velten parce que les deux précédents étaient d’abord foutrement prometteur, puis franchement excellent ; et que je croyais très fort au troisième. Vous me suivez ? Évidemment que vous me suivez.
Bon, léger disclaimer, histoire de faire dans la transparence : Auriane et moi, depuis le temps, nous sommes lié·e·s par une forte et précieuse amitié ; pour preuve – et pas du tout pour flex – on se retrouve tous les mercredis pour boire un verre en bonne compagnie, et je suis carrément dans les remerciements du présent roman avec nos camarades de refaisage de monde. Ça c’est dit.
Ce qu’il me reste à dire, c’est que ce roman était encore une fois, sans surprise mais avec surprise quand même – j’me comprends – une très bonne lecture.
Sans que nous le sachions, nos croyances humaines, au fil des siècles et des millénaires, se sont modelées en figures bien réelles, en personnes vivant leurs vies propres en parallèles des nôtres, ne dépendant que de la force de la foi que nous plaçons en iels. Cassandre est l’une de ces croyances, au caractère découlant des différentes visions dont elle a pu faire l’objet depuis Homère, condamnée à être une prophétesse malheureuse, d’autant plus en souffrance qu’elle ne sait que trop bien la malédiction qu’elle porte en elle. Quand Robin des Bois meurt, pourtant doué d’une réputation toujours solide, Cassandre sent très vite que quelque chose ne va pas, et qu’elle sera probablement la seule à s’en inquiéter assez pour tenter d’éviter une catastrophe d’envergure inédite.
Bon, et là, je suis bien embêté. Parce que ce roman, figurez vous qu’il est assez riche. Ce qui, hors contexte, pourrait ne pas tant être un point de contention pour votre serviteur ; sauf que dans le cas présent, ça m’embête un poil. Parce que ladite richesse, elle procède d’allégories, de métaphores et de propos plus ou moins directs découlant de ce que l’autrice a à dire sur l’état du monde et des gens qui l’habitent ; et que tous ces propos, je trouve, s’expriment vraiment pleinement une fois la moitié du roman passé.
Ce qui n’est pas pour dire que la première moitié est vide ou quoi, hein, elle n’est à la rigueur qu’un peu trop pédestre à mon goût, suivant notre héroïne le temps de bien installer son statut de croyance et de nous permettre de la suivre dans ses pérégrinations le temps de bien capter de quoi il est question de manière générale dans l’histoire qui la concerne. Mais disons que si je salue avec enthousiasme le concept de départ de ce roman, ce que je pourrais avoir à en dire qui ne spoilerait pas salement les enjeux profonds de son intrigue reste relativement superficiel et évident : explorer les conditions d’existence de personnages vivant selon les conditions de création dictées par leurs artistes respectif·ve·s à travers les âges, c’est basiquement super cool.
Mais ce qui est évidemment bien plus intéressant, c’est ce qu’en fait Auriane Velten. Dans la droite continuité de Cimqa, il est ici question d’explorer plus avant et selon un tout nouvel angle l’obsession toute humaine pour l’idée de raconter des histoires et d’y ancrer nos croyances collectives, partagées ou non. Et comme je le disais plus haut, j’ai du mal à me projeter dans l’idée de trop en dire au sujet de ce que j’ai compris de ce roman, parce que comme je n’aime pas lire des chroniques qui en disent trop sur les enjeux thématiques d’un bouquin que je n’ai pas lu, j’aurais du mal à vous infliger ça moi-même. Question de cohérence, vous comprenez. Sauf que bon, il faut bien que je dise quelques trucs, quand même, histoire de vous donner envie à la hauteur de ce que j’ai apprécié dans cette expérience littéraire.
Disons que ce roman parle assez frontalement du danger de mort encouru par nos imaginaires, du pourquoi et du comment de cet appauvrissement, mais aussi et surtout des conséquences potentielles de notre manque de foi dans les histoires que nous nous racontons. Ce roman parle très crûment mais pas sans subtilité de la résignation qui peut parfois s’abattre sur nous face aux horreurs du monde, et de notre réaction face à nos ponctuels constats d’impuissance. Mais pas que.
Je dois bien admettre que connaissant assez bien l’autrice, maintenant, forcément, certains passages de ce roman ont résonné avec moi d’une manière unique, qui n’était pas vraiment à l’avantage du texte, puisque faisant directement référence à des conversations qu’on avait pu avoir avant que je le lise. Forcément, rien qu’avec le titre et quelques éléments de l’histoire, j’avais une assez bonne idée de ce qu’Auriane Velten voulait raconter et pointer du doigt avec son histoire. Et puisque une grande partie de mon plaisir de lecture consiste à résoudre le puzzle moral et métaphysique qu’on me confie, il était assez inévitable qu’avec un texte de cette nature, en quelque sorte fourni avec les coins et les bords déjà assemblés, je ne puisse pas en profiter à fond. Si on ajoute à ça le fait que je partage une grande partie des sentiments les plus négatifs et déprimants exprimés dans ce récit, on aurait tout à fait pu tomber dans une triste catastrophe.
Mais comme je vous l’ai dit, ce texte est très bon ; mes précautions oratoires ne sont ici qu’affaire de contexte. Parce que ce roman, mine de rien, il parvient à empiler un nombre de couches symboliques et concrètes assez magnifique. La Cassandre invoquée par Auriane Velten est légion : elle mobilise une infinité d’idées et de sentiments dans son sillage. Au delà d’être un super personnage dont l’histoire mérite d’être suivie au plus premier des degrés, elle sert aussi de vecteur(s) allégorique(s) à son autrice, et ce d’une manière particulièrement riche et multiple. Oui, je me répète, j’en ai bien conscience, mais j’insiste. J’ai beau avoir saisi l’astuce de ce roman assez vite à mes yeux, n’attendant finalement qu’un déroulé compétent et malin de thèmes que j’anticipais assez nonchalamment, sans lassitude ou déplaisir, mais avec une forme de complicité entendue ; j’ai fini par me faire avoir un peu quand même. Cette autrice est décidemment trop maline pour moi, et c’est formidable. Oui, je l’ai rejointe sur le constat premier qu’elle dresse au fil de son récit, je l’ai rejointe sur une grande partie de ses propositions et et idées autour de ce constat, et pile au moment où j’attendais une conclusion à l’avenant, elle a fini par un dérapage contrôlé assez élégant. Et c’était aussi déroutant que plaisant.
Trois sur trois, donc. Voilà qui fait bien plaisir. Et qui fait d’autant plus plaisir qu’à l’instar d’un Résolution, ce c’est-comme-ça a réussi à m’avoir d’une manière complètement inattendue et à planter tout plein de petites graines dans le terreau de ma tête. J’adore ces lectures à emporter, dont je sais qu’elles n’en ont pas fini avec moi au prétexte que je les ai refermées. Pour quelqu’un comme moi qui, à force, me dit que je suis de moins en moins capable d’être réellement pris au dépourvu, je suis bien contraint et forcé de reconnaître que cette idée ne tient pas vraiment debout. Et c’est : formidable.
Bref, si vous voulez une bonne histoire sur les histoires et les gens qui les habitent, sur ces croyances qui nous habitent et nous sculptent de l’intérieur, sur ces personnes qui n’existent pas mais qui existent, lisez c’est-comme-ça. Et kiffez. Juste… Kiffez. Je vais commencer à croire que ce kiff est plus plus que ce qu’il n’est, et Auriane Velten aura participé à me convaincre.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

Cela semble être un récit d’une très belle poésie et philosophie intérieure. Je suis intriguée.
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Y en a. =)
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