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Série Noire #3

Les entrées dans la Série Noire s’espacent, c’est une excellente nouvelle.
Moins bonne nouvelle, toutes les entrées de cette troisième itération m’attristent à des degrés divers, autant qu’ils m’ont surpris ; j’avais envie de les aimer bien plus que d’autres de mes précédents abandons.
Mais comme toujours, je préfère considérer que j’ai fait des économies d’énergie et de bonne volonté de cette manière, plutôt que des efforts vains.
Procédons.

Himilce, Emmanuel Chastellière
61/427
Le bouquin comme l’auteur n’y sont pour rien. Comme rarement pour un abandon de ma part, je crois, si ce n’est jamais. Une perspective intéressante de fantasy historique sur une période que j’aime plutôt bien et qui me rend habituellement curieux, une ambition assez claire, le tout servi par un soin évident à l’écriture, ç’aurait dû fonctionner. Ironiquement, c’est peut-être ce soin qui m’a perdue. Sans que je puisse dire que le roman en fasse trop ou soit indigeste, il me semble qu’il manque peut-être de simplicité pour correspondre à mon goût, ou tout du moins à ce qu’il est devenu ; ça me fatigue, à force, littérairement parlant, quand toutes les phrases et dialogues sont autant de figures de style, quand tout est prétexte à emphase ou métaphore. Cruellement, je crois que ce bouquin, au delà de surtout mal tomber dans mon planning et mes envies, aurait du être un peu plus trivial pour me séduire, s’intéresser un peu plus au quotidien de son personnage principal, plutôt qu’à sa destinée.
C’est clairement compétent, ça mérite tout le succès possible, mais je serais incapable d’en faire une pub enthousiaste et sincère. J’avais simplement envie et besoin d’autre chose.

Les Mystères de Paris T2 – La maison de la rue du Temple, Eugène Sue
108/452
Le principal intérêt du premier tome à mes yeux avait été, sans que je m’en rende réellement compte, l’effet de surprise. Et de fait, sachant un peu plus à quoi m’attendre cette fois, il est vite devenu évident que mon entrain allait être impossible à mobiliser de la même manière ; d’autant plus que les coutures du feuilleton sociologique sont désormais bien trop visibles à mes yeux. Entre ça et un début de roman relativement poussif, consacré à remettre en place de nouveaux enjeux dilués dans une narration lente et pas franchement passionnante, je préfère me garder d’une trop grosse déception et tenter de conserver dans mon esprit uniquement les souvenirs enthousiaste du premier volume. C’est pas que c’est mauvais, c’est que ce n’est plus aussi bon.

