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Univers 11 – Décembre 1977

L’expérience de lecture d’Univers 06 m’a plu. Alors j’ai décidé de recommencer. Pour tout dire, je me suis même dit qu’ajouter une petite quête de complétion de la collection entière au fil de mes excursions en bouquineries d’occasion pourrait être aussi rigolo qu’intéressant. Alors nous voilà avec le numéro 11, choisi à moitié au hasard ; à moitié parce qu’il y a pas trop de meuf à poil sur la couverture.
Moins de contexte nécessaire dans l’intro cette fois, forcément, puisque c’est simplement le début d’une nouvelle (pôtite) aventure à l’échelle du blog, ce qui fait plaisir.
Ce qui fait moins plaisir, c’est que ce numéro était encore une fois très inégal dans son contenu, par contre. On peut pas tout avoir. Mais je suis un professionnel, je vais vous décrire l’ensemble avec un minimum de précision, quand même.

Le dieu à la licorne nue, Ova Hamlet
Compliqué, d’entrée de jeu, parce que le cœur de mon problème avec ce texte tient à quelque chose qui est censé je pense faire office de surprise/twist en son sein, et même pour des textes courts que je n’ai pas aimés, je déteste spoiler. Ça commence comme une fan-fiction intéressante dans sa prémisse, avec un Dr Watson venant se faire recruter par une certaine Irène Adler alors que Sherlock Holmes a pris sa retraite depuis quelques temps maintenant, pour résoudre une affaire capitale ; si je ne suis absolument pas familier du travail de Conan Doyle, je le connais suffisamment de loin pour savoir que c’est foncièrement cool, conceptuellement parlant.
Sauf qu’arrivé à la moitié, le récit part complètement en vrille et enchaine les choix incompréhensibles et vides d’intérêt, dans un processus d’auto-sabotage qui m’a complètement échappé. Si le travail référentiel et intertextuel est évident, je n’ai absolument pas compris l’intérêt. Si ce texte se voulait sérieux d’une quelconque raison, c’est raté parce que c’est creux et bêtement frénétique jusqu’à une chute complètement nulle et manquant de clarté autant dans les intentions que dans l’exécution ; et si le texte se voulait parodique ou satirique, il n’en reste qu’un jeu de name-dropping assez stérile et un récit manquant de force comique ou divertissante.
Fort possible que j’ai raté quelque chose, faute de suffisamment des références idoines, mais celles que j’ai captées m’ont plus fait ronfler d’incrédulité lasse qu’autre chose, donc bon. C’est très long pour ce que c’est, et ça finit en eau de boudin indigeste. Intérêt très limité.

La machine exige un sacrifice, Dennis Etchison
Ça se passe mieux ici, au moins en terme d’intentions ; le texte ne s’en cache pas. Une nouvelle d’anticipation bien glauque à base de service de récupération de restes en tous genres à l’issue d’accidents automobiles, et j’insiste sur l’aspect « en tous genres ». C’est évidemment un peu vieillot dans l’expression et dans certaines facettes science-fictives, mais dans l’ensemble, c’est bien crade comme il faut pour devenir évocateur et d’une certaine manière, assez clairvoyant. J’ai particulièrement apprécié la conclusion et le choix de focalisation, assez malins d’économie d’effets et d’efficacité.

Permis de mourir, Philippe Curval
Je ne suis pas très sûr, pour celui-là. D’un côté, assez clairement, j’ai un souci avec l’obsession sexuelle du personnage principal – et sans doute de son auteur, du coup – ce qui entacherait n’importe quel récit à mes yeux, vous connaissez ma relative pudeur à l’égard de ce sujet en littérature. Je me demande donc à quel degré cela a négativement impacté ma lecture. Parce que de l’autre côté, si j’ai été bien accroché par la prémisse de départ, nous dépeignant un immortel las de sa vie bien remplie souhaitant se suicider et nécessitant l’appui d’une administration kafkaïenne pour en avoir le droit, je ne suis pas bien convaincu d’avoir compris le fonds de l’affaire. Dans l’espace d’un texte aussi court et intense, j’avoue qu’il m’aurait peut-être fallu un peu plus de détails faisant office de déclaration d’intention générale ; j’avais presque l’impression que cette nouvelle était plus le prologue d’une histoire plus riche, ou une de ses péripéties. Le concept était là, mais il avait besoin d’être mieux exploité pour exprimer quelque chose d’un peu plus percutant, je trouve.

