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Blackwater I – La crue, Michael McDowell

Attention – Charlie Puth (extrait de l’album Voicenotes)

Je le dis sans honte, je me suis absolument fait avoir par le marketing. Je suis un grand militant de l’idée qu’il faut drastiquement réduire la production littéraire dans ce pays – particulièrement dans les grandes maisons d’édition – pour mieux défendre des titres plus rares mais plus importants. Donc voir une maison assez modeste comme Monsieur Toussaint Louverture défendre un de leurs titres avec force et sincérité, au sein d’un projet ambitieux, prometteur et original ; je me suis fait avoir [EDIT : on me signale que l’épithète « modeste » ne convient pas, disons donc plutôt que cette maison ne m’est absolument pas familière]. Avec plaisir, notez bien. Parce que quel emballage, quand même. Quel soin et quel enthousiasme communicatif de la part de MTL à l’égard de cette saga de Michael McDowell dont je n’avais jamais entendu parler auparavant. Une sortie directement en poche, pas chère, dans un écrin luxueux, dans un intervalle de quelques semaines seulement : une occasion parfaite pour orner ma bibliothèque d’une magnifique de série de beaux objets ne pouvant pas manquer de provoquer une réaction de la part d’un œil avide d’esthétique ou de littérature.
Je me suis jeté sur ce premier volume avec l’envie et l’espoir farouche d’y trouver une ouverture vers un univers littéraire nouveau pour moi, qui me ferait partager la joie de cielles ayant décidé de tant le chouchouter et le promouvoir avec une telle force de conviction.
L’objet entre les mains, la joie était là, et j’étais vraiment impatient de constater à quel point le ramage se rapportait au plumage, de pouvoir commencer à anticiper le plaisir ponctuel de suivre les publications toutes les deux semaines et vous tenir au courant de mon avancée dans cette singulière saga familiale.
Maintenant que ce premier tome est lu, je peux vous dire que ça n’arrivera pas.
Parce que je ne sais pas si je deviens difficile ou si les tropes d’une littérature plus classique me sont de plus en plus étrangers ; mais alors, ce premier tome de Blackwater… Disons diplomatiquement que le contenu n’est absolument pas, à mes yeux, à la hauteur du contenant.
Pour le dire vite, à l’aune de ce roman, je ne comprends ni ne partage l’enthousiasme de MTL pour la saga qu’elle entame. Pour le dire moins vite, la chronique arrive. Avec mes excuses, parce qu’elle risque d’être un peu salée.

Perdido, petite ville du sud de l’Alabama, est victime d’une terrible inondation qui laisse ses habitants avec tout à reconstruire ou presque. Mais des conséquences de ce terrible événement, c’est l’arrivée notable de Ellinor Dammert qui va avant tout défrayer la chronique. Entre les étranges circonstances de son arrivée dans la ville au pire moment possible, son passé trouble et son comportement parfois intriguant, il semble évident que la jeune femme va provoquer des remous.

Bon alors, c’est quoi le problème ? Début d’intrigue classique, après tout, et surtout premier tome d’une saga en six volumes ; je vous avoue que moi-même, avec ma mansuétude habituelle vis-à-vis de mes découvertes hors de ma zone de confort, je suis surpris par mon absence totale d’hésitation quant à mon abandon de l’expérience dès maintenant. Pour qu’une saga que je sais déjà se passer sur le temps long, et pour laquelle il est nécessaire de planter le décor et de prendre un peu son temps, j’avais anticipé des choix pas forcément habituels dans l’écriture de Michael McDowell. Je m’attendais à des mystères mettant ma patience à l’épreuve, ou simplement un rythme général ralenti par rapport à mes standards, une intrigue très humaine, des scènes intimistes, enfin bref, quelque chose d’inhabituel pour moi, certes, mais néanmoins suffisamment maîtrisé et solide pour que mon intérêt soit accroché. Après tout, si j’ai bien appris quelques choses ces dernières années, c’est que de bons personnages et des dialogues à l’avenant peuvent me séduire dans n’importe quel contexte, pour peu que le cœur y soit, tout comme une histoire suffisamment intriguante. Quand ces trois aspects sont réunis, c’est évidemment merveilleux, et je n’ai aucunement lieu de me plaindre ou presque.
Quand les trois aspects sont absents, c’est une catastrophe, et j’enlève les gants.

