
Guy.exe – Superfruit (extrait de l’album Future Friends)
J’avais prévu une lecture plus conséquente que celle-là, sauf que : la dépression.
Mais comme je refuse de me laisser abattre, j’ai juste changé de braquet et je suis descendu d’un cran en terme de volume, histoire de remonter en selle aussi vite que possible. Et dans ces cas-là, rien de tel qu’un UHL, surtout quand la sortie est récente ; parce que j’aime bien, quand même, être à jour sur les sorties les plus récentes, encore plus quand l’ouvrage en question m’a été envoyé en SP : merci les biquettes du démon, comme toujours.
Ceci étant dit, bon, il y avait toujours la possibilité que ce hors série ne tombe qu’à moitié bien, il est vrai. Parce que certes, Alastair Reynolds, c’est l’exceptionnel Eversion, d’abord et avant tout dans mon esprit, mais c’est aussi La millième nuit et De l’espace et du temps ; à savoir soit un coup de cœur total soit des novellas bien foutues mais qui me dépriment comme peu d’autres textes savent le faire, à coup de mélancolie et de spleen cosmique.
Honnêtement, en ouvrant ce Hors-Série 2025 et en me rappelant que c’était cet auteur que j’allais lire, je me préparais à tristement soupirer. Avec respect, mais quand même tristement soupirer.
Et puis en fait non. C’était rigolo.
Et puisque je vais manquer de choses à dire en dehors de ça, autant commencer par une mention spéciale à la fort jolie illustration d’intérieur qui ouvre cette petite novella, et qui annonce plutôt bien la couleur, quand bien même elle est monochrome. Ça tombe bien, je n’aime rien tant que le noir et blanc. Et les illustrations intérieures, je m’en rends compte, ça me manque un peu ; ça ajoute du pep’s et des éléments auxquels s’accrocher à ce qu’on lit, quand c’est bien fait (et ici c’est bien fait, évidemment).
Mais bref, disais-je : c’est rigolo, comme texte. Le genre de conjonction science-fictive rare que j’aime beaucoup parce qu’elle part d’un postulat assez sérieux pour en faire à la fois n’importe quoi et quelque chose d’assez sérieux quand même. Cette histoire de robots conscients qui doivent réussir à se faire passer pour des humains auprès des seuls survivants d’un accident de cryogénisation dans un vaisseau géant pour préserver leur propre existence, rien qu’à le résumer en une seule phrase exhaustive, on se rend compte que c’est à la fois très simple et pas du tout : y a de quoi faire avec ça.
Et de fait, j’aime vraiment bien ce qu’en a fait l’auteur gallois, un peu à contre-pied de l’image mélancolique et contemplative que je m’étais faite de lui avec ses deux derniers ouvrages lus ; c’est plus ironique et espiègle qu’autre chose. Et c’est aussi assez malin, parce que ça évite le piège de l’IA trop logique et dénuée d’émotions qui galèrerait ainsi à imiter les éléments les plus imprévisibles de l’humanité, se concentrant plutôt sur le fait que les intelligences artificielles ont été programmées par l’humanité, et donc souffrent exactement des mêmes biais, quoique à une autre échelle. On a donc du robot un peu prétentieux se prévalant d’un score cognitif supérieur à celui de robots considérés comme inférieurs au seul nom de leur fonction, ignorant donc leurs connaissances à propos des humains au seul motif que c’est lui le chef : très humain, au fond.
Alors oui, je trouve quand même que l’ensemble manque un peu de chair, et que quelques jalons supplémentaires d’illustration des galères de ces pauvres robots pour essayer d’échafauder un plan correct n’auraient pas été de trop, à la fois pour le rire, mais aussi et surtout pour pousser encore un chouïa plus loin le sense of wonder ou les possibilités science-fictives ouvertes par Alastair Reynolds avec son concept de départ. Mais l’essentiel est quand même préservé ; le renversement de perspective est réussi, les scènes qui veulent être amusantes le sont, celles qui visent à autre chose atteignent leur cible sans difficulté, et l’ensemble se tient fort honorablement. Que j’ai refermé l’ouvrage avec un goût de reviens y ici n’est qu’un témoignage de son succès, dans l’ensemble.
Bref, un petit bonbon hors-série qui vaut le coup, pour lui-même comme pour la collectionite (on se sait). Une bonne idée bien réalisée, avec malice et personnalité ; j’en aurais volontiers pris un peu plus, mais dans la vie on a pas toujours ce qu’on veut.
Voilà voilà.
Au plaisir de vous recroiser.
En attendant, que votre avenir soit rempli d’étoiles. 😉
