
Abandon à la page 148/512
Dans la vie on gagne ou on apprend, n’est ce pas. Peut-être qu’à force, je vais me répéter ce mantra pour me rassurer plus que pour tenter de continuellement m’en convaincre. Parce que certains échecs ne me donnent pas le sentiment d’apprendre, en tout cas pas tant que je l’aimerais.
Et c’est bien entendu l’échec du jour qui me fait dire ça. Des années qu’il me narguait depuis sa place au chaud dans ma PàL sans que j’ose m’y mettre. J’ai enfin eu, il y a quelques jours, la foi de me confronter à ce micro-monument dont je n’ai entendu que des bonnes choses ; qui malgré ses apparences difficiles d’accès pour un lecteur tel que moi, avait su me convaincre de tenter le coup, tout simplement parce qu’il semblait tellement tenir au cœur de ses éditeurices. Je voulais faire un pas dans une direction qui ne m’était pas coutumière, essayer. Me donner une chance d’être agréablement surpris.
Eh bah ce sera pour une prochaine fois.
À vrai dire, je ne saurais même pas exactement pointer du doigt ce qui m’a d’emblée annoncé mon échec. N’empêche qu’en seulement quelques pages, déjà, je savais que ce roman n’allait pas être pour moi. Je ne me suis pas de suite avoué que ce serait carrément un abandon, mais je sentais la distance entre l’œuvre et moi se creuser à chaque paragraphe. Pour le coup, je peux l’affirmer sans honte : je n’ai pas compris. Dans ce roman, il se passe des choses. Ses personnages parlent, agissent, vivent. Mais rien de tout ça n’a fait bouger un atome de mon âme. Rien de rien. Je lisais des mots faisant des phrases décrivant des événements, mais à mon corps défendant, je n’ai pas réussi à en tirer quoi que ce soit qui me fasse seulement comprendre où l’auteur voulait en venir. La faute peut-être à un cadrage singulier et trop ambitieux, instaurant une distance littéraire malaisée à manipuler, obligeant l’auteur à des transitions et contorsions narratives inconfortables, souvent nébuleuses. Alors certes, je n’ai pas poussé bien loin, donc la faute est au minimum partagée. Peut-être bien que tout cela aurait fini par faire sens. Je n’avais juste pas la patience, l’énergie ou la curiosité de passer une bien trop longue introduction; ce bouquin n’était pas ce dont j’avais envie ni besoin en ce moment.
D’autant plus en considérant le dernier détail m’ayant décidé à abandonner. Pour faire court sans spoiler majeur, je pense : un personnage jusque là genré au féminin explique à un autre personnage qu’il faut désormais le genrer au masculin. Que ça lui correspond mieux, que c’est ce qu’il veut, ce dont il a besoin ; il ne peut plus rester comme avant. Il évoque même une mue. D’instinct, j’ai été plutôt content de lire ça, à vrai dire ; je voyais dans cette demande un pas dans une direction qui ne m’est pas personnellement familière, mais qui me parle quand même, et dans laquelle je vois un sujet important à aborder.
Sauf que non. Dans tout ce qui suit, cette demande est proprement ignorée. Par le personnage à qui la demande est formulée, comme par la narration elle-même. Sans aucune explication. Rien. Et vous pourrez trouver que mes humeurs extra-littéraires me poussent trop loin ou que je n’ai effectivement pas fait preuve d’assez de patience avec le texte pour attendre une justification ou autre ; mais personnellement, chaque nouvelle occurrence d’un genrage féminin à l’encontre de ce personnage me heurtait ; et il y en avait beaucoup. Ajoutant donc de la gêne à l’incompréhension et à la lassitude. Alors j’ai dit stop.
Je n’avais ni envie ni besoin d’un texte comme celui-ci. Long, nébuleux, confus, en tout cas à mes yeux d’aujourd’hui, j’ai préféré, comme à chaque fois que cela m’arrive, arrêter les frais avant que cela ne me coûte trop.
Je ne saurais même pas dire si le texte lui-même est fautif ou non : ce n’est presque pas le sujet.
On oublie, et on passe à autre chose.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