Zoo : 1
[…]
La porte claqua en même temps qu’un « et merde-euh ! » sonore se réverbérant dans toute la pièce.
Ça y était, le calvaire allait commencer.
Bon, à la décharge de l’intrus, le cri n’en était pas vraiment un, c’était surtout l’acoustique particulière du bureau qui avait amplifié ce qui était en vérité un chuchotement énervé. Mais bon, c’était quand même chiant, et ça l’avait complètement sorti de son silencieux confort.
Allez, on avait qu’à dire que c’était pas de sa faute, qu’il avait pas fait exprès, et que si ça se trouvait, il serait sympa. Discret, au minimum. Il fit un effort conscient pour ne pas se retourner et tâcha de se concentrer sur son écran. Il avait du boulot, et bien assez pour ne pas se laisser distraire par le moindre dérangement.
Par habitude, il réajusta ses gants haptiques du bout des griffes, roula un peu des épaules et respira profondément pour se détendre. Le dossier Frisco, donc…
Deux secondes suffirent pour ruiner tous ses efforts. Deux secondes de silence retrouvé, ruiné par un immonde bruit de claquement répété, rythmique ; du cuir sur le béton.
Quelle espèce est-ce qu’ils m’ont envoyé, ces connards ?!
Ne pas se retourner, ne pas se retourner. Le. Dossier. Frisco.
*tap tap*
*tap tap*
Raaaaah !
Et ça se rapprochait, encore et encore, ajoutant à ce bruit déjà horripilant celui de babioles en plastique et en métal s’entrechoquant dans un carton. Oh bordel, iel le détestait déjà.
Se concentrer sur le boulot. Rien que le boulot.
Ah tiens, du silence. Quoique troublé par le bruissement soyeux d’un pelage frottant sur le carton ; saleté d’ouïe perçante, c’était à parfois regretter d’avoir un Héritage. Ce·tte con·ne devait chercher son poste de travail… C’était aussi à regretter d’être trop sympa, parfois. Mais il voulait juste que le bruit cesse.
Il tendit un bras vers le fond du bureau, là où il savait que la place avait été aménagée, après d’âpres négociations avec les RZ, pour qu’il n’ait pas son nouveau collègue sous les yeux dès qu’il aurait à lever les yeux de son écran, derrière le serveur, dans un coin sombre.
« Oh, merci. Pardon. »
La voix était curieuse. Un fond d’accent étranger, indéfinissable, peut-être. Mais surtout, on devinait une profondeur qui ne voulait pas être là, au delà du chuchotement timide. On voulait se faire tout petit alors que ce n’était pas vraiment possible, peut-être. Ok, un point pour toi, l’intrus, tu sais que tu es de trop. Continue sur cette voie là et peut-être que tu tiendras un peu plus longtemps que les autres. La balle est dans ton camp.
Voilà. Allez, vite. Le boulot, le boulot. On ignore la tâche de couleur dans sa vision périphérique, on se. CONCENTRE.
*tap tap**cling clang* *tap tap* *cling clang* *tap tap**cling clang* *tap tap* *tap tap*
*cling clang* *cling clang*
*Bhrooom*
Un soupir lui échappa, qu’il regretta aussitôt. Mais merde, c’était vraiment pas la journée pour être dérangé comme ça. Il leva brièvement les yeux pour voir s’il avait été entendu par l’intrus, prêt à présenter ses excuses par un vague geste des pattes.
Leurs regards se croisèrent et se verrouillèrent l’un à l’autre. Devant lui se tenait un PUTAIN d’Orang-Outan, massif, tentant vainement de se rendre invisible. Bonne chance avec une fourrure orange. Il semblait déjà prêt à se confondre dans ses propres excuses, conscient du vacarme qu’il venait de causer.
Alors celle-là, il en convenait, il ne s’y attendait pas du tout.
[…]