
Flor – hold on (Extrait de l’album come out. you’re hiding)
Première chronique.
Elle aurait pu être compliquée à écrire. Elle ne le sera sans doute pas. Certains ouvrages, à la lecture comme à la retransmission, font office d’évidence. Il faut savoir que je suis un gros lecteur. je dévore des pavés d’une taille qui pourrait en rebuter plus d’un sans le moindre souci, pour peu que l’étincelle s’embrase, m’embrasant d’un feu aussi rapide qu’intense. 432 pages, c’est loin d’être quelque chose de difficile. Et le feu a pris très très vite en ce qui concerne ce livre.
Seulement voilà, mon cerveau est un colocataire capricieux et tyrannique. Alors que j’en étais arrivé à la page 300, il a décidé que je serais désormais incapable de lire, sans explication rationnelle, et ce pour une durée indéterminée. Il fait ça parfois. Le salaud. Trois semaines de diète littéraire forcée, à juste devoir regarder de loin un bouquin qui m’a instantanément séduit, en l’espace de quelques pages. Alors on essaie de lire quelques lignes, en se disant que ça va relancer la machine, mais non, en trois lignes, on se perd, on ne comprend pas ce qui est écrit, on rage, on réessaie, on rage encore, et on laisse tomber, en se disant que ça reviendra.
Et puis c’est revenu, comme ça, et en une petite soirée, c’était plié. J’ai fini, et je vais pouvoir vous partager mon amour pour un roman qui encapsule à la perfection la puissance de la grande Science-Fiction, celle qui vous balance un gros uppercut en pleine face et qui vous rappelle pourquoi la Littérature c’est si beau, si bon.
Alors. De quoi s’agit-il ?
Il s’agit d’une histoire somme toute très simple. Nous sommes embarqués en même temps que Rosemary, simple humaine originaire de Mars qui décide de fuir sa planète natale et d’aller vivre dans le Voyageur, vaisseau tunnelier, missionné pour creuser des trous de vers à travers l’Espace pour le compte de l’Union Galactique. En gros.
Elle y rencontre un équipage hétéroclite. Très hétéroclite. Un capitaine humain, une pilote reptilienne (mais faut pas le dire c’est espéciste), un cuistot-infirmier mâle anciennement femelle doté de 6 mains-pieds et d’autant de cordes vocales, d’un mécano un peu barré, d’une autre mécano encore plus barrée, d’un ingénieur pas très sociable, d’un navigateur velu avec des tatouages rituels partout qui en fait sont deux et d’une IA très sensible.
Ça pourrait sembler beaucoup à assimiler. Pas du tout.
Et bien entendu, c’est d’abord là que le roman trouve sa plus grande force. Ses personnages sont absolument fabuleux, et je pèse mes mots. Un terme que j’aime à (trop) utiliser lorsqu’il s’agit de personnages est celui de souffle. Ceux là en ont à revendre. Des kilo-tonnes. Tous ont leurs motivations claires, leurs affects particuliers, distillés avec une maîtrise absolument incroyable au fur et à mesure que l’intrigue se noue et se dénoue, tout au long des dialogues ciselés que nous livre Becky Chambers. Drôles, émouvants, touchants, profonds, philosophiques, jamais assez d’adjectifs pour les décrire avec suffisamment de précision. Le seul mot qui me viendrait capable de résumer ma pensée serait « juste ». Tout sonne juste.
(Très grosse pensée à la traductrice Marie Surgers au passage. Travail de titan abattu avec une très grande classe.)
L’intrigue est loin d’être en reste, mais je n’en dévoilerai rien puisque bien qu’accrocheuse dans son ensemble, elle n’est somme toute qu’accessoire à un plus gros travail de psychologie et de réflexion sur ce que nous pouvons être en tant qu’êtres humains, mais plus encore en tant qu’êtres pensants, à l’échelle de nos sociétés et de la galaxie toute entière, du règne vivant lui même. Il aurait été aisé de tomber dans beaucoup de poncifs, mais le naturel est saisissant. Tout s’emboîte sans accrocs, tout fait sens, tout s’enchaîne avec une fluidité, une tendresse qui réchauffe le cœur, nous rend meilleur.e.s et donne foi en quelque chose de plus fort que nous, un Amour universel, transcendant. Raison pour laquelle je ne livrerai pas non plus de détails supplémentaires sur les personnages, car ils méritent tous sans aucune exception d’être rencontrés et découverts, avec le maximum de détails aptes à vous surprendre et à vous séduire.
Alors on pourrait croire que j’en fais beaucoup, peut être trop. Certes. On m’a déjà reproché d’être parfois trop bon public. Je n’en ai cure. Vous aurez l’occasion de vous rendre compte que je tâche d’extraire des textes que je lis ce qu’ils ont de meilleur à donner. Si je n’y trouve rien, alors je le dis. Mais lorsque le meilleur est omniprésent, il faut savoir plier un genou et rendre hommage. Ce que je fais ici ; sans hésitation ni remords. J’aurais sans doute l’occasion d’être plus nuancé dans le futur, mais pour le moment, je me contenterais de saluer ce roman pour ce qu’il est : un authentique et rare chef d’oeuvre.
Pour conclure, je vais encore parler de moi (ce ne sera pas trop régulier normalement, pas d’inquiétude). Mais il faut savoir que je suis absolument incapable de lire sans écouter de la musique, ne demandez pas pourquoi. J’ai une explication mais elle est sans intérêt. Toujours est il que je suis également un gros consommateur de musique, et que de ce fait, différents artistes, groupes et morceaux un peu aléatoires accompagnent chacune de mes lectures. Soit parce que la lecture en question coïncide avec la découverte d’un titre ou d’un album que j’aurais écouté en boucle en parallèle de ladite lecture, soit parce que cette dernière m’aura évoqué un morceau de ma playlist habituelle. Je joindrai donc à la fin [EDIT : au début] de chacune de mes chroniques une ou plusieurs pistes musicales, en accord avec mon humeur, par l’atmosphère ou une certaine concordance entre la musique et le texte.
En espérant vous recroiser.
D’ici là, que votre avenir soit rempli d’étoiles.
Un roman que j’avais beaucoup aimé. Tu as raison, les personnages ont beaucoup de souffle et j’ai aimé que cette SF choisisse de se concentrer avant tout sur eux.
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