
Body Language – Rocheii
Je suis assez fier de moi, je dois admettre, quand j’ai l’occasion de prouver qu’il me suffit parfois d’un rien pour tenter de nouvelles choses, littérairement parlant. Alors certes, dans le cas qui nous concerne aujourd’hui, de la pub faite par Catherine Dufour qui a aussi fait la préface du bouquin dont elle fait justement la pub, on ne peut pas décemment dire que ce soit rien, j’en conviens. Mais demeure qu’avant que Mme Dufour ne me signale l’existence de ce petit recueil de nouvelles chez une maison d’édition dont je n’avais jamais entendu parler, par un auteur qui m’était aussi totalement inconnu ; je n’aurais jamais eu la moindre chance, je pense, de tomber dessus même par hasard, et encore moins de tenter le coup. Impossible de le savoir, dans l’absolu, mais quand même, ce Tango des Ombres ne serait sans doute pas parti gagnant pour que je lui laisse sa chance sans le concours de circonstances qui m’y a finalement mené.
Et maintenant que le concours est terminé, qui est le gagnant ? Comme souvent quand il s’agit de tenter des choses, c’est moi. Parce que ce petit recueil de nouvelles, il était fort sympathique. Et comme le veut la tradition, je vais vous expliquer pourquoi.
Chance pour moi, là où je dois souvent me triturer les méninges pour trouver un angle d’attaque correct au moment de chroniquer un recueil de nouvelles, ici, Jean-François Seignol m’a mâché le travail. L’auteur du jour est passionné par le tango argentin ; alors il en fout partout ou presque. Et je trouve ça cool, même si je ne suis vraiment pas fan du tango argentin (je suis pas fan de grand chose, c’est de ma faute), parce que ça donne à l’ensemble une colonne vertébrale, et d’une nouvelle à l’autre, on s’y retrouve, dans certains thèmes ou dans le vocabulaire. C’est confortable, et assez original, aussi, j’aime bien. Ça change, quoi. Surtout que malgré ce point commun à 80% des récits du recueil, on trouve dans l’ensemble une vraie variété générique et thématique ; on gravite autour d’idées fixes avec des variations, encore une démarche que j’aime beaucoup.
Et comme le recueil est relativement court et que je n’ai pas envie de passer trop vite sur un ouvrage qui mérite une véritable attention, pour une fois, je vais détailler un peu mes avis sur ses 5 nouvelles, d’autant plus qu’elles sont suffisamment variées pour justifier qu’on s’y arrête avec un minimum de soin.
Le tango des ombres : La nouvelle éponyme, à l’ambiance dystopique poisseuse, suivant un jeune policier dans son infiltration d’un cercle de danse aux implications nébuleuses. Un motif relativement commun mené de façon classique mais sobre et efficace, avec une certaine élégance dans ses explications les plus techniques et quelques bonnes surprises ça et là pour pimenter le tout. Bien aimé, mais sans plus, la faute peut-être à une trop bonne anticipation de ma part de l’astuce centrale qui n’a pas réussi à ma surprendre.
La nuit où tu m’aimeras : Nouvelle à chute dont je ne peux pas dire grand chose sans risque de trop en dire. Je l’ai crue un peu faible jusqu’au moment de la finir, où j’ai retiré ce que j’avais pu penser d’un peu négatif. Beau travail atmosphérique et réflexif pour brouiller les pistes et préparer la conclusion qui reboucle très proprement l’ensemble.
Candombe : Nouvelle de pure SF que j’ai absolument adorée, ironiquement celle qui fait le lien le moins direct avec le tango, mais qui pour autant ne se départ pas d’une certaine connexion avec la musique en général, et avec le côté duel du tango en particulier. Super travail de construction de l’altérité, d’un contexte certes pas forcément bouleversant d’originalité, mais rempli de petites et moins petites idées qui lui confèrent un souffle et une personnalité réel·le·s, ce dont je suis toujours plus friand que l’inverse. Il y a là une certaine mélancolie bien dosée qui m’a parlé, à l’instar d’un sous-texte évident de nos jours mais qui fait toujours du bien par où il passe. Et mention spéciale à la conclusion qui au delà d’une référence bien placée, m’a fait sourire en elle-même au plus premier des degrés. Complète réussite.
Paso doble : Ma meilleure surprise du recueil ; là où j’anticipais une classique nouvelle fantastique autour du thème du double maléfique, je me suis retrouvé avec une jolie métaphore sociale pleine de malice et d’une forme de douceur complètement inattendue. Si la chute aurait sans doute méritée un tout petit plus de soin ou de plein mystère pour ménager l’incertitude, l’essentiel demeure largement préservé, avec notamment un superbe moment de bravoure lors de la première et véritable résolution du récit. Une preuve de plus que le fantastique bien manié peut faire des merveilles et que j’ai sans doute beaucoup d’occasions futures à saisir pour pleinement me réconcilier avec le genre.
Le flot : Clairement ma seule mais réelle déception, après l’excellence globale du reste du recueil. Une bonne idée, sans doute, mais je crains trop construite à partir de sa finalité, souffrant donc d’une construction à rebours un peu trop faible, prenant trop de raccourcis et usant de trop de facilités. Il y avait là un concept séduisant, mais pas assez exploité à mon goût pour seulement en exprimer la moitié du potentiel. Il en aurait fallu plus à tous les niveaux pour me convaincre.
Mais malgré cette conclusion un poil bancale à l’aune de l’ensemble, l’essentiel est ailleurs : ce recueil est une très jolie surprise remplie de bonnes choses et de réalisations littéraires aussi solides que séduisantes. Encore une fois, à tenter un truc vaguement à l’aveugle, je n’y ai été rien d’autre que gagnant. Quel privilège.
Que ce soit la maison d’édition concernée ou l’auteur : je note.
Merci pour la pub, Mme Dufour. 😉
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
Bon ben c’est malin, maintenant j’ai (encore plus) envie de le lire ! Je vais finir par me désabonner (non) !
J’aimeAimé par 1 personne
Toutes mes excuses (non) ! =)
J’aimeJ’aime