Un père attentif, Brian Aldiss
Un texte très court, donc impossible à résumer sans trop en dire, mais une indéniable réussite à mes yeux. Là aussi, une formidable économie de moyens et d’effets pour une chute toute simple mais superbement efficace, et assez jolie, dans son genre. Deux pouces en l’air.

Au travers des Étoiles Explosives, François Mottier
Ça commence par un poème que je n’ai pas compris et de fait pas vraiment apprécié, au delà de mon manque personnel d’empathie au genre lui-même. Et comme le reste du récit se bâtit sur son rapport diégétique audit poème, forcément, ç’a pas mal compliqué les choses. Je crois que sans avoir tout capté, j’ai apprécié l’idée générale quand même, dans la construction comme dans certaines des intentions formelles plus audacieuses, autour de la préservation de la beauté dans des temps inhospitaliers à cette dernière. Un texte peut-être un poil trop sophistiqué pour mon goût, mais dont je dois au moins respecter l’ambition et les idées.

Un bel di, Chelsea Quinn Yarbro
Et on finit avec ce qui est aisément mon texte préféré de ce numéro, bien qu’assez difficile à lire et aborder sereinement, parce qu’on y parle violences sexuelles et pédophilie, rien que ça ; pire, on en parle du point de vue du salopard qui se rend coupable de ces saloperies, un dignitaire extra-terrestre en voyage sur une planète étrangère, qui profite des coutumes locales pour se procurer un « compagnon » dont il pourra faire ce qu’il veut avec la bénédiction et le dévouement total de ce dernier.
Ce texte est assez brillant, en dépit de la crudité et la brutalité de ses thèmes, comme de leur exploitation. Pas tant parce qu’il dénonce assez frontalement l’horreur, bien que ce soit toujours bienvenu, d’autant plus quand c’est fait comme ici sans aucun voyeurisme ; mais surtout parce qu’il le fait d’une façon terriblement lucide, résonnant d’ailleurs aujourd’hui avec une cruauté affreuse. Ce que dénonce avant tout l’autrice, et à raison, c’est bien le phénomène d’emprise et le cœur noir des VSS, à savoir la pulsion de maîtrise et de contrôle, dont les aspects sexuels sont malheureusement des symptômes secondaires, aussi abjects soient-ils. Le monstre qui nous est décrit dans ce texte l’est autant pour son cynisme à propos de ses exactions que pour son détachement sadique et sa pleine connaissance des conséquences des actes qu’il commet.
Il fallait bien que ce texte fût écrit par une femme pour dire de façon aussi intemporelle et clairvoyante quelque chose qui dès lors n’aurait pas dû faire débat, et qui pourtant ne semble toujours pas clair pour tout le monde aujourd’hui. C’est aussi fascinant que déprimant.

Bon, en vrai, j’ai un peu exagéré dans l’intro, il faut bien le dire, je m’en rends compte maintenant. Oui, tout n’est pas bon – ou du moins à mon goût – dans ce numéro ; mais les textes qui me conviennent me conviennent vraiment. Et surtout, je suis profondément satisfait de les avoir lus ; d’autant plus que je n’aurais sans doute jamais pu les trouver ailleurs, dans toute leur flamboyante vieillerie, entourés de leurs dossiers et éditoriaux que je ne lirai probablement jamais ou seulement par curiosité tangentielle toute personnelle.
C’est pour ça que je suis très content de m’être résolu à lire tous les Univers sur lesquels je pourrais mettre la main, parce que ce sont de véritables reliques ; des témoins singuliers et marquants d’une époque complètement révolue. Je vois mal comment je pourrais, autrement, lire des textes qui n’ont absolument passé l’épreuve du temps. J’en reviens toujours là : c’est plus simple de savoir où on est et où on va si on sait un minimum d’où on vient.
Bref, pas un numéro exceptionnel, mais un bon numéro, grâce à ses plus belles fulgurances.
Espérons que c’est le standard à venir pour les autres numéros.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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