Alors pour être clair tout de suite : si au contraire de moi – car il apparaît que je suis clairement dans la minorité – vous avez trouvé votre compte dans La Crue, j’en suis absolument ravi, vraiment, et probablement un peu jaloux, puisque de toute évidence vous avez réussi à vous accrocher à des choses qui m’ont échappées. Mais pour autant, je ne vais pas faire semblant d’avoir aimé quoi que ce soit dans ce roman. Je suis allé avec lui de déception en déception, ne le finissant qu’au forceps, à force d’un espoir jamais récompensé d’y trouver de quoi me donner envie de découvrir la suite.
Je ne saurais dire ce qui m’a frappé en premier et a commencé à instiller le doute dans mon esprit, ce sentiment malsain que j’allais passer un mauvais moment, alors je vais devoir faire les choses un peu dans le désordre. Ce qui, quelque part, n’est pas complètement incohérent, puisque ce roman ne semble pas vraiment faire les choses dans l’ordre non plus.
Alors j’exagère, évidemment, puisque le déroulé de l’intrigue est clair et linéaire. Cependant, après 250 pages, je serais incapable de vous dire ce que Michael McDowell voulait exactement raconter dans ce roman, en dehors d’une trop longue et pénible mise en place d’enjeux que je n’ai jamais réussi à saisir pleinement. La faute d’abord à une terrible absence de point de vue, je pense. On a bien sûr des personnages, qui discutent et interagissent, mais sans jamais qu’on nous livre réellement leurs sentiments en dehors d’impressions laissés à d’autres, sans jamais se concentrer un tant soit peu sur un d’entre iels en particulier. On navigue vaguement de relatifs points d’intérêts fugaces à d’autres, sans jamais rien creuser plus longtemps que quelques lignes ou paragraphes, n’accrochant donc jamais la moindre dynamique suffisamment longtemps pour la rendre intéressante.
Les événements se déroulent, c’est tout. Il se passe des choses, mais elles ne semblent jamais avoir la moindre importance durable ou même notable pour qui que ce soit. Les émotions, le souffle, sont absent·e·s, complètement. J’ai eu l’impression, trop souvent, de lire des robots jouer le texte d’une pièce dont ils ne comprenaient pas les implications, qui récitaient sans sentiments. À cet égard, je peux évoquer rapidement les dialogues guindés, manquant cruellement de naturel, semblant parfois ne pas se répondre les uns les autres tellement ils sont confus, créant un sentiment de malaise extrêmement désagréable. Mais surtout, je voudrais évoquer ces personnages, qui forcément, manquant de soins et de temps leur étant réellement consacré pour les développer, ne m’ont rien fait ressentir, à aucun moment : je me suis continuellement désintéressé de leur sort. Je n’ai jamais su qui était protagoniste, qui était antagoniste, ou si seulement quelqu’un·e devait seulement l’être aux yeux de leur auteur. En dehors des 20 dernières pages où quelques enjeux ont semblé réellement se développer, je n’ai simplement pas su ce qu’on me racontait, où se situait l’intrigue, doutant même qu’il y en ait réellement une.

Parce qu’au fond, le plus gros problème de ce roman, c’est son absence de cadrage, de choix de ton. S’y succèdent des scènes et des séquences parfois espacées de plusieurs mois, sans aucun liens apparents entre elles autre que le décor de Perdido -dont nous n’apprenons d’ailleurs pas grand chose de plus que ce que nous en montre une jolie carte au début du roman – et les membres de la famille Caskey, leurs proches immédiats ou leur domesticité, évidemment repoussé·e·s à l’arrière plan. Et tout ça est donc affreusement délié à mes yeux ; je n’ai jamais su sur quoi j’étais censé me concentrer, puisque le roman lui-même ne semblait pas savoir. Je conçois que l’Amérique des années 20 ne soit pas palpitante, mais je suis quand même sûr qu’il est possible de la rendre au moins intriguante.
On a quelques touches de fantastique, mais à de trop rares reprises pour savoir si elles sont importantes, d’autant plus qu’elles n’amènent jamais rien, y compris chez les personnages, qui semblent n’en avoir cure, ou considérer cela presque normal. Et à l’image de ces touches de fantastiques, quelques chapitres semblent amener un événement ressemblant à un élément perturbateur, provoquant enfin quelque chose digne d’intérêt ou précipitant un peu le récit ; mais à chaque fois ou presque, cela se finit sur une queue de poisson littéraire. Si les événements, effectivement, se font suite, cet univers m’a semblé ne jamais avoir à réellement souffrir les conséquences de quoi que ce soit, dans une étrange causalité tordue ou rien n’a vraiment d’importance en dehors des trajectoires prédestinées de quelques personnages. Les choses arrivent, puis laissent place à d’autre, sans jamais prendre le temps d’interroger quoi que ce soit, dans un long et monotone déroulé sans relief ni liant, visant simplement un objectif aussi lointain que flou, presque extérieur au récit en court.

