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Un certain goût de plomb T1 – Balles perdues, Arnaud Cazelles

13 Voices – Sum 41 (extrait de l’album 13 Voices)
Pistolero – Dschingis Khan

Aujourd’hui c’est un très gros morceau. Alors pas tant parce que le roman du jour est un beau bébé de presque 600 pages, ou parce que les fêtes de Noël et leur lot d’occupation permanente m’ont rendu sa lecture longue et un poil compliquée, ou bien parce que je dois avec cette chronique passer derrière l’enthousiasme fiévreux et contagieux de l’ami ours inculte, seul et unique responsable de ma décision d’attaquer ladite lecture. Enfin, si, un peu de tout ça, à vrai dire.
Mais surtout, la chronique du jour va être un gros morceau, parce que Balles perdues, premier tome d’une saga de fantasy à poudre qui s’annonce aussi dense qu’ambitieuse, m’a fait passer par beaucoup d’états d’esprit différents. Et que comme toujours, quand il s’agit pour moi de devoir exprimer le kaléidoscope d’émotions qui a été le mien au long de ma lecture, je sais que je dois prendre quelques précautions et bien réfléchir avant d’écrire.
Mais pour le dire vite : Balles perdues, c’est très bien. C’est trop long, mais c’est très bien. Mais c’est trop long. Mais c’est très bien. Mais…
Vous voyez l’idée. Allons-y.

Nous sommes dans les Baronnies, territoires déchirés par la guerre des Jabots, où les peuples colonisateurs installés de longue date comme les Tallaïms autochtones sont victimes des ambitions bellicistes et égoïstes des différentes grandes familles dirigeant le pays. Nous y suivons une galerie de personnages, agissant ou subissant, à tous les niveaux de ce qu’une guerre de cette ampleur suggère, de Charlise, jeune fille volée à ses parents lors d’un raid sur leur village, utilisée par un colonel de l’armée de la Baronnie de Parcendres, près à tout pour mener à bien sa mission de conquête, à Joanne, pistolero gouailleuse au service de Mireïa, la femme dudit colonel, l’aidant de façon discrète à avancer ses pions. Carambolage des destins dans un monde en perdition.

Grosse ambiance, donc. Ce qui suggère à mes yeux autant de compliments que de reproches à formuler à l’égard du travail d’Arnaud Cazelles, résumé à mes yeux en un adjectif qui fait aussi office d’avertissement : c’est brutal. Si vous voulez du sang, des larmes, de la sueur et des cris, vous allez être servi·e·s. Dans le cas contraire, attention aux éclaboussures, parce que ça fait vraiment pas semblant, et ce dès les premières pages. Et j’avoue, dans un premier temps, j’ai trouvé ça étrangement rafraichissant, cette frontalité dans l’action comme dans le propos, aussi paradoxal que ça puisse paraître. Sans doute parce que ça change un peu de cette fausse pudeur à laquelle on a un peu trop souvent dans des récits de ce genre, où les conséquences d’affrontements entre personnages prêts à tout sont vite éclipsés ou mis de côté parce que leurs vraies victimes ne sont pas celles qui nous intéressent vraiment. Alors que là, non, clairement pas : tout le monde en prend plein la gueule, en permanence, et pas qu’un peu. Ce qui laisse la place à beaucoup de surprises, plus ou moins plaisantes, au fil du récit et des chapitres, rendant l’ensemble extrêmement organique et vivant. Et vous savez que c’est important pour moi ; malgré les reproches que je pourrais formuler à l’égard de ce qui est après tout un premier roman, il faut vraiment saluer le souffle de l’œuvre d’Arnaud Cazelles, tout comme sa sincérité flamboyante. Par dessus tout, on sent la passion d’un auteur dévoré par l’envie de partager son histoire et ses inventions. Ce qui fait beaucoup de bien, il faut l’admettre.

Même si, donc, ça crée à mes yeux quelques problèmes dans ladite histoire, il faut bien l’admettre. Comme je l’ai dit dans l’introduction : c’est long. Et c’est long parce que l’auteur ne semble vouloir renoncer à aucun aspect de son récit, ne céder à aucune ellipse, à aucun dialogue, à aucune interaction, aucune explication. D’un côté, je comprends, parce que ça nourrit l’ensemble d’une assez fabuleuse complexité, créant une galerie de personnages extrêmement gris, dessinant des liens dans tous les sens, permettant au lectorat de mieux comprendre toutes leurs motivations et de suspendre des jugements qui auraient pu être hâtifs. De l’autre, je pense quand même que l’ensemble de toutes ces informations et de ces intrigues et sous-intrigues croisées est trop roboratif, frisant l’indigestion, d’autant plus lorsqu’il s’agit des antagonistes de l’histoire, dont les aspects plus humains ou positifs ne pourront jamais compenser d’une manière ou d’une autre les aspects les plus horribles. Si j’apprécie toujours avoir des protagonistes avec des obstacles intérieurs à surmonter, des erreurs à réparer ou des antagonistes avec de potentiels arcs de rédemption, je pense qu’il faut savoir conserver un certain équilibre dans tout ce qu’on raconte. Mais pour autant, je ne suis pas convaincu que le temps employé par Arnaud Cazelles à nous montrer certains de ses antagonistes comme étant humains en dehors de leurs pires exactions était la meilleure manière d’éclairer son récit. Tout comme je trouve quand même que nous donner tous les angles de vue possible sur un récit extrêmement dense marche super bien, dans l’idée, parce que j’aime l’idée de montrer aussi précisément et véridiquement que la vie, c’est foutrement compliqué. Donc je suis partagé : J’aime l’idée, une grande partie de sa réalisation, mais est venu un moment où j’ai un poil saturé de la crasse et de la noirceur, quand même, qui, à mes yeux, a un peu noyé la brillance des bons moments et des bons sentiments.

