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Chroniques du Cercle 2 – Sinteval, Rozenn Illiano

The Devil You KnowBlues Saraceno (extrait de l’EP The Devil You Know)
Born Again – Black Veil Brides (extrait de l’album The Phantom Tomorrow)

Je ne saurais pas trop dire pourquoi j’ai tant fait traîner ma lecture de Sinteval, après la révélation qu’avait été pour moi son prédécesseur, Elisabeta. Une réinvention aussi audacieuse que complète du mythe vampirique à la sauce Rozenn Illiano, fidèle à son mélange singulier de tropes de l’Imaginaire qui m’avait fait complètement réviser mon jugement quant à cette figure unique que je pensais ennuyeuse et déjà vue un millier de fois. Peut-être était-ce au léger sentiment d’overdose suite aux lectures un peu lourdes de sa Maison des Épines et certains de ses volumes précédents ; à cette impression de lourdeur dans les émotions à ressentir, à mon échelle particulière, certes, ou simplement à une autre impression de trop en trop peu de temps. Mais qu’importe, c’est enfin lu, et j’en suis absolument ravi. Parce que Sinteval, malgré ses quelques défauts sur lesquels je reviendrai évidemment, confirme encore et toujours que j’entretiens avec cette autrice unique une relation littéraire rare. Il se passe un truc, dans ses bouquins, à chaque fois, c’est tout : elle sait me parler.
Et je vais vous rendre compte de la teneur de la conversation.

Suite directe oblige, on va faire court sur le résumé : c’est l’apocalypse, la vraie, et il semblerait que personne ne puisse y couper, mêmes les immortel·le·s. Prophéties, prévisions, pronostics éclairés, appelez ça comme vous voulez, mais après un premier cataclysme, il apparaît qu’il reste 600 jours à vivre au monde. Pas un de plus, pas un de moins, pour tout le monde. Les anges sont revenus sur Terre, et ils comptent faire le ménage par tous les moyens possibles, fusils d’assaut à la main. Nous retrouvons Saraï et Giovanna en tête d’affiche, accompagnées de tous les seconds rôles connus, ainsi que de nouvelles têtes, aussi perdues que déterminées à comprendre ce qui se passe pour tenter de s’assurer un avenir, aussi sombre soit-il.

Alors forcément, ambiance d’apocalypse oblige, on ne va pas se mentir, l’atmosphère n’est pas joyeuse, certainement pas. Beaucoup de sang, beaucoup de larmes, et de la sueur, dans des proportions adéquates pour un récit où le sang est littéralement le nerf de la guerre. Pour un lecteur froid comme moi, ce n’est qu’une question technique dans l’exécution de la recette, mais force est de reconnaître que l’autrice ne fait pas semblant : il se passe un paquet de choses, dont la majorité est triste et fataliste. Sinteval, pour le lectorat propice à l’émotion, doit sans doute laisser sale arrière goût dans la bouche, et plus souvent qu’à son tour. C’est pas spécialement ma came, personnellement, goûtant plutôt à une certaine lumière dans mes lectures pour réellement les apprécier, mais comme toujours avec Rozenn Illiano, on est pas dans le pathos gratuitement, donc ça passe sans problème. Ne serait-ce que parce que malgré l’empoissement généralisé du récit, la braise couve sous les cendres.

Bien entendu, ça passe d’abord et avant tout par les personnages, parce que personne ne se refait, ici. Comme je le dis à chaque fois, sans la moindre lassitude, l’empathie et la sensibilité de l’autrice font des merveilles tout le long du roman, prêtant à toute la distribution un organisme aussi confondant que merveilleux. Oui, il se passe des choses horribles, tout du long, mais on les vit avec des gens, des vrais, pas uniquement des personnages. Il y a en dépit du désespoir ambiant et des catastrophes sans fin un vrai plaisir à pouvoir anticiper et témoigner des réactions de chacun·e, à ressentir chaque émotion, chaque prise de décision sans jamais devoir douter du souffle qui habite les pages, à suivre le fil d’une cohérence globale, nourrie par le jeu des points de vue et des réflexions, au plus près de l’action. Oui, c’est grave la merde, mais on est dedans ensemble, et chaque avancée positive est une nouvelle bouffée d’oxygène nous poussant à continuer, à persévérer, en résonnance avec Saraï, Giovanna, Virgile et les autres.

