search instagram arrow-down

Si vous ne me suivez par sur les réseaux sociaux, où je suis le plus actif, vous pouvez être prévenu.e par mail à chaque article.

Rejoignez les 117 autres abonnés

Infos Utiles

Mes réseaux

Archives

Bain de boue, Ars O’

All I Want – A Day to Remember (extrait de l’album What Separates Me from You)

Dans la vie, faut savoir tenter des trucs. Prendre des risques calculés, se mettre un peu en danger mais pas trop. C’est ce que j’ai fait, je crois, en acceptant ce SP de Bain de boue, sorti pour la rentrée littéraire chez les Éditions du Sous-Sol, dont je n’ai jusque là eu que des échos certes flatteurs mais paradoxalement peu encourageants ; leur ligne éditoriale ne me paraît pas être celle qui me correspond le plus. Pour tout dire, j’ai été intrigué plus qu’autre chose, et c’est ma volonté de « goûter avant de dire que je n’aime pas » qui m’a motivé avant tout, en plus de l’argument marketing évoquant la carrière passée de l’auteurice mystère Ars O’ en BD et en Imaginaire et le tournant pris dans sa carrière avec le roman qui nous intéresse aujourd’hui.
Et donc, parlant de tournant entre Imaginaire et ce que je devine par contraste être un roman de ce qu’on pourrait vulgairement appeler de la « blanche » ; forcément, certains de mes voyants se sont allumés préventivement, sans pour autant me faire verser dans une circonspection condamnant le livre en avance. Après tout, j’ai eu des bonnes surprises par le passé avec des bouquins de ce que j’aime bien appeler maintenant de l’Imaginaire timide ; comprenez des textes d’Imaginaire plus ou moins planqués dans des collections générales, qui ne disent jamais vraiment ce qu’ils sont.
Bref, tout ça pour dire que j’étais prudent sans être aucunement enthousiaste ou trop méfiant. Je n’avais que l’idée générale du roman, me préservant comme d’habitude de son résumé ou de ses éléments les plus précis, restant sur une esquisse globale, pour ne pas corrompre mes perceptions avant même de m’y mettre.
Le résultat est le suivant : ce roman est un bon roman. Il a des idées et des ambitions, et il me semble qu’il exécute assez efficacement les éléments de la mission que son auteurice s’est fixés. Pour autant, je ne peux pas dire que je me sois éclaté à le lire, tout simplement parce que j’en suis absolument pas le public cible privilégié.
Et bien entendu, je m’en vais vous exposer les raisons qui font que c’est le cas, à mes yeux.

Futur proche : depuis qu’iels y ont été jeté·e·s, Lana et Rigal vivent – ou plutôt survivent – dans la bauge. Dans la bauge, il n’y a que de la boue, à perte de vue. De la boue et des coulées de boue. On n’y subsiste que grâce au Jardinier, tyran local, seul détenteur des secrets permettant de faire pousser de quoi manger, s’octroyant au passage le droit de posséder un harem beaucoup trop jeune, en plus d’une litanie de privilèges. Puis un jour, poussée par un énième accès de violence inacceptable et poussée à commettre l’irréparable, Lana décide qu’il est temps de partir. De tenter de s’échapper de la bauge, coûte que coûte, accompagné·e·s par le Puterel et la Môme, rescapé·e·s du Jardinier, quitte à affronter des dangers pires encore.

Bon alors n’y allons pas par quatre chemins : Bain de boue fait dans l’exercice de style. [EDIT : Je veux dire par là qu’il prête une attention particulière à son style pour des raisons pratiques et de cohérence, et donc qu’il est de fait très stylisé dans son expression, mais je l’ai mal formulé.]
Il le fait bien, et surtout il le fait pour d’excellentes raisons, mais n’empêche qu’il le fait. Et c’est à la fois, je pense, ce qui fait sa force comme la raison principale pour laquelle j’ai vraiment du mal à être enthousiaste à son propos. Le truc, c’est qu’Ars O’ a clairement eu dans l’idée de travailler à fond les expressions de ses différents personnages au travers de sa narration ; autant pour jouer sur les contrastes entre leurs pensées que pour faire la démonstration passive des bouleversements dont le monde de ce roman comme ses habitant·e·s ont été victimes. L’écriture de Bain de boue est donc fort logiquement âpre et hachée, jouant sur certaines redondances et jeux de syntaxe hasardeuse afin de créer une altérité subtile mais tenace jusque dans les discours de ses personnages, de leurs dialogues à leurs réflexions personnelles. Ce qui n’est pas forcément aisé à aborder, surtout au premier abord, mais qui assez vite, crée un effet de décalage assez efficace pour montrer et démontrer le chemin culturel parcouru par les gens de la bauge, dans ce qu’on devine être un délai relativement court après « la catastrophe ».