Et dans le même registre, je suis bien obligé de parler du style, marotte éternelle. Arnaud Cazelles a de la verve, et de la jolie ; dans le genre foisonnant. Ça virevolte, ça cabriole, ça métaphore à qui mieux mieux : c’est franchement cool, d’autant que ça s’adapte régulièrement en fonction de l’ambiance et des registres. Mais c’est un peu verbeux, par moments, quand même. Quitte à sacrifier la clarté ou la sobriété qu’auraient suggéré quelques scènes, en tout cas pour moi. Je mettrais ça sur le compte du premier roman, sans hésitation ni amertume ; ça participe aussi un peu de la sincérité et de la flamboyance magnifique que j’évoquais plus tôt. Quand l’auteur s’éclate aussi clairement à écrire ce qu’il écrit, c’est communicatif, c’est même précieux. Seulement, pour tout ce que j’ai donc pu me laisser emporter avec plaisir au fil de certaines séquences ou dialogues assez jouissif·ve·s, mon irrécupérable esprit analytique m’a régulièrement repris par le col pour me signaler quelques redondances, pas mal de longueurs et un rythme parfois un peu compliqué à tenir sur la durée. Très sincèrement, je pense même que j’aurais accepté quelques généreuses ellipses dans le déroulé global, pour permettre d’avancer plus vite, quitte à consentir à des flash-backs rapides ou explications au fil des dialogues un peu plus tard.
C’est l’inconvénient d’avoir un univers et une structure narrative dont on est si fier qu’on a envie de tout en dire, j’imagine, ça oblige à une certaine exhaustivité. Et ça aussi, je comprends, autant que je l’apprécie : parce que Balles perdues – à l’instar de la saga qu’elle inaugure, je n’en doute pas – est rempli de concepts super intéressants. Tout ça nécessite évidemment beaucoup de mise en place et d’éléments à installer pour créer une ambiance autant qu’une cohérence d’ensemble, que ce soit au niveau mythologique ou simplement dans les relations interpersonnelles qui nous sont présentées. Mais pour autant, je trouve quand même que l’ensemble, présenté tel quel, ça fait vraiment beaucoup. Ça rallonge peut-être un peu trop la sauce, quitte à moi-même me répéter.

En bref, même si je sais que cette formule a été beaucoup trop utilisée par le passé, je dirais que ce premier tome d’Un certain goût de plomb a les défauts de ses qualités, tout comme les signes reconnaissables d’un premier roman. Une sorte d’excès d’enthousiasme, un certain manque de maîtrise, qui donne à l’ensemble un goût d’inachevé, l’arôme frustrant du « peut-mieux-faire ». Mais malgré ces réserves, à mettre en partie sur le compte de mon humeur capricieuse du moment et d’une certaine faim de lumière alliée à un certain dégoût du sombre, il faut quand même dire que je suis sacrément impressionné : pour un roman en soi, c’est très bon, alors pour un premier roman, c’est sacrément prometteur en plus d’être excellent. Oui, c’était trop long et j’aurais encore préféré ma lecture avec quelques coupes franches dedans et pas d’épilogue, mais ça ne veut pas dire que je n’ai pas kiffé le voyage, quand même, fondamentalement. Et pour tout dire, je me réjouis d’avance de lire la suite pour confirmer les promesses formulées dans ce premier tome ; après tout, maintenant que les choses sont bien bien en place, il n’y plus aucune raison de traîner.
Délicieuse perspective.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “Un certain goût de plomb T1 – Balles perdues, Arnaud Cazelles

  1. L'ours inculte dit :

    Mon côté beaucoup moins analytique m’a fait sauter au dessus des défauts que tu y as trouvé en triple salto je m’en foutiste. Et j’en suis heureux 😀

    Aimé par 1 personne

    1. Laird Fumble dit :

      Oh je suis ravi pour toi, à ce niveau là.
      Tant que t’es content, hein. =)
      Mais que veux tu, on se refait pas.

      Aimé par 1 personne

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