D’autant plus qu’au delà de cette simple mais complexe dimension purement émotionnelle et humaine qui fait déjà l’essentiel du travail d’immersion et d’investissement, il y a aussi la dimension de world-building. Les immortels de Rozenn Illiano, dans leur existence comme dans leur construction, sont un vrai plaisir de lecture technique, mythologique. Pour le dire plus clairement, la cosmogonie de l’univers de cette autrice me fascine au premier degré. Si j’ai effectivement voulu aller au bout de ce récit pour savoir si mes ami·e·s de papier allaient s’en tirer, et comment, j’ai aussi voulu avoir, enfin, le fin mot de toute cette histoire à un niveau architecturale, démiurgique, pour reboucler sur cet adjectif qui symbolise tellement bien le travail abattu au fil des romans qui composent l’univers de l’oniro-fiction Illianienne. Ouais, je balance même des substantifs, on en est là. Parce que c’est aussi ça que j’aime dans l’Imaginaire : envoyer balader les conventions tacitement établies, et repartir de zéro. Tout mélanger depuis des embranchements divers, voir ce qui en ressort, et arranger le tout pour en extraire quelque chose qui ne ressemble à rien de ce qui a été fait avant, sans pour autant effacer quoi que ce soit. C’est passionnant en soi, à lire comme à analyser.

Alors bon, comme je l’ai dit, c’est pas parfait non plus, hein, bien que ça me peine un peu de l’admettre. Ça traine parfois un peu en longueur, à force d’une certaine volonté d’exhaustivité. On voit bien qu’il y a un effort de fait pour tailler dans le gras, çà et là ; les ellipses, y compris les plus longues, sont souvent bienvenues et décidées à des endroits propices, mais ça n’empêche pas que parfois, j’aurais aimé qu’on avance un peu plus vite et qu’on ne s’attarde pas autant sur les atermoiements de chacun·e. De la même manière, les exergues de chaque chapitre font régulièrement un bon travail de fore-shadowing et d’exposition évitant de regrettables info-dumps dans le cœur de la narration, mais ça n’empêche pas, ponctuellement, de devoir subir des explications un peu lourdes et complexes à saisir dans le fil du récit : j’ai parfois un peu lu en diagonale histoire d’en arriver enfin au sujet. C’est le prix à payer pour un récit de 700 pages nous narrant la fin du monde vue par des vampires plus victimes de leur statut que bénéficiant d’un avantage sur le reste de la population mortelle, j’imagine ; je suis somme toute content de n’avoir eu à payer qu’un prix aussi dérisoire en regard de tout ce que j’y ai gagné au final.

Parce que c’est ça aussi, le truc : Sinteval est un récit foutrement ambitieux, sous des dehors qu’on pourrait croire axés avant tout sur « une histoire de vampires ». Tout comme Elisabeta, il y a entre les lignes, ou même de façon aussi frontale que bienvenue, pas mal de réflexions auxquelles on ne s’attendrait pas forcément, mais que j’ai trouvé plus que bienvenues. Après tout, il n’y a pas de mauvaise occasion de se confronter à des sujets toujours d’actualité, y compris au milieu d’un récit dans lequel on anticiperait plutôt de l’action brutale et bas du front. Se poser deux minutes et établir des parallèles inattendus mais agréablement surprenants, de temps en temps, c’est une autre occasion de respirer, de prouver encore une fois de quoi l’Imaginaire inspiré est capable. Inspirant, même. Alors forcément, dans la continuité de son premier tome, il est question de féminisme, au travers notamment de la question ô combien importante de la maternité et du questionnement essentiel de sa place dans notre société ; même si la société en question est composée de vampires. Le reflet, ironiquement, on le voit, et il n’est pas forcément flatteur : il pose les questions qui fâchent les fâcheux. Je ne peux que saluer l’effort.

Et puis j’ai beaucoup aimé la fin. Voilà. Une bonne phrase pour entamer ma conclusion.
C’est du Rozenn Illiano, quoi, qu’est ce que vous voulez que je vous dise, à force, hein. Il y a un truc dans ses ouvrages. Cette détermination à faire les choses au mieux même au milieu du chaos, à donner au monde ce qu’on a de meilleur malgré toutes les épreuves, les difficultés, le poids terrible de la tragédie ; à faire contre mauvaise fortune bon cœur. Ouais, on en chie, ouais, le monde est injuste, crade, douloureux ; mais on pousse, on creuse au fond de soi pour trouver les ressources, la force de caractère et la détermination nécessaires afin de se créer un petit espace où le bonheur est possible, aussi fugace soit-il, et on essaie d’y inclure cielles qui le méritent et/ou peuvent y participer. C’est beau, ça. C’est précieux. Et c’est pour ça que je continue et continuerai à lire cette autrice singulière. Et que je vais continuer à vous enjoindre à le faire. Encore, et encore. Jusqu’à la fin des temps, même si c’est demain. Voilà.
Et non, j’en fais pas trop. Ja-mais.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

3 comments on “Chroniques du Cercle 2 – Sinteval, Rozenn Illiano

  1. larivieredemots dit :

    Je retrouve tout ce que j’aime chez Rozenn Illiano dans cette chronique. « Empathie et sensibilité » sont en effet les maîtres mots que j’emploierai pour qualifier son travail et ce qu’il m’en reste à la fin. J’ai Elisabeta et Sinteval dans ma PAL, je veux d’abord lire la refonte de Night travelers avant de commencer une autre de ses séries, cependant tu me donnes grande hâte !

    Aimé par 1 personne

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