Mölÿazah : 4
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C’était probablement une des plus belles grottes qu’ils avaient pu explorer depuis le début de leur partenariat, et il ne faisait aucun doute sur le fait qu’elle leur apporterait un butin à la hauteur. La façon dont les plants de solantes progressaient le long des murs et éclairaient leur chemin, la hauteur du plafond, l’élégance de l’architecture, rien de tout cela n’était pleinement naturel.
C’était sublime, et un œil non exercé s’y serait sans doute trompé, obnubilé par les reflets hypnotisants de la lumière des fleurs sur les filons de calorite qui leur renvoyait des éclats rouge feu à chacun de leur mouvement. Mais ils ne se feraient pas avoir ; ils étaient là pour trouver un trésor caché. Et aussi bien dissimulé qu’il puisse être, ils ne se laisseraient certainement pas distraire.
Leurs pas prudents finirent par les mener dans ce qui semblait être un cul-de-sac, mais qu’ils identifièrent immédiatement comme une épreuve : les gravures sur la paroi du fond ne laissaient aucun doute. Malgré leur apparence totalement naturelle, elles portaient une forte signature magique, un enchantement pulsatile du plus bel effet et d’une grande élégance. Cielle qui avait conçu tout ce joli parcours était quelqu’un de grande puissance. Un excellent signe de plus. Ils allaient s’en mettre plein les poches avec cette découverte. Ne restait qu’à comprendre ce qu’on attendait d’eux.
Laissant Kolio derrière lui, Dëni s’avança vers la paroi, c’était lui le cerveau, après tout. Il posa la main sur les gravures, un amas de griffures sans sens apparent, pour sentir si un message quelconque y était dissimulé. À premier ressenti, ce n’était qu’un enchantement de protection relativement classique, mais il y sentit comme un faux rythme, une anomalie. Bordel, un minuscule enchantement était enchâssé dans le premier ; son auteur était définitivement une sacrée pointure pour réussir un coup pareil. Mais un peu naïf, aussi, pour croire que n’importe qui pourrait le détecter. Ou alors sacrément retors. Après tout, c’était une épreuve, l’idée était aussi de faire un tri.
Patiemment, et au prix d’une sacrée dépense d’énergie, il défit un à un les fils de l’enchantement pour découvrir le message magique qui se cachait derrière ce qui n’était finalement qu’un gigantesque leurre destiné à décourager les plus pusillanimes des chasseurs de trésor.
Il éclata d’un rire incrédule en entendant finalement une voix masculine étonnamment juvénile résonner au fond de son crâne en même temps qu’une merveilleuse sensation de chatouillis lui remonter le bras en couvrant ses doigts de sève Naturelle.
« Bonjour, et bienvenue à toi ! La paroi va s’écarter dans quelques secondes. Tu as bien mérité mon cadeau. Fais en bon usage ! »
Il s’écarta de la paroi en jouant de la sève qui lui recouvrait presque entièrement la main, savourant la sensation d’onctuosité et le goût du succès. Il se tourna vers vers Kolio, qui, fidèle à lui-même, n’avait pas bougé d’un pouce, la main sur son glaive. Il le sentait impatient malgré son visage fermé. Il le vit quand même esquisser un rictus de satisfaction quand la roche derrière lui se mit à grincer sous la pression du mouvement induit par l’enchantement, pour finalement se fondre en elle-même. Ça aussi, c’était très joli. Ce n’était pas seulement un mage, ce type trop jeune pour être vrai dans sa tête, c’était un artiste.
Très vite, un trou juste suffisant pour les laisser passer s’était formé, laissant le passage libre vers une pièce pleinement architecturée, à coup de briques de granit gravées de symboles et de plein de jolies choses dont les compères n’avaient rien à faire. C’était le piédestal – magnifique au demeurant – qui les intéressait beaucoup trop pour s’attarder à faire dans le contemplatif.
Dessus était posée une dague. Sublime, évidemment, tout en courbe et en tranchant, parcourue de gravures en haut-relief ; évidemment qu’elle était enchantée, elle aussi. Mais c’est un bas-relief, pourtant discret, à la base de la lame, qui attira le regard de Dëni aussi sûrement que la lueur d’un phare en pleine tempête.
Un « S » stylisé. Et pas stylisé n’importe comment. C’était une signature.
Il se tourna vers Kolio dans un hoquet de surprise extatique.
« Mec… C’est une Shark. »
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