Et c’est sans doute là que le bât blesse pour moi. Le style, aussi bien utilisé et ciselé soit-il, il faut, pour moi, qu’il soit mis au service de quelque chose pour vraiment prendre de la valeur et réussir à me toucher. Or, je trouve que Bain de boue pêche un peu, à cet égard. Pas pour dire que je n’y ai pas trouvé de grain à moudre, non ; je crois y avoir trouvé une projection assez claire et effective des temps troublés que nous vivons vers un futur regrettable, ainsi qu’une certaine allégorie autour des questions du dérèglement climatique, avec ses générations sacrifiées, ses perdants et ses dominants profiteurs. Mais aujourd’hui, je ne peux pas affirmer que ces éléments là suffisent pour réellement me sustenter, littérairement parlant. Je crains que pour mes goûts et mes attentes ; un roman, aussi stylistiquement abouti et recherché que ça, doit m’apporter plus que quelques fulgurances et réflexions éparses pour pleinement me satisfaire. C’est plus mon problème que le sien, j’en conviens aisément, mais il demeure qu’encore une fois, le style ne me suffit pas. Toutes les phrases d’un roman pourraient être aussi bien tournées que possible, j’ai besoin qu’elles expriment quelque chose de plus, qu’elles exercent une certaine forme de synergie. Ou en tout cas bien plus régulièrement que dans Bain de boue, qui en dépit de ponctuels vrais moments d’expression puissante, m’a trop souvent laissé à simplement attendre de voir de quoi il allait être réellement question. Et comme il m’arrive parfois, ayant compris ce que j’ai interprété comme l’astuce trop tôt, je n’ai pas réussi à vraiment accrocher sur la longueur.

Ce qui ne m’a pas empêché d’être allé au bout, tout de même, et surtout sans réel déplaisir. C’est ça le truc, aussi, qui me fait me dire que je n’étais juste pas le public cible : je n’ai, au fond, rien d’autre à reprocher ce roman que ses partis pris, comme le fait d’être allé au bout de la démarche qu’il avait décidé d’adopter. Ce qui veut dire qu’au fond, je n’ai en fait pas vraiment de réels reproches à lui faire. Certes, j’ai été un peu déçu de voir l’idée d’aborder un monde semblant post-apocalyptique juste après le cataclysme – plutôt que longtemps après comme c’est plus souvent fait – clairement sous-exploitée, tout comme les rapports entre des personnages avec de belles personnalités moins échanger que ce que j’aurais aimé ; mais ce n’est juste pas le chemin qu’Ars O’ a choisi d’emprunter, y préférant un effort stylistique évocateur et une structure faisant une bonne part de ses démonstrations en creux, avec un certain succès. Je ne peux pas considérer qu’il y ait donc là un véritable manquement ou une erreur de parcours de la part de l’auteurice sans faire preuve d’une certaine mauvaise foi. C’est juste que le style pur, ce n’est pas l’expression littéraire que le préfère, et que les propos développés au fil du récit me sont peut-être apparus un peu trop convenus selon mes standards actuels, surtout après des lectures comme celles de Symphonie Atomique ou Gueule de Truie, par exemple. Et je ne cite pas tant ces œuvres pour dresser une quelconque comparaison – qui n’aurait que peu d’intérêt en soi – que pour simplement dire que j’y ai trop pensé pendant ma découverte de Bain de boue pour ne pas les évoquer comme une raison potentielle de mon manque d’enthousiasme ; je n’ai pas eu le droit à un réel effet de surprise.

Au final, on a, je crois, surtout un timing malheureux à l’aune de mon parcours de lecteur et une certaine incompatibilité d’humeurs à blâmer pour mon retour tiède ; Bain de boue est un roman efficace et bien ficelé, mais s’appuyant sur des conventions littéraires trop éloignées de mes préférences pour pouvoir me séduire pleinement. Je me dois de respecter pleinement ses ambitions comme les moyens mis à leurs dispositions, mais ce serait mentir de dire que c’est ma came. Il m’aurait fallu plus d’audace encore, ou plus de chair conceptuelle à me mettre sous la dent pour être totalement renversé, ou encore quelque chose d’autre que je n’ai pas encore réussi à pleinement identifier.
J’aimerais croire que des lecteurices moins pénibles que moi à propos de ces questions pourront y trouver aisément leur compte. Ce roman fait partie de ceux que j’aurais aimé apprécier à plein sans pouvoir y parvenir ; auxquels je souhaite franchement du succès, mais sans pouvoir sincèrement y contribuer. Peut-être à la prochaine sortie d’Ars O’, qui sait.
Nous verrons bien.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

1 comments on “Bain de boue, Ars O’

Laisser un commentaire
Your email address will not be published. Required fields are marked *