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Les exilés de la plaine, Alex Nikolavitch

Recruiting Sargeant – Great Big Sea (extrait de l’album Play)

Je me disais que ça faisait longtemps que j’étais pas allé me chercher une nouveauté relativement récente, et j’étais de bonne humeur, alors je me suis dit que le timing pour lire du Alex Nikolavitch était idéal. Je dis ça parce que si j’aime beaucoup le travail du monsieur, au-delà du fait que c’est un copain, je sais aussi qu’il n’est pas toujours recommandé pour moi de le lire dans des circonstances où j’ai le moral fragile ; il est du genre à verser dans une certaine mélancolie sombre parfois compliquée à encaisser, Les canaux du Mitan m’en soient témoins.
Ceci étant dit, j’étais assez confiant, quand même : en plus d’être un très bon écrivain à mes yeux, ce qui facilite le plaisir littéraire et donc l’appréciation de ce qu’il raconte en dépit de l’ambiance, à force, je suis quand même tout à fait préparé. Parce que j’ai quand même remarqué, à l’ouverture de ces exilés de la plaine, que mine de rien, j’en ai lu beaucoup, des bouquins de cet auteur, et que ça fait plaisir, en plus de prouver qu’il se passe quelque chose de globalement positif entre nous.
Et puis voilà : il était très cool, ce roman. Et je m’en vais vous expliquer pourquoi, comme d’hab’.

Il s’est exilé depuis des années auprès d’un peuple de la forêt, loin de son ancienne vie trop tumultueuse, remplie de traumatismes et de mauvais souvenirs. Il s’est fait renommer Richard Long-Bras par sa nouvelle famille, auprès de Chante-à-la-Forêt, trouvant une nouvelle quiétude, une réelle paix. Sauf qu’un jour, vient à sa rencontre le capitaine Duquain, qui dans son ancienne vie, avait été son ennemi, envers lequel il a contracté une dette bien malgré lui ; pour lui réclamer son aide. Un ennemi approche, non loin de là, venu des montagnes, et ses talents pourraient bien faire la différence. Alors il reprend les armes, il l’espère pour la dernière fois.

Les prémices sont sobres, promettant une exécution efficace, tout ce que j’aime. Et je n’ai de fait pas été déçu. Pour faire simple, on est dans un roman de guerre et de survie, des humains avec lesquels il est assez simple de rentrer en empathie à l’aune de circonstances défavorables, aidés en cela par un choix de multiplication des points de vue qui a mes faveurs de base, et d’autant plus quand c’est fait pour enrichir leurs perspectives respectives au fil de l’évolution de l’intrigue. Ça crapahute, ça galère, ça fait face, ça galère encore plus, et ça fait des choix pas évidents ; on est très vite dedans et ça ne s’arrête que rarement pour souffler.
Le truc que j’ai adoré, finalement, c’est que bien que Richard Long-Bras soit le point de départ du roman, il n’en est que rarement le point central. On navigue un peu à travers ses yeux pour très vite passer la main à sa compagne ou à leurs différents compagnons d’infortune pour nous rendre compte au plus près des événements de leurs implications. Et ça confère à tout le récit un supplément d’âmes extrêmement généreux, enrichissant l’ensemble par petites touches subtiles. Là où tout voir du point de vue de ce qui s’affiche d’emblée comme un héros torturé aurait pu faire des exilés de la plaine un récit simpliste ou somme toute convenu, cette distribution chorale complexifie merveilleusement tout ce qui nous est présenté, creusant tous ses aspects les plus captivants au long cours plutôt qu’à coup d’expositions lourdingues.

Le fait est aussi que l’univers du Mitan, déjà abordé dans le roman précédent que j’ai cité plus haut, il est vraiment alléchant, pour ne pas dire passionnant. Alex Nikolavitch, comme à son habitude, travaille au corps une matière familière pour y mettre sa patte bien à lui, avec une passion qui suinte par tous les pores de son écriture. Si je regrette profondément de ne pas avoir suffisamment retenu les personnages et événements des canaux du mitan pour retrouver tous les potentiels clins d’œil ou références qui se cachent dans le roman qui nous intéresse aujourd’hui, je ne peux que saluer la totale indépendance de ce dernier, s’attaquant à ses propres thèmes et questionnements avec une séduisante maîtrise.
D’autant plus que je peux taquiner l’auteur sur ses côtés parfois déprimants autant que je veux, il n’y a pas à chercher longtemps pour trouver la lumière qui émane de son travail. Parce que oui, il se passe des trucs affreux là-dedans ; du sang des larmes et de la sueur, on a en notre compte, ici : mais n’empêche que c’est un réel plaisir de lire des personnages profonds et complexes lutter avec des événements extrêmement difficiles avec une réelle humanité et un organisme rares. Moi qui me plains souvent des récits où tout le monde se déteste et passe son temps à commettre des saletés au nom d’un cynisme qui se présente comme de la lucidité ou du réalisme, ça fait beaucoup de bien de lire des personnages animés de nobles intentions qui galèrent à les faire coïncider avec un monde qui leur refuse le droit d’être des gens biens avant tout.

Et puis mince, tout simplement, c’est un bon roman parce qu’il file tout droit. J’ai tourné les pages sans lassitude ni ennui, me nourrissant avec un plaisir sans fard de tout ce qui m’était raconté, curieux de savoir ce qui allait se passer le chapitre suivant ; notamment grâce à ce découpage par focalisation assez délicieux qui nous fait voyager autant que les personnages eux-mêmes, nous livrant au fur et à mesure les éléments nécessaires à notre complète et exhaustive compréhension des enjeux, allant plus loin qu’une « simple » guerre dans une colonie abandonnée.
C’est d’autant plus prenant qu’on sent une réelle démarche intellectuelle là-dedans, qui va creuser l’idée d’une sorte de collectivisme héroïque ; l’intrigue que nous présente l’auteur ne dépend absolument pas uniquement de celui qui est présenté comme le protagoniste initial, au contraire. Très vite, son importance est diluée dans les rapports qu’il entretient avec la troupe qui vient le chercher, puis dans les relations que ces personnages entretiennent entre eux, puis encore avec d’autres. SI on rajoute à ça la profondeur sobre mais conséquente de tous ces personnages, ainsi qu’une certaine emphase magnanime avec les personnages féminins, une normalité qui a encore un peu trop de mal à s’imposer, ça donne un cocktail humaniste d’une certaine douceur qui vient atténuer et nuancer les aspects les plus lourds du récit.

Je crois avoir lu de la bouche numérique d’Alex Nikolavitch qu’il avait « tenté un truc » avec ce roman ; eh bah je crois bien que c’est réussi. Alors certes, on retrouve encore le pragmatisme parfois un peu abrupt que j’associe avec l’auteur, mais mâtiné de la bienveillance un peu bourrue que je lui connais et que j’apprécie particulièrement ; ce roman n’est pas tant un roman de guerre qu’un roman dont le décor est la guerre. Il ne s’agit pas de parler que de ça, mais de tout ce qui l’entoure et l’habite ; les silences y parlent pour créer une sorte d’atmosphère douce-amère, mais plus douce qu’amère, finalement. Et j’aime beaucoup ce mélange : on n’occulte pas les pires choses de la vie, mais on n’oublie pas pour autant les meilleures. Au contraire, on leur redonne la force qu’elles devraient avoir.
En bref de bref : j’aime.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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