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La Machine T1 – Terre de sang et de sueur, Katia Lanero Zamora

Legacy – From Ashes To New (extrait de l’album Blackout)

Un conseil enjoué de l’ours inculte, à défaut d’être une réelle garantie – c’est important de ne pas se faire d’illusions dans la vie – est systématiquement pour moi un excellent signe. Croyez bien que je note l’ironie mordante de me lire dire du bien d’un autre blogueur, étant donné que je n’en lis quasiment jamais. La faute à ma politique de virginité littéraire systématique dans le cadre de découvertes, et à ma flemme absolue de lier les travaux de mes pairs à mes propres chroniques ; j’ai le culot de penser que mon inconstance sur ce sujet est un tant soit peu compensée par mon honnêteté et ma transparence. C’est léger, mais ça compte pour moi : je ne fais pas semblant. Les textes, rien que les textes, et mon rapport plein et entier avec eux. Or, comme je sais que ce rapport peut beaucoup trop facilement être perturbé par les avis et opinions des autres à leur propos, je préfère m’éviter de savoir de quoi il pourrait être question avant de m’y mettre, pour au moins me sentir libre de tout regard extérieur au moment de juger ce que j’ai sous les yeux.
C’est plus fort que moi : lire une interprétation préalable ou un lien émotionnel intime à un quelconque aspect d’une potentielle lecture, je ne pourrais jamais l’oublier au moment de m’y confronter moi-même, et ça parasitera forcément ma lecture ; et j’aime pas ça. D’où l’idée obstinée de ne lire que ce dont j’ignore le maximum, en dehors de quelques exceptions choisies, triées sur le volet.
Mais après, alors là, c’est différent. Ce qui nous amène au copain ursidé susnommé. Sans le moindre doute l’un de mes bloggeurs favoris, dont le style décomplexé et la candeur velue sont des inspirations à chaque fois que je le lis, et que je tente d’émuler et de faire vivre ici à ma manière. Mais qu’à cause de mes obsessions virginales, je ne peux de fait pas lire aussi souvent que je voudrais, en dépit de nos goûts similaires mais pas trop, juste assez proches pour que je puisse faire confiance à son jugement tout en pouvant éviter certaines de ses recommandations en toute connaissance de cause, pouvant identifier les quelques différences essentielles qui séparent nos passions littéraires. Et ça sans citer évidemment son attachement exagéré à la fantasy, le même qu’il peut sans doute me reprocher envers la science-fiction. Personne n’est parfait.
Bref, je m’égare. Tout ça pour dire que les quelques cris du cœur de mon plantigrade favori envers la lecture du jour ont été ceux qui m’ont convaincu de m’en porter acquéreur le jour où j’ai décidé d’acheter quelques ouvrages estampillés ActuSF pour tenter de participer comme je pouvais à leur élégie, aussi temporaire qu’elle fut. Ça faisait longtemps que je n’avais pas pu lire l’ours à propos d’un bouquin qu’on aurait lu tous les deux, alors je me suis dit qu’il était temps quand je l’ai revu popper dans son bilan de l’année 2023.
Ça et puis surtout il fallait que je fasse de la place sur mon étagère, et un dyptique aussi généreux en volume, ça ne pouvait pas faire de mal à enlever, que ce soit bon ou mauvais.
Par chance, l’ours avait (encore) raison : c’était très bien. Et bonus, c’était très bien de manière super intéressante pour moi.
L’intro est finie, on peut enfin parler des trucs pour lesquels vous êtes venu·e·s au départ ; me remerciez pas, ça me fait plaisir.

Andrès et Vian sont les deux fils du Duen Colin Cabayol, riche propriétaire terrien au sein de la toute jeune République de Panîm. Si Andrès est un esprit libre aspirant à faire de la fortune de son nom une richesse à partager, Vian est plutôt un fils modèle, torturé par les aspirations contraires, entre son envie de faire bien et son rapport compliqué à son frère. Or, des troubles commencent à faire bouillir le pays, la température montant de plus en plus entre les royalistes cachés dans l’ombre, décidés à revenir à la monarchie, et les machinistes, partisans d’un nouveau parti politique bien déterminé à faire entrer Panîm dans la modernité.

Comme de coutume, commençons là où ça aurait pu coincer avant d’aborder là où ça s’est bien passé. Je ne dirais pas que j’ai particulièrement lutté, au contraire d’autres ouvrages m’ayant laissé sur ma faim ; mais j’ai pu, au début de ma lecture du moins, craindre un tantinet quelques défauts avec lesquels j’ai malheureusement, désormais, mes habitudes, au moins verbalement. Comprenez par là que si j’ai désormais établi clairement Mes vrais enfants ou Vers les étoiles comme des mètres étalons de romans envers lesquels je n’ai pas de réels reproches objectifs à formuler mais qui ne savent pas provoquer mon adhésion ; j’ai au moins maintenant l’avantage immense d’avoir suffisamment identifié leur littérotype à mes yeux pour pouvoir verbaliser précisément mon problème avec eux.
Et de fait, pendant un bon tiers de ce premier volume de La Machine, j’ai craint qu’on était là-dedans : dans un roman où les difficultés n’en sont pas réellement, où les obstacles ne sont que des formalités pour des héro·ine·s irréprochables, faisant face à une opposition bête et méchante, symbole de choses vilaines mais pas vraiment embêtantes pour les gens purs de cœur et d’esprit. Je l’ai craint, oui, cette littérature un peu trop belle pour être honnête, plus vectrice de bons sentiments que d’une histoire sachant réellement me captiver, parce que simplement trop vouée à une inexorable happy end faisant fi de toute forme de trauma ou de décisions difficiles, à prendre ou à subir. Ces histoires là, aussi bien écrites soient-elles, elles ne savent pas me parler ; j’en vois trop les coutures, et surtout, je n’y crois pas. Je ne peux pas y croire, parce que paradoxalement, en dépit de leur volonté de coller à la vie, elles s’en éloignent trop à mes yeux pour que je m’y projette ; ça ne peut pas être aussi simple.

