
More – The Warning
Une fois de plus, je m’en reviens vers vous pour porter la bonne parole de l’oniro-fiction signée Rozenn Illiano. Tant que je ne m’en lasse pas, je ne vois pas pourquoi j’arrêterais. Au pire, en venant ici, vous saviez très bien à quoi vous vous exposiez, en toute logique, alors je vais me donner le droit de croire que je ne suis coupable de rien.
Demeure qu’effectivement, Lettres de Sang est le prochain roman publié par une de mes autrices favorites, et que comme il est de coutume désormais, j’ai eu accès à une copie en avance, ainsi que la possibilité de vous donner mon avis complètement à chaud. Et je ne vais pas jouer sur un quelconque suspense auquel personne ne croirait un seul instant, inféodé que je suis à ma passion pour l’univers singulier d’une écrivaine qui ne l’est pas moins ; sans parler de son talent.
Lettres de Sang, c’était encore une fois super. J’oserais même dire que c’est un de mes romans favoris parmi tous ceux que j’ai pu lire de sa part. Ce qui n’est pas peu dire. Top 5, confortable. Et je m’en vais vous expliquer pourquoi. That’s what I do around here.
Jésabelle est une archiviste très spéciale. Elle travaille dans les sous-sols de Rennes, au service du Cercle, institution séculaire aux mains d’immortels buveurs de sang vivant cachés au yeux de l’humanité. Elle y travaille plus particulièrement sur les lettres échangées entre monarques et personnalités éminentes de ce vieux monde, en tant qu’une des rares petites mains humaines, aux ordres de ces non moins singuliers employeurs ; tout en cherchant discrètement à découvrir comment et pourquoi ses parents se sont vu refuser l’immortalité qui leur était promise. Mais ses plans volent en éclat le jour ou le Cercle est renversé par les Dissidenti, une faction rebelle des immortels, et que ses allégeances comme ses priorités sont remises en question.
Bon, déjà, on est chez les vampires de Rozenn Illiano : j’ai déjà pu le dire lors de mes lectures d’Elisabeta et Sinteval, j’aime beaucoup son traitement de la question, comme ses audaces conceptuelles autour des tropes les plus traditionnellement figés de ce genre si répandu. Donc déjà, à plus d’un titre, en dehors de quelques personnages et thèmes déjà lus avec un peu de décalage auparavant, j’étais à la maison. Le confort, y compris dans la lecture, c’est important. Donc évidemment, on reste solide sur les fondamentaux, je ne vous ferai pas l’injure d’y revenir encore en profondeur : les personnages respirent merveilleusement, l’intrigue est complexe mais rendue avec beaucoup de sobriété et d’efficacité sans perdre en élégance, on explore un univers riche et évocateur, le rythme est impeccable, on a pas le temps de s’ennuyer… Bref, Rozenn Illiano dans ses œuvres, comme toujours, je suis client de sa plume comme de peu d’autres avant elle, on ne se refait pas ; et c’est tant mieux.
Mais, tout ceci étant dit, si j’ai particulièrement apprécié ce roman ci, sans doute un peu plus que certaines de mes lectures les moins enthousiastes de l’autrice ces derniers temps, c’est probablement parce que j’y ai détecté un petit changement de ton, un décalage discret mais assez parlant ; qui en plus de me surprendre, a eu le luxe de me faire comprendre un peu mieux pourquoi j’aimais autant les vampires de l’autrice.
Parce qu’en effet, en dépit de mon adoration pour le travail de Rozenn Illiano, j’avais pu confesser lors de mes lectures de La Maison des Épines, notamment, un certain début de lassitude quant à la mélancolie sourde qui habitait ce volume ou d’autres, ou du moins une certaine fatigue se cumulant malencontreusement avec une ambiance actuelle trop prégnante pour que l’évasion littéraire fasse suffisamment office de catharsis. Sauf que je me suis rendu compte à la lecture de ces Lettres de Sang comme lors de ma lecture de Sinteval qu’il n’en avait ici rien été : pour la simple et bonne raison, je crois, que lorsqu’elle écrit à propos de ses immortel·le·s, Rozenn Illiano ne fonctionne pas exactement de la même manière que pour toutes ses autres histoires. Elle devient alors beaucoup plus énervée. Et c’est ça que j’aime par dessus tout.
Que ce soit pleinement conscient ou non – et je crois qu’elle m’accordera de penser que ça ne l’est pas du tout – les vampires et leur Cercle sont le vecteur parfait pour une allégorie du monde réel et de ce qui pèse sur la conscience la plus politique de l’autrice. Lettres de Sang, au delà d’être un (excellent) récit d’enquête et d’action empruntant aux codes de l’urban fantasy et du thriller, est aussi et surtout à mes yeux une attaque en règle sur les mécaniques de pouvoir régissant notre monde, au travers de celui des vampires ; les enjeux classiques sont simplement transmutés par le passage dans un univers ésotérique. Basiquement, le sang, c’est de l’argent.
Et alors évidemment, comme toujours, il ne faut pas confondre allégorie et applicabilité ; d’autant que je ne pense vraiment pas que cette transparence symbolique soit le fait d’un travail acharné de Rozenn Illiano, en tout cas pas autant que l’efficacité globale de son récit, toujours aussi impeccable. Mais pour autant, il y a dans la réussite de cette correspondance entre les logiques du Cercle et celles de notre ploutocratie médiocre une sincérité et une force de conviction que j’ai absolument adorée : qu’elle le veuille ou non, finalement, peu importe, les convictions de l’autrice débordent de tous ses dialogues et de toute son intrigue, et je m’y suis retrouvé tout entier.
Comme je me suis retrouvé dans l’éternelle mais si attachante imperfection de ses personnages. Iels tâtonnent, essaient, se plantent, réussissent, communiquent mal, parfois y parviennent, avancent, reculent, se mangent autant d’obstacles qu’ils en évitent avec classe ; iels sont humain·e·s, tout bêtement, même quand iels sont immortel·le·s. Et bon sang, que ça fait du bien de lire ça, les bonnes nuances de gris, celles qui ne sont pas là pour faire genre, mais simplement parce que c’est comme ça que ça marche, personne n’est parfait ou complètement – complètement – maléfique pour le principe d’être maléfique. Toujours ce sacro-saint souffle, et cette façon si fraichement directe de raconter les choses avec juste ce qu’il faut de simplicité pour rendre compte de tout avec clarté, y compris et surtout ce qu’il y a de plus complexe. Du travail, tant de travail, invisible, pour donner l’impression que ce n’est rien à faire. Je ne m’en lasse pas.
Qu’est ce que vous voulez que je vous dise, à force, hein. Toujours ce truc, lecture après lecture. C’est passé tout seul ou presque. Avec d’autant plus de plaisir que je me suis retrouvé en alignement complet avec une bonne partie des sentiments animant les personnages, ces merveilleux personnages que je ne me lasse pas de lire et d’aimer, encore et encore.
Bref bref bref. Encore un excellent cru signé Rozenn Illiano. Je ne suis pas surpris. Et je vous souhaite de pouvoir expérimenter cette singulière satisfaction à votre tour, à terme.
En tout cas ce sera pas faute de vous l’avoir répété.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
J’en suis à un peu plus de la moitié, c’est saignant
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Et c’est pas fini ! 😀
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