
Abandon à la page 167/544
Si on m’avait dit…
Décidemment, il va peut-être falloir que je commence à faire un peu plus attention aux signaux inconscients que m’envoie mon instinct depuis tout ce temps que je laisse traîner des bouquins dans ma PàL. Après une rapide pause due au merveilleux choc causé par L’oeuf du dragon, me sachant facilement sujet à la gueule de bois littéraire, je me suis finalement dit que ce premier tome de Bans et Barricades était pile ce qu’il me fallait pour rembrayer.
Après tout, une fantasy frontalement politique, ayant apparemment pour ambitions d’opérer un certains mélange des codes et un dépoussiérage des tropes d’un côté comme de l’autre, le tout avec un angle d’attaque semblant parler à mes positionnements personnels, on partait gagnant. Sauf qu’avoir tous les ingrédients ne garantit pas le succès de la recette.
On va voir ça ensemble, je pense que je sais ce qui a coincé pour moi.
Déjà on commence par un prologue beaucoup trop long à mes yeux, et terriblement fouillis. Alors je ne dis pas que ça ne fait pas sens, et ça plante assez bien le décor, ou au moins les ambitions de l’auteur ; mais alors les allers et retours temporels incessants ajoutés aux confusions entre les pensées du personnage, ses paroles et ses actions, j’ai trouvé ça terriblement indigeste. Et une introduction, sans être absolument indispensable à la réussite du récit qui suit, c’est quand même assez important pour créer la complicité initiale avec le lectorat, celle-là même qui permettra ensuite de dérouler le reste du récit. Du coup, oui, j’avoue que pour une grande part, j’ai été mis de travers par ce prologue, d’abord et avant tout ; l’impression verbeuse qu’il m’a laissé a sans doute déteint sur le reste du récit, qui, pour le coup, avançait quand même avec plus de fluidité et de rapidité que ce que cette mise en bouche décevante m’a d’abord laissé croire.
Mais puisque j’ai abandonné, c’est bien que cette relative efficacité n’était pas suffisante, malgré mes quelques sessions de lecture assez concluantes ; je me suis plus d’une fois retrouvé à les remettre à plus tard, sans comprendre immédiatement pourquoi j’avais autant de mal à me décider à lire un bouquin qui, encore une fois, avançait assez vite dès lors que je m’y attaquais. Et puis, j’ai compris. Mon problème avec ce premier tome d’Olangar, c’est son manque de distance dans le cadrage. J’ai déjà pu en parler par ailleurs, mais le cadrage, chez moi, c’est essentiel, comme plein d’autres choses, diront à raison les esprits espiègles. Et par cadrage, ici, j’entends le choix apparemment clair de la part de l’auteur de s’intéresser à différents personnages dont on devine assez vite que leurs trajectoires viendront à se croiser, dans un univers de fantasy vivant une révolution industrielle quelques années après une terrible guerre ayant laissé des séquelles à tous ses habitants et les territoires qu’ils occupent. En faisant ce choix de points de vue multiples, Clément Bouhélier, à mes yeux, se piège, et alourdit terriblement un récit qui à mes yeux n’en méritait pas tant.
On se retrouve avec beaucoup d’explications, beaucoup d’exposition – pas toujours subtile – et beaucoup de descriptions. Et aussi paradoxalement qu’ironiquement, plus il en rajoute dans les détails, plus l’univers d’Olangar – le roman comme la ville – me semblait perdre en souffle et en distance. À vrai dire, sans les mentions répétées de termes un peu nébuleux inhérents à des vocabulaires ethniques, des Elfes, Nains et autres Peaux-Vertes, ce roman n’aurait que difficilement été qualifiable de fantasy à mes yeux. Ce qui n’est pas un mal, en soi ; mais j’avais beaucoup de mal à ressentir son altérité autrement que de façon purement performative au travers des preuves narratives fournies par l’auteur, et l’auteur seul. Olangar ne m’a jamais paru vivre en elle-même au travers de singularités culturelles ou politiques, semblant de fait signer l’échec d’une de ses ambitions affichées, en tout cas à mes yeux.
Le pire étant que malgré tout le temps que j’ai mis à l’expliquer, ce premier aspect, en dépit de son importance, n’est même pas celui qui m’a finalement convaincu que ce bouquin n’était pas pour moi. Non, ce sont ses personnages. Et si mon premier reproche se veut plutôt technique et très relativement objectif, je concède très aisément que celui-là ne se cache pas d’être parfaitement subjectif : je n’ai pas accroché du tout au casting, et surtout à ce qu’il représentait, dans le récit comme à l’aune de ses ambitions. Et c’est difficile de rentrer dans les détails, évidemment, d’autant que je n’ai pas dépassé le tiers du roman, mais j’ai trouvé ces personnages assez archétypaux et surtout globalement antipathiques, révélant par leurs failles narratives et personnelles l’aspect presque trop « banal » de la fantasy créée par Clément Bouhélier. Si je comprends complètement la démarche d’une fantasy politisée au service d’un miroir déformant sur notre réalité, et peux même régulièrement la saluer ; il manquait ici, dans l’exécution comme la présentation, un petit pas de côté au moins, dès le début, pour me convaincre d’aller plus loin. Quelque chose au delà du constat, un élément de réflexion, de questionnement, de proposition, quelque chose. Le monde d’Olangar comme ses protagonistes ne me semblaient pas suggérer quoi que ce soit de singulier. Et de fait, je me suis trop vite ennuyé pour accepter l’idée de lire ce tome et ses suites afin de peut-être avoir le fin mot de l’histoire et/ou de la démonstration.
Comme à chaque fois lors de ces regrettables abandons, c’est un aveu de faiblesse de ma part : je n’ai pas envie de perdre du temps à lutter contre un bouquin qui va peut-être me pomper mon énergie à force de devoir me motiver encore et encore à m’y mettre pour finalement devoir confesser un sentiment de déception. C’est d’autant plus triste qu’Olangar faisait clairement partie des ouvrages dont je ne doutais absolument pas en envisageant sa lecture. Ironie, quand tu nous tiens.
Ce n’était peut-être juste pas le moment, peut-être que les ambitions de l’auteur ne pouvaient juste pas me parler, finalement.
Tant pis, au suivant.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