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Trois Oboles pour Charon, Franck Ferric

Better Luck Next Time – Written by Wolves (extrait de l’album Secrets)

Vous savez comme je suis maintenant, si vous me suivez depuis un certain temps ; je ne m’embarrasse plus des résumés et je fais confiance à mon instinct, autant qu’aux maisons d’édition. Un belle couverture joue aussi, mais voilà, des fois, je vois et j’achète, c’est pas plus compliqué que ça. J’ai déjà narré ici des instances de petits miracles, de rencontres fortuites qui m’ont menées à des découvertes de bouquins extraordinaires, ou qui en tout cas m’ont touché, les rendant extraordinaires à mes yeux. On ne va pas tourner autour du pot, ce roman là n’en fait pas partie. Du tout. Plutôt une de ces autres occasions, à saisir différemment, celles qui vous font lutter, vous tannent le cuir et affinent vos goûts d’une manière inattendue, en vous donnant de nouveaux critères que vous ne connaissiez pas forcément avant. On trouve ses petites victoires là où on peut.

Un homme se réveille endolori au milieu d’un champ de bataille, une pièce de métal inamovible, fixée à son œil gauche. Il ne se souvient de rien, si ce n’est de son désir constant de fuir une guerre qui semble toujours être capable de le rattraper. Finissant par succomber, il se retrouve face à Charon, le nocher des Enfers, qui semble le haïr et refuse de le faire passer, arguant d’une vieille malédiction que les dieux font peser sur lui. Il se retrouve donc à renaître de nouveau, toujours amnésique, sur un nouveau champ de bataille, puni pour un passé et des fautes qu’il ignore, avec seulement des cicatrices pour tenter de se rappeler quelques détails.

Un concept fort séduisant au départ, sans nul doute le point de départ de ma frustration, renouvelée tout le long du roman, à mesure que j’avançais dans les récits qui le composent. Puisque je n’ai malheureusement pas trouvé grand’chose d’autre pour me séduire entre ses lignes. Le style est élégant mais s’essaie peut-être un peu trop à la sophistication à mon goût, tournant parfois à la caricature, manquant surtout cruellement d’efficacité et de sobriété dans certains de ses moments les plus intenses. Une volonté d’allier la beauté du texte à l’évocation, sans doute, de certains des grands thèmes chers à la littérature, mais qui n’aura pas su me séduire, tout simplement ; pour le coup une simple incompatibilité d’humeur.
Dans le même registre, la focalisation semble faire des bonds entre la première et la troisième personne sans pour autant quitter la perspective du personnage principal, allant jusqu’à raconter des choses dont il ne devrait pas avoir conscience ou dont il n’a pas pu être témoin. Ce qui a suggéré un effort de compréhension supplémentaire ça et là, afin d’être certain de bien suivre ce qui m’était raconté sans perdre le fil d’une histoire somme toute simple. Un artifice d’écriture dont je ne suis pas sûr de comprendre l’intérêt premier comme l’intention en elle-même, et qui en plus m’a fait sortir du texte à plusieurs reprises, trop concentré sur sa signification plutôt que sur le roman en lui-même.

Mais mon véritable problème est ailleurs, et il est malheureusement de taille, au cœur du roman, son personnage principal, affectant négativement de son immensité de nombreux autres aspects. Je pense que cette chronique ne souffrira pas d’un spoil mineur, dont la nature même ne sera pas surprenante, à savoir son identité, centrale aux enjeux dont il dépend, et qui dépendent de lui. Tant que j’ignorais, tout comme lui, qui il était, j’avais une carotte pour avancer dans un récit qui, de par sa construction même, était relativement redondant. L’enchaînement des époques, des conflits et des péripéties ne suffisait pas vraiment à me satisfaire, mais j’espérais en apprendre plus au fur et à mesure peut-être, découvrir de nouveaux enjeux, pourquoi pas des éléments cachés qui auraient donné un nouveau sel à ces répétitions. Et à partir de cette révélation, très maline, je l’admets, quoique trop brutale dans son explication, je me pris à espérer une évolution du personnage, en fonction de cette nouvelle donne. Mais que nenni. Rien ne change. Malgré ces nouvelles informations, rien ne change, tant dans le déroulement des événements que dans les motivations du personnage ou ses méthodes.

Et entre ces partis pris d’écriture, tant narratifs que dramaturgiques, je me retrouvais devant deux constats possibles : soit je n’ai pas compris, soit ce que j’ai effectivement compris me déplaît. Avec un peu de recul, je pencherai plus volontiers sur la deuxième solution, sans exclure la première. Il se dégage, à mon avis, de tous ces choix et de cette histoire ou succession d’histoires un cynisme et un fatalisme que je ne peux pas goûter. Une représentation de toute l’humanité au travers de son représentant, qui en donnerait une description passablement triste. L’incapacité du personnages principal, que j’aurais du mal à qualifier de héros ou même de antihéros, à apprendre de ses erreurs, son acharnement à continuer toujours dans les mêmes voies sans issues sans autre explication que sa rage et son obstination me l’ont rendu terriblement antipathique, surtout une fois qu’il sait qui il est et pourquoi il a été puni. Pas une seule fois il ne tente une simple remise en question, passant ton temps à blâmer ses bourreaux, sans jamais interroger l’hubris qui l’a amené à sa punition. De la même manière, l’opposition que représente Charon, et d’autres personnages invisibles à travers lui, m’a paru aussi vaine que stérile, tant dans ses motivations que dans ses méthodes. Il a sans doute manqué une dose de motivations, de nuances et d’explications plus logiques, au delà d’une fatalité, d’un destin implacables, pour réussir à me convaincre. Sans compter cette conclusion, aussi étrange qu’abrupte, qui m’a laissé un goût étrange, comme une dernière pirouette un peu désespérée pour donner un nouveau sens à un récit jusque là un peu obstiné dans ses thématiques et ses exécutions.

Vous l’aurez donc compris, une lecture qui m’aura souvent laissé de marbre, par moments même agacé, notamment par son aspect forcené, quasi binaire. Un exploit aussi rare que regrettable dans mon parcours de lecteur, puisque j’essaie de me focaliser en priorité sur ce qui me plaît. Or, force est de reconnaître que je ne suis pas parvenu à trouver grand chose à mon goût dans ce roman. Trop de choix qui ne correspondent simplement pas à ma vision de la littérature, ou tout du moins auxquels je n’ai pas réussi à attacher un sens qui m’aurait convenu, dans le cadre de ce récit. L’impression d’y voir un inventaire des travers humains, une sorte de fatalisme confinant au nihilisme ; juste pas ce que j’ai envie de lire, en général comme en particulier. Et comme toujours, la frustration somme toute tenace, même si stérile, je l’admets, de voir une bonne idée et un bon concept tourné.e.s dans un sens qui ne me paraît pas être le plus pertinent à disposition. Une autre fois peut-être.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “Trois Oboles pour Charon, Franck Ferric

  1. muriellerochebrunet dit :

    Hélas, c’est un peu comme quand on offre un cadeau, l’emballage est sublime et le ruban trop beau …. et puis c’est le drame 🙂

    Aimé par 1 personne

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