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Confessions d’une Séancière, Ketty Steward

The Raven’s Back – Mono Inc.

Depuis ma lecture de L’Évangile selon Myriam, je me suis promis de découvrir plus avant le travail de son autrice. M’étant enfin porté acquéreur des Confessions d’une Séancière aux dernières Imaginales, et dans le joyeux tourbillon d’hommages à des autrices incontournables, je me suis dit que l’occasion était trop belle. Déjà parce que j’avais envie de la saisir, évidemment, mais aussi et surtout parce qu’il me semblait avoir trouvé dans L’Évangile selon Myriam une forme d’audace littéraire singulière que je considère salvatrice en plus d’être agréable à découvrir ; le genre qui rend enthousiaste à la simple vue du nom de l’autrice sur un livre. Nous avons besoin de renouveler nos rapports à l’écriture, dans la littérature en général, mais aussi et surtout dans les littératures de l’Imaginaire. Et il me semble que c’est précisément, pour une bonne part en tout cas, l’ambition de Ketty Steward dans son écriture : faire les choses différemment.
Alors forcément, puisque l’ouvrage qui nous concerne aujourd’hui prédate ma découverte initiale de son travail, je suis demeuré prudent ; je m’attendais à une potentielle déception, quoique légère, ou du moins à quelque chose de moins percutant dans la démarche, puisque ça datait d’avant. Et je pense que j’ai eu raison d’être un peu méfiant. Parce que si j’ai globalement apprécié ma lecture, je dois bien constater que cet ouvrage précis a un peu souffert de ma découverte antérieure de sa descendance.
Je m’explique.

Confessions d’une Séancière est un ouvrage singulier, encore une fois, ce qui ne m’étonne pas de Ketty Steward. C’est à mettre à son crédit : ce bouquin ne ressemble pas à beaucoup d’autres que j’ai pu croiser. Entre le recueil de nouvelles et le fix-up anarchique, on enchaîne les histoires fantastiques teintées de mythologie caraïbéenne, aux tons variables mais aux implications essentiellement acides ou caustiques, le tout entrecoupé de poèmes évocateurs. Le tout est un peu à l’image de ce que je connais de l’autrice, oserais-je dire. On dit les choses telles qu’elles sont, sans trop d’ambages mais avec une certaine distance ironique qui suggère des implications supplémentaires pas dénuées d’intérêt. Ainsi, l’essentiel de ces histoires tapent très juste, avec d’autant plus d’impact que l’autrice va droit au but dans des formes très courtes. Trop courtes, par moments, peut-être, ne laissant pas vraiment de temps de respiration nécessaire à certaines des idées développées ou proposées par Ketty Steward, concluant un petit nombre d’entre-elles avec un regrettable goût de trop peu.

Si j’avais un reproche majeur à faire à Confessions d’une Séancière, je dirais que c’est, malgré son unité atmosphérique, un certaine manque de liant. Parce que si les histoires en elles-mêmes racontent des choses assez intéressantes dans l’ensemble, et tendent globalement dans une direction similaire, leur manque de réelle proximité fait que l’ouvrage, à mon sens, se retrouve le cul entre deux chaises. On ressent une volonté claire de Ketty Steward d’imprimer des idées progressistes à une ambiance caribéenne bienvenue pour ce qu’elle représente de rafraichissant dans le paysage Fantastique francophone ; mais je trouve cependant qu’il manque au tout ce petit truc en plus pour reboucler complètement l’ensemble. Comme toujours, c’est le sentiment de manque plutôt qu’une présence superfétatoire qui a créé chez moi une forme de frustration. Si chaque histoire de l’ouvrage, avec l’écho complémentaire de son poème respectif, a su systématiquement créer une alléchante promesse, je me suis un peu trop souvent retrouvé avec le sentiment que la conclusion arrivait trop tôt ou trop abruptement. Paradoxalement, pour ce qui est finalement une ode au format court – que j’affectionne pourtant particulièrement – je dirais que ça manquait régulièrement un peu de longueur. C’est peut-être à mettre sur le compte d’un certain exotisme dans le contexte de ces histoires ou simplement sur une envie de voir les implications voulues par l’autrice développées plus profondément, mais il n’empêche que j’ai été un peu trop frustré pour m’estimer entièrement satisfait.

Mais comme à mon habitude, je préfère tout de même me concentrer sur le positif, qui clairement compense mes pinaillages analytiques. Ketty Steward écrit bien, et elle sait trop bien ce qu’elle fait pour m’avoir laissé sur le bord de la route. D’autant plus s’agissant d’une forme de Fantastique qui pour une fois ces derniers temps, tend plus volontiers du côté de l’inquiétante étrangeté, de l’invasion du quotidien, une incarnation qui me parle beaucoup. Si je ne suis pas beaucoup sujet aux doutes angoissants au fil de mes lectures, je me régale des mécaniques qui sous-tendent ce sous-genre. Et donc, je me suis tout de même beaucoup délecté de beaux moments de tension ou de révélations étranges, de situations suspendues au fil de l’incertitude.
Comme j’ai pu me régaler, encore une fois, et j’insiste, sur le fait que lire un ouvrage découlant de références tellement différentes de celles auxquelles je suis plus habituellement confronté est un plaisir dont je ne me lasse pas. J’en reviens toujours à l’altérité, je sais, mais le concept me parait essentiel, encore un peu plus lorsque je m’y confronte aussi frontalement que dans ce genre d’ouvrages. Parce que malgré tous mes reproches formelles ou même de fonds, je serais terriblement hypocrite et de mauvaise foi si je ne saluais pas tous ces moments où je me rends brutalement compte que certaines idées que je tiens pour acquises ne le sont simplement pas pour tout le monde. Et ça, c’est plus qu’important, c’est essentiel, d’autant plus quand c’est fait par le prisme d’une littérature qui m’est doublement rare.

Alors oui, je suis un peu resté sur ma faim, d’autant plus parce que je sais à quoi Confessions d’une Séancière a pu mener par la suite dans L’Évangile selon Myriam, j’oserais presque y voir une forme de prototype formel. Mais si je devais juger ce livre seul et sur ses seuls mérites, sans comparaison pas forcément justifiée, je le saluerais quand même pour bon nombre de ses qualités et de ses ambitions. Non, il n’est pas parfait à mes yeux, effectivement, mais n’empêche qu’il a proposé pour moi quelque chose de neuf, entamé un travail qui s’est cristallisé par ailleurs et continue de se parfaire, j’en suis sûr, dans le reste des travaux présents et à venir de Ketty Steward. Je considère que le lire n’est finalement qu’une manière pour moi d’encore mieux me préparer à ce qui vient, que je devine extrêmement prometteur, notamment dans l’optique de la découverte permanente d’une altérité qui n’a rien d’autre à m’amener que de belles et bonnes choses.
Donc ce serait bête de trop faire la fine bouche. C’était une bonne expérience, encore une fois.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

1 comments on “Confessions d’une Séancière, Ketty Steward

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