La conjuration des imbéciles, John Kennedy Toole
203/478
Dans la liste des œuvres majeures de ma jeune vie vers lesquelles je savais devoir un jour ou l’autre me retourner afin d’avoir le cœur net à propos de mes enthousiasmes adolescents, La conjuration des imbéciles était probablement en tête de peloton, d’une bonne tête devant La Horde du Contrevent ou Le Déchronologue. Il faut dire qu’on parle d’un gros morceau, dont la prime lecture m’a été inspirée par un autre de mes emportements post-pubères, L’Encyclopédie du Savoir relatif et absolu de Bernard Werber, dont l’un des articles narrait l’histoire tragique de cet auteur maudit suicidé avant de connaître un écrasant succès posthume grâce à l’acharnement de sa mère auprès d’un éditeur initialement pas intéressé par le travail de son pauvre fils.
Et comme je suis aujourd’hui extrêmement revenu de ma passion pour le travail de Bernard Werber – tout en lui accordant une certaine tendresse résiduelle pour le travail d’ouverture abattu dans mon esprit – des années après ma lecture initiale de l’ouvrage dont il est question aujourd’hui, quelques questions ont commencé à ma tarauder, m’amenant graduellement à me décider à une relecture un peu plus critique. Je l’ai gardé tout ce temps dans toutes mes bibliothèques en me jurant de vérifier un jour.
En effet, j’étais très jeune, la première fois, surtout à l’échelle d’un roman aussi singulier, où le cadrage comme l’exécution font office d’exception furieuse. Et si mes souvenirs étaient enjoués, ils s’étaient progressivement teinté d’un certain scepticisme, à son égard comme au mien. M’étais je laissé aveugler par la recommandation panégyrique m’ayant amené à le découvrir, me faisant succomber à une sorte d’effet placebo littéraire, condamné à aimer ce récit uniquement parce que j’avais une telle envie de l’aimer à la hauteur de sa triste légende, quitte à me contorsionner le cerveau pour y parvenir en dépit du bon sens, ou était ce effectivement le chef-d’œuvre qu’on prétendait qu’il était, encore magnifié par mon expérience et ma meilleure compréhension de son génie initialement incompris ?
En dépit de mon abandon, je crois que la réalité est plus complexe et grise que ça. Si j’ai laissé tombé cette relecture, ce n’est pas parce que le roman n’est pas bon ; en tout cas je pense qu’il mérite toujours une bonne part de sa réputation. En effet, en dépit du caractère pathétique et extrêmement abrasif d’Ignatius J. Reilly, notre insupportable anti-héros, j’ai trouvé un intérêt différent dans la lecture de son parcours et de ses trajectoires satellitaires. Là où mon moi d’il y a quelque chose comme 15/20 ans s’était concentré sur lui uniquement, ne faisant que peu attention aux passages qui ne le concernaient pas directement, le moi d’aujourd’hui a su être un peu plus attentif aux intentions les moins évidentes de l’auteur, au coté presque sociologique, anthropologique, de l’ensemble. Et de fait, je me suis retrouvé dans une ambiance m’évoquant un peu Le petit déjeuner des champions ; quelque chose d’un peu foutraque, transgressif et cynique, où l’important n’est pas tant le personnage que ce qu’il traverse et ce que les conséquences de ses actes peuvent avoir de plus intéressant que lui à étudier.
Et le truc, c’est que si à l’époque, j’ai sans doute du m’emmerder plus d’une fois au cours de ma lecture sans oser me l’avouer à cause de la réputation qu’avait l’ouvrage, faute de comprendre toutes les implications de ce que je lisais, jusque à la révélation finale renversant spectaculairement une bonne part des perceptions qu’on avait jusque là, la seule chose dont je me rappelais vraiment, les choses sont différentes aujourd’hui, ne serait-ce que parce que je me souvenais de cette séquence finale, précisément. Et paradoxalement, c’est sans doute là que le bât blesse. Là où des romans comme celui-là, habituellement, sont des plaisirs à relire justement parce qu’on peut tout considérer dès le départ avec la fin en tête, pouvant se régaler de l’ironie dramatique, ici, ça n’a absolument pas marché sur moi.
Et franchement, je n’arrive pas vraiment à me l’expliquer, en dehors de l’hypothèse la plus probable : à savoir que j’ai vraiment beaucoup, mais alors beaucoup de mal, avec les personnages insupportables, même et surtout s’ils sont écrits comme tels. Ignatius J. Reilly est un immense trou du cul.
C’est voulu, je le sais. Encore heureux, quelque part, j’aurais eu beaucoup de mal à accepter qu’un personnage aussi imbuvable, égoïste, prétentieux, arrogant, condescendant, méchant, pingre, crade et fainéant, avec ce qui ressemble à des tendances zoophiles et quelques autres haines bien immondes, puisse représenter le sommet de l’héroïsme littéraire, même avec des aspects torturés qui expliqueraient ou pardonneraient ses errements. Et quelque part, que cet effroyable être humain soit aussi bien écrit, avec un bon paquets de complexités confinant ponctuellement à mes yeux à une forme de neuro-atypie avant l’heure le rendant encore plus organique à mes yeux, c’est à mettre au crédit de John Kennedy Toole. C’est balaise, de réussir à écrire une distribution aussi variée et aussi crédible, dans le genre de ce que j’identifierais comme la comedy of errors, avec une sorte de vibe Frères Coen, un peu noire, un peu tendre, un peu moqueuse, un peu cynique. C’est pas un coquetèle facile à équilibrer.
Si cette fois, je ne suis pas allé au bout, c’est uniquement parce que je n’avais pas la force de continuer à m’infliger les errements égotiques d’Ignatius. Je me considère comme un lecteur assez solide de l’estomac, mais j’avoue que la limite de mon plaisir s’aligne souvent avec la médiocrité et la malveillance banales de l’humanité ; j’ai assez d’émotions négatives à gérer dans la vraie vie pour me les voir reproduites dans ce que je lis, même si c’est bien écrit. Surtout si c’est bien écrit, d’ailleurs : j’ai une faible tolérance à l’égard de l’esthétisation de ce que je trouve moralement moche. M. Reilly a une verve indiscutable, et John Kennedy Toole à travers lui, qu’il met très souvent à profit pour des scènes confondantes de réalisme et de satire ; mais ça ne suffit pas pour me faire apprécier une lecture, aujourd’hui, surtout quand je sais – ou crois savoir – où l’ensemble va.
Je regrette peut-être un peu de ne pouvoir pousser jusqu’au bout la dernière petite énigme qui me restait à résoudre vis-à-vis de ce roman, à savoir celle de son exergue : l’auteur l’avait il placée là pour parler de lui, ou d’Ignatius ? La première serait triste, la seconde me paraitrait un peu exagérée, considérant personnellement que le génie, c’est aussi un certain sens de l’auto-critique et de la remise en question, ce dont Ignatius est clairement dépourvu, en dépit de ses réelles capacités intellectuelles. C’est sans doute aussi pour ça qu’en dépit de mon abandon, je garderai une place spéciale pour ce roman dans mon esprit. Mon ponctuel de courage me fait me dire que ce n’est sans doute que partie remise. Peut-être qu’un jour, je retenterai encore l’aventure. Pour être vraiment sûr.

Et voilà pour cette fois. Je crains de ne pas avoir grand chose de plus à rajouter.
Vous savez quoi, j’abandonne aussi cette conclusion, ça me paraît cohérent. Et un peu rigolo, aussi.

Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉

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