Alors voilà ; je trouve effectivement l’argument Imaginaire de ce roman assez faible. On dépasse à peine une simple translation historique spatio-temporelle, et je dois bien dire que mon estomac conceptuel est resté sur sa faim, concernant la distance créatrice mobilisée par l’autrice ; ce qui a sans aucun doute participé à ma dubitation initiale. Si je voyais clairement l’intention dramatique, j’avais un peu plus de mal à voir l’intérêt d’un récit aussi conceptuellement plat.
Sauf que j’ai fait confiance à l’ours, et évidemment à l’autrice : il y avait forcément quelque chose d’autre à aller chercher là dessous. En dépit de mes craintes dans le traitement parfois un peu superficiel ou caricatural de certains enjeux, je sentais poindre sous l’ensemble un réel potentiel. Quelque chose, je ne savais trop quoi, mais une braise de supplément d’âme, un élément quelconque qui ne demandait qu’à réellement éclore sous mes yeux pour me convaincre que je tenais effectivement un ouvrage assez singulier pour susciter un réel enthousiasme.
C’était indubitablement bien écrit et mené, en dehors de quelques dialogues un poil trop écrits, et surtout, il faut bien le dire, dans l’ensemble, ça fonctionnait vraiment bien. Je n’étais évidemment pas touché, parce que je suis qui je suis, mais sincèrement, j’étais déjà prêt à pouvoir dire sans la moindre honte que ce roman était excellent, mais simplement pas pour moi, trop empreint d’enjeux émotionnels m’étant étrangers, et d’un manque cruel d’altérité pour mon appétit. Un simple cas d’incompatibilité d’humeurs et d’ambition littéraire. Frustrant, un peu, mais vraiment pas grave.

Sauf que ça, c’était seulement les deux premiers tiers. Parce qu’après deux tiers de mise en place bien propre des enjeux et des personnages, après deux tiers d’un attachement discret mais solide, après deux tiers lancinants d’une tension larvée mais super bien maîtrisée qui nous a fait tenir jusque là, Katia Lanero Zamora fait péter les digues. Et elle fait pas semblant. D’un coup, j’ai compris de quoi il était question, ou du moins de quoi il allait être question. Je le savais déjà, d’une certaine manière, mais à l’instar d’une partie de ses personnages, je croyais encore qu’il était possible d’éviter ce qui allait arriver, que tout cela n’était peut-être pas si grave, qu’on allait pouvoir s’arranger. Ou plutôt, je me suis laissé endormir par la monotonie grisâtre d’un monde semblant léthargique, coincé dans son inertie molle, tout comme la majorité des gens de Panîm (sans m’ennuyer, hein, je parle de façon figurative). Et paf, d’un coup, l’absence de distance résonne différemment. Elle fonctionne à un autre niveau. Et force est de reconnaître que là, je suis bien accroché ; que mes reproches initiaux ne comptent plus du tout, en tout cas pas du tout avec la même intensité que les compliments que je pourrais formuler.
Là je tiens un récit dont les enjeux me parlent, où tout n’est pas trop beau pour être vrai, et surtout, où si happy end il y a, il y a peut de chance pour que je le crois gratuit ; il va falloir que certains personnages bossent très dur pour y avoir droit. Et ça, je veux le lire. Très fort.

C’est balaise, ça. Ce genre de slow burn littéraire. J’en ai pas lu des masses d’aussi bons, je crois. En tout cas très peu qui me fassent refermer un tome 1 avec l’absolue certitude de vouloir lire le tome 2, au moins pour savoir exactement où on va. Je ne peux pas encore jurer avec une absolue certitude que mon attachement aux personnages ou à leurs destinées soit intact à l’arrivée, mais j’ai envie d’y croire, ce qui est suffisamment rare pour être signalé. Et puis mince, ça fait du bien, des bouquins comme ça, capables de nous balader aussi habilement, de complètement nous blouser : nous faire croire qu’on va au point A, avant de se retrouver au point B sans trop comprendre comment on est arrivé là, avec toujours la satisfaction chevillée au corps.
Merci l’ours, on se retrouve très vite pour le T2.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

2 comments on “La Machine T1 – Terre de sang et de sueur, Katia Lanero Zamora

  1. Avatar de oursinculte L'ours inculte dit :

    De rien !
    Quelle « passion exagérée pour la fantasy » ? Je vois pas de quoi tu parles 😀

    Mais très content que le bouquin t’ai finalement concaincu (j’ai eu peur en lisant ta chronique hein !)

    Aimé par 1 personne

  2. Avatar de tampopo24 tampopo24 dit :

    Quelle chronique piquante et enthousiasmante ! J’aime toujours autant ta verve et ton humour grinçant et plein d’auto-dérision.
    J’avais aussi noté ce titre sur la foi d’une autre chronique bloguesque que celle de notre cher ours, mais j’avais quelques craintes, justement, sur le côté « trop beau pour être vrai ». Du coup, ta chronique me rassure et me donne envie de l’ajouter à ma wishlist d’anniversaire, celle de Noël venant d’être clôturée et comme j’ai la chance d’être née dans 6 mois, ça me laisse le temps d’écluser l’une avant d’entamer l’autre ^^
    Bref, merci pour cette lecture éclairante !

    Aimé par 1 personne

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