
Nothing More – Go To War (extrait de l’album The Stories We Tell Ourselves)
Après une trop longue période de disette littéraire due à une de mes habituelles baisses d’humeur, je me suis dit qu’il me fallait quelque chose de spécifique pour reprendre. Une lecture de confiance, que j’avais pu anticiper avec envie, en terrain conquis, en quelque sorte, à la fois suffisamment léger pour ne pas risquer la moindre prise de tête, mais avec des enjeux à appréhender pour remettre la machine en marche. Je me suis donc en toute logique tourné vers le copain Olivier Gechter, dont j’avais déjà pu dire du bien lors de la chronique du premier volume de son Baron Noir, L’Ombre du Maître Espion. Les perspectives étaient bonnes, à la réouverture de ma magnifique intégrale ; approfondissement de l’uchronie, de ses personnages et des enjeux du récit, avec toutefois un style très direct que je qualifierais volontiers de pulp, n’y entendant rien d’autre qu’un compliment.
Et bien entendu, aucune mauvaise surprise ; au contraire. On prend les mêmes, on recommence, et on injecte des choses en plus, on fait évoluer l’ensemble, sans se dédire mais sans se répéter. Une réussite donc, que je m’en vais décortiquer un peu pour vous.
Quelques temps après les événements de L’Ombre du Maître Espion, Antoine Lefort assiste à la première de l’adaptation théâtrale des Misérables lorsque une explosion retentit en plein cœur de l’opéra. La cible n’était autre que Louis-Napoléon Bonaparte ; l’instigatrice, quant à elle, est Bel Ange, une furieuse anarchiste, armée d’un fouet d’acier, d’une technologie avancée faisant concurrence au Baron Noir, et d’une volonté à toute épreuve. Autant dire que le Baron Noir aura beaucoup de travail et des épreuves de taille à affronter, y compris voire surtout intérieures, s’il compte pouvoir empêcher un désastre de frapper la République.
Si j’avais pu remarquer ma surprise face à la rapidité d’exécution du premier volet du Baron Noir, j’étais cette fois-ci totalement préparé à un volume d’une longueur à peine plus grande, mais je m’attendais à un récit plus dilué grâce aux mises en place du premier volet. Et en effet, là où son prédécesseur pouvait un peu pêcher par son empressement, Bel Ange se permet de prendre un peu plus son temps, et cela n’a que des effets bénéfiques sur l’ouvrage, comme son rythme général. Comme on dit, ça se lit tout seul. Au delà de son style direct, que j’apprécie beaucoup car il se prête excessivement bien à la narration de ses événements, le récit ne se perd jamais au delà de ce qu’il souhaite raconter. À l’instar des inventions du Baron et de ses amis, on sent bien que rien n’est laissé au hasard, chaque élément est bien à sa place et participe de l’avancée globale ; entre habile foreshadowing et ironie dramatique. On sent une réelle maîtrise ; d’autant plus lorsqu’on se croit malin d’avoir su voir quelque chose venir pour finalement se rendre compte que c’était une diversion pour tout à fait autre chose.
Mais par dessus tout, ce tome a su agréablement me surprendre par le renouvellement de ses ambitions. Si j’avais salué la décontraction du premier tome, son côté pulp et ses qualités de mise en bouche, j’ai pu très clairement continuer ma mise en appétit et me nourrir ; sans pour autant totalement me rassasier avec la lecture de Bel Ange. Beaucoup de nouveaux enjeux font leur apparition, et pas des moindres. Si nous avons toujours droit à nos scènes d’action débridées à vapeur, il n’est plus seulement question de castagner des méchants, il est aussi question de réfléchir à leurs motivations ou au statu quo de la république Bonapartiste. Ce qui nous donne l’occasion de donner raison à Bel Ange sur certaines de ses revendications, comme de douter par moments de celles d’Antoine Lefort ou du Baron Noir. Et il faut bien dire que c’est là quelque chose de diablement rafraîchissant, que ce soit à l’échelle de cette intégrale ou de façon plus générale ; parce que cela donne une dynamique autre à la narration, brouillant d’autant plus efficacement les pistes que c’est fait avec une certaine élégance.
Tout le souci étant pour moi, comme souvent, de ne pas trop en dire, en considérant une fois de plus que ce volume demeure assez court. Mais bien plus dense, ceci étant dit, que son prédécesseur, puisqu’il bénéficie largement de son travail de mise en place, comme je l’avais pressenti. Aucune déception donc, au contraire. Tout ce qui fonctionnait dans le premier volume fonctionne toujours de la même façon, et tous les ajouts et évolutions s’imbriquent parfaitement dans la structure pré-existante. Les personnages prennent en épaisseur, gagnent en complexité, créent de nouveaux enjeux auxquels s’attacher ; et Olivier Gechter s’amuse plus que jamais à bidouiller l’Histoire, toujours avec précision, mais jamais sans malice. Un parfait exemple d’une suite réussie qui sait exploiter les qualités de son premier volet pour les magnifier et les transcender. Autant dire que je suis très chaud pour le troisième volet, espérons qu’il soit à la hauteur des promesses formulées dans ses deux volets précédents. Et quelque chose me dit que j’ai toutes les raisons du monde d’être confiant.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
Du coup, je crois que je vais me mettre au premier volet !
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