Mon sentiment, à la conclusion de La Crue, c’est que je lisais la mauvaise préquelle d’une saga que je n’avais, de fait, pas encore lue. Les origines secrètes d’une histoire sans doute potentiellement bien plus intéressante qui se déroulerait des années après, que l’auteur se serait décidé à écrire après les faits, manquant d’inspiration ou d’envie pour ce faire, mais obligé, d’une façon ou d’une autre. Tout s’y déroule trop vite, d’une façon résumée et précipitée, un peu comme si Michael McDowell nous faisait confiance pour pouvoir combler les blancs sans son aide, comprendre les dynamiques interpersonnelles, identifier les caractères de chacun·e sans avoir à les décrire le moins du monde. Quelques détails finissent par transparaître, mais sans réelle substance, ne nous livrant que des idées d’idées. Ce texte ne m’a jamais semblé fini, tentant de l’humour ou une forme étrange d’ironie dans des moments complètement inadéquats, ne sachant réellement se positionner entre les genres et les tons qu’il souhaitait convoquer, en tout cas jamais avec assez clarté ou de tranchant pour me convaincre d’adopter un point de vue certain à son égard. J’ai passé ma lecture à soupirer, hausser les épaules, écarquiller les yeux, à simplement me demander ce que j’étais en train de lire exactement, mon incrédulité s’empirant au fil de mon agacement de lire un roman tant se perdre dans des considérations et des précisions que je n’arrivais jamais à m’expliquer, d’autant plus à l’aune de tous ses manquements.

Bref, non, je n’ai pas aimé. Du tout. Alors certes, ça me chagrine pas mal, parce que j’avais très envie d’aimer cette saga, à la fois pour moi et ma crédibilité de Monsieur-oui-j’essaie-vraiment-de-lire-de-tout, mais aussi pour Monsieur Toussaint Louverture qui de toute évidence croit en ce texte bien plus que moi et a su lui offrir un écrin à la hauteur de cette confiance. Mais au delà de ma forte envie d’aimer tout ce que je lis, j’ai surtout l’ambition d’être cohérent et intellectuellement honnête ; aucun roman n’est fait pour plaire à tout le monde. Ce roman ne m’a vraiment pas plu, il n’est absolument pas pour moi, c’est comme ça ; et si j’espère ne pas avoir été vindicatif ou acrimonieux plus que de raison, je ne vois aucune bonne raison de retenir mes pensées tant qu’elles sont sincères.
Et sincèrement, ce roman a commis le rare exploit de ne rien m’apporter d’autre que de l’ennui, de l’indifférence ou un extraordinaire agacement passager, jamais assez embarqué d’une manière ou l’autre dans le récit pour le ressentir dans la durée, quoique souvent avec une cruelle acuité. Aucune scène, aucun personnage, aucun dialogue, rien ne m’a jamais semblé seulement recueillir la moitié du soin ou du temps qui aurait été nécessaire pour transmettre une émotion ou une idée. Je n’ai jamais vraiment su quel personnage soutenir ou suivre, dans quelque contexte que ce fut, quelle image, idée ou leçon extraire de tout ça. Je n’ai jamais su vers quoi Michael McDowell voulait aller avec ce premier volume, quelles promesses il voulait formuler pour me pousser à découvrir le reste de son travail. Pire, il n’a jamais su attiser ma curiosité, même malsaine, pas une fois. J’étais un spectateur apathique dans le meilleur des cas, irrité dans le pire.
Et j’ai poussé un long soupir une fois le volume refermé, sans jamais, pour une fois, avoir douté d’une potentielle incursion perfide des circonstances dans mon jugement. J’ai lu et apprécié des romans intimistes se concentrant comme celui-ci sur des destins particuliers. Pas celui-là, clairement.
Tant pis.
Mais mes meilleurs vœux de réussite à l’initiative de Monsieur Toussaint Louverture, quand même, parce que c’est sans doute le positif à voir dans tout ça : j’en ai eu envie, de ce bouquin. J’aimerais avoir envie comme ça plus souvent, quitte à être aussi déçu de temps en temps.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

7 comments on “Blackwater I – La crue, Michael McDowell

  1. L'ours inculte dit :

    HOLALALA LE CLASH !
    Non je déconne… C’est dommage mais c’est la vie. Au moins tu aimes chevauche brumes donc tout n’est pas perdu pour toi.
    J’ai l’impression que tu es parfois très analytique pendant ta lecture et que tu cherches des structures et des cadres la ou moi je réfléchis à rien et je me laisse flotter.
    « Ils flottent toouuus »

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      On pouvait pas toujours être raccords toi et moi, fallait bien que ça arrive. 🙂
      Et oui, clairement, je suis hyper analytique. Ça m’aide autant que ça me dessert. Ça me permet autant de trouver du bon dans des textes que j’aime pas au premier abord que ça m’en gâche encore plus certains que j’aurais pu bien aimer avec moins de réflexion.
      Après, y a quelques lectures qui me font exploser en vol, et ce sont clairement les meilleures. Genre LDG ou Les Chevauche-brumes.

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