
Abandon à la page 156/650
Fallait bien que ma récente série de rencontres littéraires réussies s’arrête de nouveau : je commence à prendre l’habitude de laisser tomber de la façon la plus positive possible, je crois. Moins de frustration au long cours en dehors d’une déception ponctuelle, juste le constat dépassionné que toutes les lectures ne sont pas faites pour me convenir, et que c’est comme ça, tout bêtement ; il n’y a rien d’autre à en tirer que ça, personne n’est vraiment en faute, la plupart du temps.
Ici, on ne parlera pas d’autre chose que d’une incompatibilité d’humeurs, malgré ma meilleure volonté et mon envie de découvrir un auteur singulier, que m’avait fort bien recommandé læ camarade Marc Ang-Cho. Sans rancune aucune, ce n’était juste pas la bon bouquin au bon moment, pas la littérature dont j’avais envie et besoin en ce moment.
Mais précisons un peu notre pensée quand même.
Parce que dans l’idée, en vrai, il y avait de quoi faire. Pour preuve, malgré un sentiment quasi immédiat de blocage de ma part, j’ai quand même poussé jusqu’à un petit quart du roman, histoire d’être sûr ; il aurait peut-être fallu une scène en plus, un changement de ton, que-sais-je, pas grand chose, pour que je me dise que ça y était, j’étais finalement pris dans le vortex, prêt à m’abandonner à la prose de Brian Catling. Et de fait : non. Pour le dire clairement, je pense que le problème de ce roman a mes yeux n’est qu’un problème d’exécution, et rien d’autre. Conceptuellement parlant, j’ai été intrigué, puisque dans toutes les intrigues parallèles que j’ai lues, il y avait des éléments intrigants, ne demandant qu’à se développer par la suite, à se croiser les unes les autres, avec la mystérieuse Vorrh dans l’arrière-plan, afin de créer des émulsions singulières et une intrigue globale probablement aussi passionnante que nébuleuse.
Sauf que formellement parlant, j’ai été submergé. Anesthésié. Trop de circonvolutions langagières, de métaphores absconses et superflues, d’évocations éthérées, de jeux de langage ; venait toujours un moment où mon cerveau décrochait faute de seulement comprendre de quoi on parlait exactement. Ça manquait de concret, de sobriété, d’une expression parfois plus directe, tout simplement. Le pire étant que je n’ai jamais senti dans cette foisonnance langagière une quelconque prétention ou une volonté de trop en faire ; non, je crois sincèrement que Brian Catling voyait dans cette façon de présenter son histoire une couche supplémentaire de signifiance, d’expression de son univers si particulier. Et dans une certaine mesure, je pense que ça fonctionnait. Dans certains chapitres, ceux dans lesquels par la force de la nécessité, il concédait à une expression ponctuellement plus sobre, par souci de clarté et de densité. Mais dans les autres chapitres, plus déliés, et donc trop dilués, je me perdais régulièrement, me demandant à intervalles réguliers comment j’en étais arrivé là, pourquoi, quand, et encore comment. L’eau du récit coulait sur la toile cirée de mon esprit, en gros : je n’imprimais pas.
Et c’est d’autant plus frustrant que pas mal d’éléments du roman étaient prometteurs ; mais à force de traîner, de se laisser aller à un travail d’atmosphère trop pesant, d’oublier de simplement avancer de façon significative dans un récit qui laisse beaucoup à désirer en terme de substance, il m’a blasé et perdu. Après une énième digression aussi subite qu’inexpliquée m’introduisant un nouveau personnage, sans origine ni personnalité autre que sa fonction, comptant sur moi pour l’ajouter à la longue liste des protagonistes semblant de pas évoluer sur le même plan, j’ai compris que je n’étais pas prêt à parcourir les 500 pages restantes avec suffisamment d’entrain et de patience pour que le jeu en vaille la chandelle.
Finalement on en revient toujours à la même chose avec moi : mon envie d’altérité va de paire avec mon goût pour une certaine classicité formelle. Ou du moins, je ne suis prêt à consentir certains efforts – inconscients ou non – qu’en échange d’un certain équilibre dans les audaces : trop d’un coup et je décroche. J’ai besoin d’enjeux clairs assez vite, ou au minimum de signes narratifs clairs me signifiant que les réponses arrivent et seront satisfaisantes à défaut d’être forcément évidentes. Je n’ai eu le sentiment de lire ces gages assez tôt dans le récit pour avoir la volonté de continuer. Pas de chance.
Un essai raté, ça arrive. Un roman trop perché pour moi, trop exigeant, juste une erreur de timing, quelque chose dans ce goût là, peu importe : je passe à autre chose.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
J’ai aussi ce roman dans ma PAL avec la même envie et crainte que toi. Je pense le lire cet été quand j’aurai le max de temps pour lui donner le plus de chance mais j’appréhende cette narration sans enjeu clair 😅
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Trop perché pour moi également. Je l’ai terminé car c’était un SP mais j’ai l’impression de ne pas avoir tout compris…
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